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Procédure pénale
Exception préjudicielle à la mise en mouvement de l'action publique : constat préalable d’illégalité par une juridiction répressive
Mots-clefs : Procédure pénale, Action publique (mise en mouvement), Exception préjudicielle, Garde à vue, Atteinte à la liberté individuelle, Classement sans suite de la plainte, Absence de saisine d'une juridiction pénale
L’exception préjudicielle prévue à l’article 6-1 du Code de procédure pénale ne saurait trouver application lorsque la procédure à l’occasion de laquelle l’acte dénoncé aurait été commis n’a donné lieu à la saisine d’aucune juridiction pénale habilitée à constater le caractère illégal de la poursuite ou de l’acte accompli. Tel est l’enseignement de l’arrêt rendu le 30 mars dernier.
L'article 6-1 du Code de procédure pénale pose une exception préjudicielle à la mise en mouvement de l'action publique aux termes de laquelle « lorsqu'un crime ou un délit prétendument commis à l'occasion d'une poursuite judiciaire impliquerait la violation d'une disposition de procédure pénale, l'action publique ne peut être exercée que si le caractère illégal de la poursuite ou de l'acte accompli à cette occasion a été constaté par une décision devenue définitive de la juridiction répressive saisie ». Cette disposition a vocation à protéger les officiers de police judiciaire et les magistrats contre les procédures abusives et à éviter les plaintes dilatoires.
Cette exception préjudicielle ne s'applique qu'en cas de violation, au cours d'une procédure judiciaire, d'une disposition de procédure pénale. Ainsi en est-il par exemple des faits de faux, usage de faux et subornation de témoin susceptibles d'avoir été commis par un juge d'instruction à l'occasion de l'audition d'un témoin impliquant la violation d'une disposition de procédure pénale au sens de l'article 6-1 du Code de procédure pénale, comme portant atteinte au principe de loyauté des preuves (Crim. 28 oct. 2014, n° 14-81.127).
Par ailleurs, l'illégalité de la procédure doit avoir été constatée par la juridiction répressive par une décision devenue définitive (Crim. 10 mai 2001, n° 99-87.052). Saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation a pu juger que cette règle est intelligible, qu'elle a été édictée dans le but d'intérêt général d'éviter que le déroulement des procédures soit perturbé, qu'elle n'instaure aucune inégalité entre les personnes et qu'elle ne porte pas atteinte au droit à un recours effectif, la loi prévoyant des recours contre les actes de procédure argués d'illégalité (Crim. 5 avr. 2011, n° 10-88.079).
La jurisprudence tire deux conséquences de cette règle :
■ En l'absence d'une telle décision constatant l'illégalité, le juge d'instruction saisi d'une plainte avec constitution de partie civile doit rendre une ordonnance de non-lieu à informer (Crim. 28 janv. 1997, n ° 96-81.388).
■ L'existence d'une décision définitive de la juridiction répressive écartant l'illégalité de la poursuite ou de l'acte accompli fait obstacle à l'exercice de l'action publique (Crim. 26 nov. 1996, n° 96-83.258).
Mais quid lorsqu’aucune juridiction pénale n’a été saisie ?
En l’espèce, un homme a déposé une plainte assortie de constitution de partie civile auprès du juge d’instruction, du chef d’atteinte à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique. L’infraction aurait été commise du fait de son placement en garde à vue par un officier de police judiciaire, lors d’une enquête ouverte du chef d’obtention frauduleuse de documents administratifs, finalement classée sans suite. Le juge d’instruction a rendu une ordonnance de refus d’informer, au visa de l’article 6-1 du Code de procédure pénale, en relevant que la mesure de garde à vue prise à l’encontre de l’intéressé n’avait pas fait l’objet d’un constat préalable d’illégalité par une juridiction répressive, et que l’action publique ne pouvait être mise en mouvement. La partie civile a relevé appel de cette décision. Pour confirmer l’ordonnance entreprise, l’arrêt retient qu’en l’absence d’une décision définitive ayant statué sur l’irrégularité de la garde à vue, les faits dénoncés ne peuvent légalement comporter une poursuite.
Au visa de l’article 6-1 du Code de procédure pénale, la chambre criminelle censure les juges du fond et affirme au terme d’un attendu de principe rappelant les dispositions de l’article 6-1 du Code de procédure pénale, « ces dispositions ne sauraient trouver application lorsque la procédure à l’occasion de laquelle l’acte dénoncé aurait été commis n’a donné lieu à la saisine d’aucune juridiction pénale habilitée à constater le caractère illégal de la poursuite ou de l’acte accompli ». En l’espèce, la garde à vue dont se plaint la partie civile étant intervenue dans une procédure finalement classée sans suite, aucune juridiction pénale n’a été saisie. L’exception préjudicielle n’a donc logiquement pas vocation à s’appliquer.
Crim. 30 mars 2016, n° 14-87.251
Références
■ Crim. 28 oct. 2014, n° 14-81.127 P, D. 2014. 2243 ; ibid. 2015. 1738, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2015. 206, obs. L. Ascensi ; ibid. 320, obs. P. de Combles de Nayves.
■ Crim. 10 mai 2001, n° 99-87.052.
■ Crim. 5 avr. 2011, n° 10-88.079.
■ Crim. 28 janv. 1997, n ° 96-81.388 P, RSC 1997. 664, obs. J.-P. Dintilhac.
■ Crim. 26 nov. 1996, n° 96-83.258 P.
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