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Droit des obligations
Faculté de remplacement : l’octroi d’une provision vaut autorisation du juge
Mots-clefs : Obligation, Créancier, Inexécution, Faculté de remplacement, Remplacement judiciaire, Condition, Autorisation judiciaire, Octroi d’une provision, Autorisation implicite
En application du principe selon lequel le créancier peut, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur, l'allocation au preneur d'une provision afin de faire réaliser des travaux incombant normalement au bailleur vaut nécessairement autorisation de les effectuer.
Après qu’une société eut loué un hôtel à un particulier, une commission communale de sécurité avait dressé un procès-verbal prescrivant l'exécution de travaux de sécurité incendie concernant l'ascenseur. En dépit de plusieurs mises en demeure, le bailleur avait refusé de prendre en charge ces travaux. La société preneuse l'avait alors assigné pour voir juger que les travaux lui incombaient et obtenir sa condamnation à en payer le coût. En cours de procédure, elle avait en conséquence obtenu du juge de la mise en état, par ordonnance, la condamnation du bailleur à lui verser une provision de 48 017,69 euros, somme qui lui avait permis de réaliser les travaux.
Pour refuser de rendre définitive cette condamnation, la cour d’appel retint que les travaux avaient été effectués avant même que le bailleur eut payé la provision et que la condamnation à l'avance des frais ne valait pas autorisation implicite de les faire réaliser en l'absence de toute demande d'autorisation judiciaire.
Au visa de l'article 1144 du Code civil, cette décision est cassée. Rappelant le principe selon lequel le créancier peut, en cas d'inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur, la Cour juge qu’en l’espèce, l'allocation à la société preneuse d'une provision en vue de la réalisation de travaux incombant au bailleur valait nécessairement autorisation de les effectuer.
L'ancien article 1144 du Code civil autorisait le créancier, en cas d'inexécution, à faire exécuter lui-même l'obligation aux dépens du débiteur, lequel pouvait alors être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires à cette exécution. Cette faculté alternative de remplacement est désormais contenue à l’article 1222 du code. Ce texte, reprenant en substance le précédent, permet au créancier de demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à l’exécution de l’obligation ou à la destruction de ce qui a été fait en violation de celle-ci.
Déjà, comme en atteste la décision rapportée, la jurisprudence considérait, en application de l’article 1144, que le créancier devait saisir préalablement le juge pour obtenir l’autorisation de procéder à l’exécution par un tiers, après avoir mis en demeure son débiteur d’exécuter son obligation. En l’espèce, le preneur avait pu obtenir, en application de cette disposition, le remboursement des travaux réalisés dès lors qu’outre la mise en demeure du bailleur, il avait sollicité une autorisation judiciaire de les exécuter ; en condamnant le bailleur à verser au preneur une avance des sommes nécessaires à l'exécution d'une obligation, le juge de la mise en état avait en réalité autorisé le preneur à réaliser lui-même cette dernière, sans quoi la somme sollicitée et obtenue n'aurait eu aucun sens. Ainsi, en décidant par ordonnance qu'il convenait de condamner le bailleur à payer au preneur la somme de 48.017,69 € à titre de provision, ce dont il résultait qu'il autorisait ce dernier à effectuer – à l'aide de cette somme – les travaux litigieux, le juge de la mise en état avait, par cette condamnation à l'avance des frais de travaux, implicitement autorisé le preneur à les faire réaliser.
Autrement dit, la condamnation judiciaire du débiteur à avancer les fonds nécessaires à l’exécution de son obligation par un tiers équivaut à l’autorisation requise pour que le débiteur use de la faculté de remplacement qui lui est offerte par la loi.
Précisons cependant que cette faculté ne nécessite plus systématiquement le recours au juge, ce qui n’était admis qu’en cas d’urgence jusqu’alors. En effet, désormais, seule la destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation requiert l’intervention préalable du juge, ce qui renforce la place des remèdes de justice privée au sein du droit commun des contrats. Seule l’exigence d’une mise en demeure préalable du débiteur demeure inchangée (Sur ce point, V. G. Chantepie et M. Latina, La réforme du droit des obligations, Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, Dalloz 2016).
Civ. 3e, 7 juill. 2016, n° 15-18.306
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