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Droit de la famille
Exclusion du droit de visite du parent violent privé totalement de l’autorité parentale sur son enfant
La décision de retrait total de l'autorité parentale entraîne pour le parent concerné la perte automatique de son droit de visite, attribut de l'autorité parentale au sens de l'article 379 du Code civil. Cette déchéance n’est pas contraire à l'article 371-4, alinéa 1er, du même code, les parents n’étant pas des ascendants au sens de ce texte, ni à l’article 8 de la Conv. EDH, l’atteinte à la vie familiale du parent déchu poursuivant le but légitime de protection de l’enfant.
Civ. 1re, 1er oct. 2025, n° 24-10.369
Le retrait total de l'autorité parentale prononcé par le juge pénal envers un père violent entraîne la suppression automatique de son droit de visite à l'égard de son enfant, en ce que ce dernier se présente comme une victime, directe ou indirecte, des violences intrafamiliales justifiant la condamnation. Tel est l’enseignement capital de la décision rapportée.
Une mère saisit le juge aux affaires familiales pour demander le retrait de l'autorité parentale du père de sa fille, ainsi que la fixation de la résidence de l'enfant à son domicile, sans droit de visite et d'hébergement du père. Quatre mois plus tard, ce dernier, condamné pénalement pour des faits de violences et de harcèlement à l'encontre de la mère, se voit retirer totalement son autorité parentale sur l'enfant. Nonobstant sa condamnation, il sollicite un droit de visite à l’égard de sa fille. La cour d'appel déboute le père de cette demande, motif pris que le retrait total de son autorité parentale empêche nécessairement de lui accorder un droit de visite. Devant la Cour de cassation, le père invoque le droit de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants (C. civ., art. 371-4) et conteste, sur le fondement de son droit au respect de sa vie familiale (Conv. EDH, art. 8), l’automaticité du refus d’accorder un droit de visite au parent privé par le juge répressif de l’autorité parentale, alors qu’un tel droit doit pouvoir être aménagé dans l’intérêt de l’enfant.
Le moyen posait ainsi la question de savoir, dans le silence des textes, si le droit de visite des parents est inclus dans les attributs se rattachant à l'autorité parentale en sorte que le retrait total de l'autorité parentale doit entraîner de plein droit, pour le parent concerné, la privation de tout droit de visite.
La Haute Juridiction y répond par l’affirmative, ajustant sa motivation à chacune des branches du pourvoi formé à la fois sur le fondement du droit interne et du droit supranational.
Tout d’abord, elle affirme que le retrait total de l'autorité parentale prononcé par le juge pénal à l'égard du parent auteur d'un crime ou d’un délit commis sur la personne de l'autre parent (C. civ., art. 378 al. 1 et 3) porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, se rattachant à l'autorité parentale (C. civ., art. 379). Partant, le père qui, en l’espèce, est condamné pénalement pour des faits de violence commis sur la mère de son enfant et qui se voit en conséquence être totalement privé de son autorité parentale, perd aussi son droit de visite, en ce que celui-ci est un attribut de l'autorité parentale (pt n° 8). À noter que la privation du droit de visite est également encourue en cas de retrait total de l’autorité parentale prononcé, hors de toute condamnation pénale, sur le fondement de l’article 378-1 du Code civil, visant des comportements parentaux mettant en danger l’intégrité physique et morale de l’enfant et/ou l’absence d’exercice de leur autorité parentale, pendant plus de deux ans, en cas de placement de l’enfant (pt n° 7).
Ensuite, elle rappelle le principe de l’octroi d’un droit de visite, malgré la séparation des parents, à celui qui ne dispose pas de la résidence habituelle de l’enfant (pt n° 10). Consacré à l’article 373-2 du Code civil, ce principe résulte d’un double fondement : le premier repose sur le droit et le devoir des parents de maintenir des relations personnelles avec leur enfant, le second relève autrement du droit de l'enfant, reconnu dans son propre intérêt, de conserver des liens avec eux, ce droit procédant du lien de filiation qui les unit. Cependant, note la Cour, à la différence des articles 373-2-1 al. 2 et 3, 373-2-8, 373-2-9 et 375-7 du Code civil, respectivement relatifs à l'exercice de l'autorité parentale par un parent seul, aux modalités de son exercice en commun par les parents ou à son exercice en cas de placement de l'enfant, qui réservent tous expressément, dans l'intérêt de l'enfant, et sauf motifs graves pour le parent qui n'a plus l'exercice de l'autorité parentale, le principe du maintien du droit de visite, les articles relatifs au retrait de l'autorité parentale ne l'ont pas prévu. De plus, ajoute la Cour, il résulte des travaux parlementaires afférents aux lois n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, qu'au regard des circonstances exceptionnelles conduisant à un retrait total de l'autorité parentale, le législateur a estimé que les exigences de la protection de l'enfant rendaient nécessaire la rupture, au moins pour un an, des relations entre l'enfant et le parent qui a fait l'objet d'une telle mesure. Autrement dit, la permanence du lien parent/enfant en principe recherchée par le législateur, dans les hypothèses légales précitées, par le biais de la règle du maintien du droit de visite, doit au contraire être écartée dans les cas les plus graves que constituent les violences intrafamiliales.
De la combinaison de ces dispositions, des exigences qui les gouvernent et des objectifs qu’elles poursuivent, il se déduit que la décision de retrait total de l'autorité parentale entraîne pour le parent concerné la perte automatique de son droit de visite en tant qu’attribut de l'autorité parentale. Dans les cas d’une gravité exceptionnelle justifiant la déchéance totale de l’autorité parentale, cette décision de retrait du droit de visite sera prononcée par le juge sans autre motif. Dans ces cas les plus graves, l’exception devient en quelque sorte le principe : le droit de visite du parent concerné est ipso iure retiré, la gravité des motifs en principe exigée pour en décider s’inférant de la nécessité de retirer en totalité l’autorité parentale.
Sur la conventionnalité de l’article 379 du Code civil, qui était également questionnée par le demandeur au pourvoi, la Cour de cassation renvoie à une jurisprudence ancienne et constante de la Cour européenne des droits de l’homme, qui n'admet la rupture des relations personnelles entre un parent et son enfant que dans des circonstances exceptionnelles, motivées par l'exigence impérieuse tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant (CEDH Johansen c. Norvège, 7 août 1996, n° 17383/90, § 78 ; CEDH Jansen c. Norvège, 6 sept. 2018, n° 2822/16, § 93). C’est en conformité avec cette exception consacrée au niveau européen que la première chambre civile légitime l’atteinte à la vie familiale du requérant résultant du retrait total de son autorité parentale par l’intérêt supérieur de son enfant : si le retrait total de l’autorité parentale, et la suppression du droit de visite qui en découle, caractérisent bien une ingérence dans le droit au maintien des relations personnelles entre un parent et son enfant, cette ingérence poursuit un but légitime consistant à protéger l'enfant, victime directe ou indirecte de violences intrafamiliales ou mis en danger du fait de l'un ou l'autre de ses parents (pt n°18). En l’espèce, l’atteinte portée au droit du père au respect de sa vie familiale se trouve ainsi légitimée par l’intérêt de sa fille, prise en qualité de victime indirecte des violences conjugales exercées sur la mère. L'atteinte à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme est donc écartée.
Enfin, sur l'applicabilité de l'article 371-4, al. 1, du Code civil aux parents de l’enfant et l'interprétation de la notion d'ascendants, avec lesquels l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles, la Cour de cassation renvoie aux travaux parlementaires de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, dont est issu le texte précité, qui indiquent que les ascendants s'entendent des personnes autres que les parents, ces derniers bénéficiant de droits spécifiques. Au cas présent, le père ne peut donc pas invoquer le droit de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants pour justifier l’octroi d'un droit de visite à son profit (pt n°25).
En définitive, il se déduit du retrait total de l’autorité parentale ordonné par le juge pénal que le requérant a perdu tous les droits qui s’y rattachaient, dont le droit de visite, qui ne peut lui être accordé sur aucun des fondements invoqués.
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