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Droit pénal général
Exercice illégal de la pharmacie : appréciation de l’erreur de droit
Mots-clefs : Erreur de droit (Conditions, caractérisation, non), Cause de non-imputabilité, Exercice illégal de la pharmacie
La chambre criminelle rappelle, dans une affaire d’exercice illégal de la pharmacie, les conditions de l’erreur de droit, cause d’irresponsabilité pénale prévue par l’article 122-3 du Code pénal.
En 2006, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens porta plainte contre la société P… pour exercice illégal de la pharmacie, délit prévu par l’article L. 4223-1 du Code de la santé publique, en raison de la commercialisation de plusieurs produits pour chiens. La société fut mise en examen et une ordonnance de non-lieu fut rendue, dont la partie civile interjeta appel. La chambre de l’instruction rendit un arrêt confirmatif en retenant que la société en cause avait, s’agissant de trois produits, commis une erreur de droit résultant de la définition donnée par le dictionnaire des médicaments vétérinaires et établissant son absence de volonté délictueuse.
La chambre criminelle casse et annule cette décision au visa des articles 593 du Code de procédure pénale et 122-3 du Code pénal, estimant « qu’en prononçant par ces seuls motifs, alors que, pour bénéficier de la cause d’irresponsabilité prévue par le second des textes susvisés, la personne poursuivie doit justifier avoir cru, par une erreur de droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir le fait reproché, et en omettant de répondre aux conclusions de la partie civile relatives aux produits X…, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision ».
Si en principe « nul n’est censé ignorer la loi », le juge puis le législateur ont progressivement admis (le premier dès 1958, le second avec le Code pénal de 1994) que l’erreur de droit pouvait valoir comme cause de non-imputabilité de l’infraction, à condition d’être invincible. Aux termes de l’article 122-3 du Code pénal, l’erreur sur le droit est une erreur inévitable commise par un agent qui « a cru (…) pouvoir légitimement accomplir l’acte ». Pour s’en prévaloir, l’intéressé doit démontrer que l’erreur n’a pu être évitée (le texte d’incrimination n’a pas été publié, elle a agi sur le fondement d’une information erronée). Pour la jurisprudence, l’erreur spontanée n’est jamais insurmontable (soit l’agent est présumé connaître le droit, soit il l’ignore mais doit alors se renseigner) mais l’erreur provoquée peut l’être (la personne qui a délivré l’information erronée doit être dotée d’une certaine autorité). La légitimité de l’erreur est appréciée par comparaison avec le comportement d’un homme raisonnable placé dans les mêmes circonstances, ce qui conduit à écarter les erreurs qui ne sont pas vraisemblables.
Pour tenter de s’exonérer, la société poursuivie s’était, en l’espèce, contentée de dire que son erreur résultait de la définition donnée par le dictionnaire des médicaments vétérinaires. Une erreur spontanée, dénotant en outre d’un manque de diligence patent, logiquement repoussée par la Cour de cassation (v. déjà, s’agissant d’un directeur de grande surface qui avait commercialisé un produit dont la qualification de médicament était contestée et à qui les juges ont reproché de ne pas s’être entouré de conseils appropriés, Crim. 15 oct. 2002).
Crim. 4 oct. 2011, no 10-88.157
Références
■ Crim. 9 oct. 1958, Laurent et autres, D. 1959. 68 ; S. 1960. 172 ; Gaz. Pal. 1958. 2. 319 ; RSC 1960. 69, obs. Légal ; A. Varinard, J. Pradel, Grands arrêts du droit pénal général, Dalloz, coll. « Grands arrêts », 2009, no 46.
■ Crim. 15 oct. 2002, no 01-88.555, Dr. pénal 2003, comm. no 23, obs. Véron.
■ X. Pin, Droit pénal général, 4e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2010, p. 191 s.
■ Rép. pén. Dalloz, V° « Erreur sur le droit », par D. Viriot-Barrial.
■ Code pénal
« N'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte. »
« Les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.
Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. »
■ Article L. 4223-1 du Code de la santé publique
« Le fait de se livrer à des opérations réservées aux pharmaciens, sans réunir les conditions exigées par le présent livre, constitue l'exercice illégal de la profession de pharmacien. Cet exercice illégal est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
a) L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
b) La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, conformément à l'article 131-21 du code pénal ;
c) L'interdiction définitive ou pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, ainsi que l'activité de prestataire de formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 du code du travail pour une durée de cinq ans ;
d) La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus de l'établissement dans lequel l'infraction a été commise.
Le fait d'exercer cette activité malgré une décision judiciaire d'interdiction définitive ou temporaire est puni des mêmes peines.
Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction définie au présent article encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal, les peines prévues par les 2° à 9° de l'article 131-39 du même code. L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du même code porte sur une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »
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