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Droit administratif des biens
Expropriation : le caractère indirect des coûts de dépollution
Mots-clefs : Expropriation, Installation classée, Dépollution, Préjudice direct
Le coût de dépollution pesant sur l’exploitant d’une installation classée ne constitue pas un préjudice trouvant son origine dans une expropriation, précise la Cour de cassation dans un arrêt du 22 septembre 2010.
Le coût de dépollution pesant sur l’exploitant d’une installation classée constitue-t-il un préjudice trouvant son origine dans une expropriation ? C’est une réponse négative que la troisième chambre civile de la Cour de cassation apporte à cette question, semble-t-il inédite.
Cette question s’inscrit dans le cadre plus global de l’intervention du juge judiciaire, en sa qualité de juge de l’expropriation, qui, rappelons-le, a compétence pour prononcer le transfert de propriété et fixer les indemnités dues aux expropriés. C’est lui qui fixe donc les indemnités correspondant au préjudice direct causé par l’expropriation, l’article L. 13-13 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique obligeant l’administration à en réparer l’intégralité. Or, la question posée à la Cour de cassation portait précisément sur l’appréciation du caractère direct du préjudice.
Le litige trouve son origine dans l’expropriation d’une société exploitant une installation classée au profit de l’établissement public « Voies navigables de France » (VNF). Cette société estimait l’indemnité fixée par le juge insuffisante car ne couvrant pas l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation (art. L. 13-13 C. expr.). Pour elle, l’obligation légale de dépollution a son origine directe dans la cessation d’activité qui est la conséquence directe de l’expropriation. Or, souligne la Cour de cassation, même si l’entreprise expropriée avait la volonté de se réinstaller sur un autre site pour y poursuivre son activité, « l’obligation légale de dépollution pesant sur l’exploitant d’une installation classée à la cessation de l’activité sur un site étant liée aux conditions d’exercice de cette activité, (…) le coût de la dépollution ne constitue pas un préjudice trouvant son origine dans la mesure de dépossession forcée ».
Il est en effet exceptionnel que soient reconnues comme présentant un caractère direct les mesures imposées par la loi ou le règlement. Le juge considère en effet que de telles mesures sont indépendantes de l’opération d’expropriation elle-même. Plus exactement, le préjudice, si il existe et est certain, est antérieur et ne peut donc pas être une conséquence directe de l’expropriation. C’est ainsi qu’a été jugé l’absence de relation directe avec l'expropriation du préjudice fiscal, concernant en l'espèce l'impôt sur les plus-values (Civ. 3e, 11 févr. 1998). N'est pas plus la conséquence directe de l'expropriation et ne peut donner lieu à indemnisation, le dommage qui résulte, pour les copropriétaires d'un immeuble d'habitation faisant l'objet de l'expropriation, de l'interdiction préexistante figurant au plan d'occupation des sols, d'ériger toute construction nouvelle dans le vaste jardin d'agrément attenant à cet immeuble (Civ. 3e, 28 mars 1984).
Civ. 3e, 22 sept. 2010, FS-P+B, n° 09-69.050
Références
■ Expropriation pour cause d’utilité publique
« Procédure permettant à une personne publique (État, collectivité territoriale, établissement public) de contraindre une personne privée à lui céder un bien immobilier ou des droits réels immobiliers, dans un but d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. Dans certains cas, elle peut être mise en œuvre au profit de personnes juridiques privées en vue de la réalisation d’un objectif d’utilité publique. Dans tous les cas, la déclaration d’utilité publique doit émaner d’une autorité de l’État. »
« Juge du tribunal de grande instance chargé de fixer le montant des indemnités d’expropriation, à défaut d’accord amiable entre l’expropriant et l’exproprié. »
« Installations de toute nature, telles que chantiers, usines, exploitations, pouvant présenter des dangers pour la commodité du voisinage, la sécurité ou la salubrité publique, la protection de l’environnement ou des sites et monuments. Leur création donne lieu à autorisation ou à déclaration, et elles sont soumises à des inspections pour contrôler le respect des règles qui leur sont applicables. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article L. 13-13 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
« Les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation. »
■ Civ. 3e, 11 févr. 1998, Bull. civ. III, n°32.
■ Civ. 3e, 28 mars 1984, Bull. civ. III, n° 83.
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