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[ 30 novembre 2011 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Feux d’artifice et respect du droit à la vie privée et familiale

Mots-clefs : Propriété, Acquisition, Feu d'artifice, Dommage, Vie privée et familiale, Intrérêts publics, Sécurité

L’autorisation de tirer des feux d’artifice à proximité d’un domicile ne viole pas le droit à la vie privée et familiale de ses habitants garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.

Une autorisation de tirer deux fois par an des feux d’artifice à proximité d’une habitation peut-elle porter atteinte aux droits protégés par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme de ses occupants (droit à la vie privée et familiale) et mettre en danger leurs vies et leurs biens ?

Les membres d’une famille maltaise, qui avaient acquis une maison située dans une zone non habitée, soutenaient que les feux d’artifice tirés à moins de 150 mètres de leur propriété mettaient gravement en danger leur vie, leur santé (l’un d’eux avait des séquelles auditives), leur sécurité et celle de leur bien (des débris ayant endommagé leur résidence). Malgré des préconisations émanant d’experts soutenant la plainte des requérants, le commissaire de police poursuivit la délivrance d’autorisation des tirs.

Ayant choisi d’intenter une action constitutionnelle (et non civile de droit commun contre les décisions du commissaire de police), la Cour constitutionnelle maltaise considéra que les réglementations retenues avaient opéré un juste équilibre entre l’intérêt public et les droits des requérants. Ces derniers saisirent alors la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant les articles 8 (droits au respect de la vie privée et familiale), 14 (interdiction de discrimination) et l’article 1er du Protocole n°1 (protection de la propriété) de la Convention.

La Cour écarte les griefs tirés de l’article 14, en raison du juste équilibre entre les intérêts respectifs du public et des requérants, et ceux de l’article 1er du Protocole n°1, du fait que la question relative au bien n’avait pas été soulevée devant les juridictions internes.

Après avoir constaté qu’il n’existait aucun risque réel et immédiat pour la vie ou l’intégrité physique des habitants de cette maison (v. à propos d’une mine de charbon CEDH 10 févr. 2011, Dubetska et autres c. Ukraine), que les dommages au bien étaient minimes et réversibles, que l’acquisition de la propriété avait été faite en connaissance de cause, la Cour souligne que les feux d’artifice s’inscrivent dans le cadre des fêtes de villages qui constituent un apport pour l’économie locale (v. pour l’apport économique que constitue un aéroport justifiant les répercussions négatives sur l’environnement  : CEDH 21 févr. 1990, Powell et Rayner c. Royaume-Uni ; CEDH 8 juill. 2003, Hatton c. Royaume-Uni) et que le gouvernement maltais avait bien pris des mesures de protection dans l’intérêt des personnes et des biens, notamment en faisant surveiller les tirs par les pompiers. Elle conclut ainsi à la non-violation de l’article 8.

On rappellera qu’en France, c’est le maire qui est le garant des tranquillité et sécurité publiques. Il dispose à cet effet de pouvoirs de police administrative générale (art. L. 2212-2, 2° et 3° CGCT) pour mettre fin aux différentes nuisances (comme les feux d’artifices pour lesquels il délivre un permis de tir sur le domaine public) qui pourraient notamment porter atteinte à la santé des individus. Tenu de prendre toutes mesures utiles pour prévenir ou faire cesser le trouble, le maire peut engager la responsabilité de la commune par son inaction ou pour non-respect de la réglementation (CE 30 mars 1979 ; CAA Marseille, 14 avr. 2011).

CEDH 22 nov. 2011, Zammit Maempel c. Malte, n°24202/10

Références

CEDH 10 févr. 2011, Dubetska et autres c. Ukraine, n°30499/03.

CEDH 21 févr. 1990, Powell et Rayner c. Royaume-Uni, n°9310/81.

CEDH 8 juill. 2003, Hatton c. Royaume-Uni, n°36022/97.

CE 30 mars 1979, n°03527, 037716.

CAA Marseille, 14 avr. 2011, n°08MA04913, inédit.

■ Convention européenne des droits de l’homme

Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Article 14 – Interdiction de discrimination

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Article 1er du Protocole additionnel à la Convention – Protection de la propriété

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

Article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales

« La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :

1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ;

2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ;

3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ;

4° L'inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente ;

5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ;

6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ;

7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces ;

8° Le soin de réglementer la fermeture annuelle des boulangeries, lorsque cette fermeture est rendue nécessaire pour l'application de la législation sur les congés payés, après consultation des organisations patronales et ouvrières, de manière à assurer le ravitaillement de la population.

 

Auteur :A. T.


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