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Droit de l'entreprise en difficulté
Faillite personnelle : pluralité de griefs et proportionnalité de la sanction
Mots-clefs : Faillite personnelle, Commerçant (qualité, preuve), Sanction (nullité, proportionnalité), Interdiction d'exercer, Griefs (pluralité)
Si la sanction infligée relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, il importe, lorsque plusieurs faits sont retenus, que chacun d'entre eux soit légalement justifié.
Rendue sous l'empire des textes codifiés de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 (art. L. 625-3 et L. 625-5 anc. C. com.), la solution dégagée par la chambre commerciale dans l'arrêt du 1er décembre 2009, en matière de faillite personnelle, est transposable au régime issu des réformes du 26 juillet 2005 et du 18 décembre 2008 (art. L. 653-4, 4° nouv. C. com.).
En l'espèce, le débiteur, apparemment un exploitant agricole (puisque l'ouverture de sa procédure procède de l'assignation de la Mutualité sociale agricole), se voyait reprocher par le liquidateur, d'une part, l'absence de tenue d'une comptabilité régulière et, d'autre part, l'omission de déclaration de sa cessation des paiements dans les délais alors prévues (15 jours à l'époque, 45 jours désormais). Seul le premier grief était discuté. En effet, pour que soit condamnée la non-tenue d'une comptabilité, encore faut-il que la tenue d'une comptabilité soit exigée par les textes. Ce qu'expriment les dispositions, aussi bien de l'ancien article L. 625-3, 2°, que du nouvel article L. 653-4, 4°, du Code de commerce. Or, ces dispositions ne sont pas applicables aux agriculteurs personnes physiques. La chambre commerciale estime que la cour d'appel qui a prononcé la faillite personnelle de l'intéressé pour une durée de dix ans, « sans s'expliquer sur la qualité de commerçant de M. D. que ce dernier contestait et qui constituait la condition nécessaire pour retenir à son encontre le défaut de tenue d'une comptabilité régulière […] n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Les conditions de la deuxième incrimination visée par les poursuites n'étant pas réunies, la Cour de cassation juge nulle la sanction prononcée par les juges du fond. Le fondement de la décision des Hauts magistrats est le principe de proportionnalité : si la peine prononcée, une faillite personnelle d'une durée de dix ans, est justifiée par un double manquement, il n'est pas possible de considérer que cette peine est encore proportionnée, justifiée dans son quantum, si l'un des manquements fait défaut. On peut voir dans cet arrêt la condamnation, par la chambre commerciale, de la pratique consulaire consistant à invoquer contre le débiteur personne physique ou le dirigeant de la personne morale débitrice, plusieurs griefs incriminés au titre de la faillite personnelle ou de l'interdiction de diriger.
Com. 1er déc. 2009
Références
« Sanction prononcée, dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, à l’encontre des dirigeants de personne morale, des commerçants, des agriculteurs ou des personnes immatriculées au répertoire des métiers, qui se sont rendus coupables d’agissements malhonnêtes ou gravement imprudents. Cette sanction facultative, applicable aux seules personnes physiques, peut être prononcée à toute hauteur de la procédure. Elle emporte interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique (…) ».
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Article L. 653-4 nouv. C. com.
« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »
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