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Exception purement personnelle au débiteur : la caution ne peut l’opposer au créancier
Mots-clefs : Cautionnement, Caution solidaire, Procédure préalable de conciliation, Non-respect, Fin de non-recevoir, Exception purement personnelle, Inopposabilité au créancier
La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une procédure de conciliation contractuellement prévue ne concernant que les modalités d’exercice de l’action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même, elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer au créancier.
Assignée en paiement, une caution solidaire d'un prêt oppose l'irrecevabilité de la demande pour non-respect de la procédure préalable de conciliation prévue par le contrat de prêt. Retenant que l'obligation de mettre en œuvre une procédure préalable de conciliation s'analyse en une exception inhérente à la dette, en ce que cette prévision est indifférente à la personne du souscripteur et ne se rapporte qu’à l’obligation souscrite, dont elle définit les modalités présidant à son admission et sa mise en exécution, en sorte que la caution pouvait valablement opposer cette exception au créancier, la cour d'appel accueille cette fin de non-recevoir. Cette décision est cassée par la chambre commerciale au visa des articles 2313 du Code civil et 122 du Code de procédure civile : « En statuant ainsi, alors que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer (…) ».
Malgré le silence de l'article 122 du Code de procédure civile, les fins de non-recevoir conventionnelles ont été admises par la jurisprudence (Cass, ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423), dont elle précise progressivement les contours. Ainsi, en refusant, par la décision rapportée, que la caution solidaire puisse opposer au prêteur la clause de conciliation figurant dans le contrat de prêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation rend une décision qui intéresse autant le contrat de cautionnement que l'opposabilité des fins de non-recevoir.
Concernant tout d’abord le cautionnement, en indiquant que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause de conciliation n'affecte que les modalités d'exercice de l'action du créancier, la chambre commerciale considère que cette fin de non-recevoir est personnelle et non consubstantielle à la dette en elle-même, conformément à la distinction posée tant par l'article 2313 du Code civil, relatif au cautionnement et visé par la Cour de cassation, que par l’article 1208 du Code civil, relatif à la solidarité, et qu’étrangement la Cour ne mentionne pas, en sorte que la caution ne peut l’opposer au créancier pour échapper à son engagement.
En effet, la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur principal. Ainsi, par un arrêt rendu le 8 juin 2007, très largement contesté par la remise en cause du caractère accessoire du cautionnement que sa solution entraînait, la chambre mixte de la Cour de cassation avait jugé que la nullité relative tirée du dol affectant son consentement, purement personnelle au débiteur principal, ne pouvait être opposée au créancier par la caution (Cass, ch. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602). En l’espèce, c’est sans doute la contractualisation de la procédure de conciliation instituée et voulue par les parties qui a personnalisé l’exception en sorte qu’elle ne pouvait être vue, contrairement à ce qu’avaient retenu les juges du fond, comme une exception inhérente à la dette.
Cela étant, les dispositions des articles 2313 et 1208 du Code civil visant expressément les exceptions, soit qu’elles relèvent de la nature même de l’obligation, soit qu’elles soient vues comme purement personnelles au débiteur, et non la fin de non-recevoir, l'on peut s'interroger, sur le point de savoir si le non-respect de la clause de conciliation obligatoire ne serait pas en réalité une exception de procédure.
Com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734
Références
■Code de procédure civile
■ Code civil
■ Cass, ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages.
■ Cass, ch. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602, RTD civ. 2008. 331, obs. P. Crocq.
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