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[ 25 septembre 2014 ] Imprimer

Procédure pénale

Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes : inscription et dispense

Mots-clefs : Agression sexuelle, Auteur, Inscription, FIJAIS, Dispense

Aux termes de l’article 706-53-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale, les décisions concernant les délits mentionnés à l’article 706-47, punis d’une peine d’emprisonnement égale à cinq ans, sont enregistrées dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction. Dès lors, cette dernière ne peut écarter la demande de dispense d’inscription dont elle était régulièrement saisie. Elle doit en examiner le bien-fondé.

Le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), créé par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 avait pour finalité initiale de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles commises sur un mineur et de faciliter l'identification de leurs auteurs. Les lois n° 2005-1550 du 12 décembre 2005, n° 2006-399 du 4 avril 2006 et no 2013-711 du 5 août 2013, ont successivement allongé la liste des infractions susceptibles de justifier une inscription dans ce fichier (v. la liste C. pr. pén., art. 706-47).

L'inscription au FIJAIS est une mesure destinée à éviter la récidive par l'obligation de la personne de justifier périodiquement de son adresse (C. pr. pén., art. 706-53-5). Mesure de sûreté qui ne dit pas son nom (V. M. Herzog-Evans , ss. Crim. 30 janv. 2008), elle est considérée comme une « mesure de police » pour les Sages de la rue Montpensier (Cons. const. 2 mars 2004) et ravalée au rang de simple « mesure ayant pour seul objet de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles et de faciliter l'identification de leurs auteurs » pour la chambre criminelle (Crim. 31 oct. 2006). Le refus de qualification de peine permettait dès lors une inscription au fichier pour des condamnations prononcées avant la loi du 9 mars 2004 (arrêt préc.).

Initialement, en fonction de la gravité des faits, cette inscription était obligatoire ou, lorsqu'il s'agissait d'un délit puni d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, ordonnée par décision expresse de la juridiction. La loi no 2011-939 du 10 août 2011 est venue apporter une modification sur ce point, durcissant le régime d’inscription. Désormais, seuls les délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure à cinq ans échappent à l’automaticité de l’inscription. En revanche, les auteurs des délits punis d'une peine d'emprisonnement égale à cinq ans sont inscrits dans le fichier, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction.

L’arrêt du 17 septembre 2014 permet de revenir sur la question de la légalité de la dispense d'une inscription au FIJAIS en dépit de son caractère automatique dans cette dernière hypothèse. 

En l’espèce, un tribunal correctionnel, après avoir déclaré un individu coupable d’agression sexuelle, et l’avoir condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis, a constaté son inscription au FIJAIS. Le procureur de la République a interjeté appel du jugement sur ce dernier point, estimant que l’inscription au dit fichier ne pouvait qu’être prononcée, et non constatée, dès lors que le prévenu avait expressément demandé à en être dispensé.

La cour d’appel, pour confirmer le jugement et déclarer irrecevable la demande de dispense formée par le prévenu, avait cru pouvoir énoncer que l’article 706-53-2 du Code de procédure pénale (nouvelle rédaction) qui prévoit, de plein droit, l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes des personnes condamnées pour un délit mentionné à l’article 706-47 du même code et puni d’une peine égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement, ce qui est le cas du délit d’agression sexuelle, excluait toute possibilité d’accorder une dispense d’inscription. 

Une telle solution emporte logiquement la censure de la chambre criminelle.

En effet, si une juridiction de jugement ne peut ordonner une dispense d'inscription au FIJAIS lorsque celle-ci est automatique et obligatoire (Crim. 17 févr. 2010), telle n’est pas le cas pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement égale à cinq ans.

La loi nouvelle (dont la Cour admet, dans la continuité de sa jurisprudence, le caractère immédiatement applicable aux infractions commises avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugées, bien que moins favorable au prévenu) prévoit que ceux-ci sont inscrits dans le fichier, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction. Dès lors, les juges sont tenus d’examiner le bien-fondé d’une demande dispense formée par le prévenu.

L’automaticité et le caractère obligatoire de l’inscription au FIJAIS se déclinent aujourd’hui en trois hypothèses selon l’infraction commise :

- pour les délits punis d’une peine inférieure à cinq ans : pas d’inscription sauf décision expresse de la juridiction ;

– pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement égale à cinq ans : inscription, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction ;

– pour les infractions plus graves : inscription, sans possibilité de dispense.

La nouvelle articulation a le mérite de rendre un peu au juge le pouvoir d'individualisation de la sanction, celui-ci s’amenuisant inversement proportionnellement à la dangerosité du délinquant.

Crim. 17 sept. 2014, n° 14-80.541 F-P+B+I

Références

 Crim. 30 janv. 2008, n°07-82.645, AJ pénal 2008. 242, obs. M. Herzog-Evans.

 Crim. 31 oct. 2006, n°05-87.153, Bull. crim. n° 267.

■ Cons. const. 2 mars 2004, n° 2004-492 DC.

■ Crim. 17 févr. 2010, n° 09-87.570.

■ Code de procédure pénale

Article 706-47

« Les dispositions du présent titre sont applicables aux procédures concernant les infractions de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour les infractions d'agression ou d'atteintes sexuelles, de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur ou de proxénétisme à l'égard d'un mineur, ou de recours à la prostitution d'un mineur prévues par les articles 222-23 à 222-31,225-4-1 à 225-4-4, 225-7 (1°), 225-7-1, 225-12-1, 225-12-2 et 227-22 à 227-27 du code pénal.

Ces dispositions sont également applicables aux procédures concernant les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de tortures ou d'actes de barbarie et les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale. »

Article 706-53-2

Lorsqu'elles concernent, sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article, une ou plusieurs des infractions mentionnées à l'article 706-47, sont enregistrées dans le fichier les informations relatives à l'identité ainsi que l'adresse ou les adresses successives du domicile et, le cas échéant, des résidences, des personnes ayant fait l'objet :

1° D'une condamnation, même non encore définitive, y compris d'une condamnation par défaut ou d'une déclaration de culpabilité assortie d'une dispense ou d'un ajournement de la peine ;

2° D'une décision, même non encore définitive, prononcée en application des articles 8, 15, 15-1, 16, 16 bis et 28 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;

3° D'une composition pénale prévue par l'article 41-2 du présent code dont l'exécution a été constatée par le procureur de la République ;

4° D'une décision d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ;

5° D'une mise en examen assortie d'un placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, lorsque le juge d'instruction a ordonné l'inscription de la décision dans le fichier ;

6° D'une décision de même nature que celles visées ci-dessus prononcées par les juridictions ou autorités judiciaires étrangères qui, en application d'une convention ou d'un accord internationaux, ont fait l'objet d'un avis aux autorités françaises ou ont été exécutées en France à la suite du transfèrement des personnes condamnées.

Le fichier comprend aussi les informations relatives à la décision judiciaire ayant justifié l'inscription et la nature de l'infraction. Les décisions mentionnées aux 1° et 2° sont enregistrées dès leur prononcé.

Les décisions concernant les délits prévus à l'article 706-47 et punis d'une peine d'emprisonnement égale à cinq ans sont inscrites dans le fichier, sauf décision contraire spécialement motivée de la juridiction ou, dans les cas prévus aux 3° et 4° du présent article, du procureur de la République.

Les décisions concernant les délits prévus au même article 706-47 et punis d'une peine d'emprisonnement inférieure à cinq ans ne sont pas inscrites dans le fichier, sauf si cette inscription est ordonnée par décision expresse de la juridiction ou, dans les cas prévus aux 3° et 4° du présent article, du procureur de la République.

Les décisions concernant des mineurs de moins de treize ans ne sont pas inscrites dans le fichier. Les décisions concernant des mineurs de treize à dix-huit ans, lorsqu'elles sont relatives à des délits prévus au même article 706-47, ne sont pas inscrites dans le fichier, sauf si cette inscription est ordonnée par décision expresse de la juridiction ou, dans les cas prévus aux 3° et 4° du présent article, du procureur de la République. »

Article 706-53-5

« Toute personne dont l'identité est enregistrée dans le fichier est astreinte, à titre de mesure de sûreté, aux obligations prévues par le présent article.

La personne est tenue, soit, si elle réside à l'étranger, auprès du gestionnaire du fichier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit auprès du commissariat de police ou de la gendarmerie de son domicile, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou en se présentant au service :

1° De justifier de son adresse, une première fois après avoir reçu l'information des mesures et des obligations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 706-53-6, puis tous les ans ;

2° De déclarer ses changements d'adresse, dans un délai de quinze jours au plus tard après ce changement.

Si la personne a été condamnée pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, elle doit justifier de son adresse une fois tous les six mois en se présentant à cette fin soit auprès du commissariat ou de l'unité de gendarmerie de son domicile, soit auprès du groupement de gendarmerie départemental ou de la direction départementale de la sécurité publique de son domicile ou auprès de tout autre service désigné par la préfecture. Si la dangerosité de la personne le justifie, la juridiction de jugement ou, selon les modalités prévues par l'article 712-6, le juge de l'application des peines peut ordonner que cette présentation interviendra tous les mois. Lorsque la personne est en état de récidive légale, le régime de présentation mensuelle s'applique de plein droit. Le présent alinéa n'est applicable aux mineurs de treize à dix-huit ans qu'en cas de condamnation pour un crime puni d'au moins vingt ans de réclusion.

Les obligations de justification et de présentation prévues par le présent article cessent de s'appliquer pendant le temps où la personne est incarcérée.

Le fait, pour les personnes tenues aux obligations prévues par le présent article, de ne pas respecter ces obligations est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. »

 

 

 

Auteur :C. L.


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