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[ 12 octobre 2011 ] Imprimer

Droit de la famille

Filiation : constitutionnalité des expertises génétiques sur un défunt

Mots-clefs : Famille, Filiation, Filiation paternelle, Établissement, Expertise génétique, Autorisation expresse, Décès

L’article 16-11, alinéa 2, in fine, du Code civil, qui prévoit que sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort, est conforme à la Constitution.

L’article 16-11, alinéa 2, du Code civil énumère les cas dans lesquels l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée en matière civile.

Il ressort de ce texte que, pour être ordonnée par le juge, l’identification doit :

– d’une part, être recherchée dans le cadre d’une action relative à la filiation ou à fins de subsides ;

– et, d’autre part, avoir été expressément autorisée par l’intéressé.

Dans l’hypothèse où ce dernier serait décédé, son accord doit avoir été recueilli de son vivant. Cette autorisation expresse du vivant de l’intéressé a été introduite par la loi bioéthique n° 2004-800 du 6 août 2004 en réaction à l’affaire « Yves Montand ». En novembre 1997 en effet, un juge avait autorisé l’exhumation du corps d’Yves Montand afin de déterminer s’il était ou non le père de celle qui se prétendait sa fille. Pourtant, de son vivant, Yves Montand avait toujours refusé de se soumettre à une expertise biologique. Finalement, l’expertise réalisée sur son cadavre permit de conclure à l’absence de paternité. Ainsi, en réaction à cette affaire qui avait ému l’opinion publique, le législateur de 2004 a-t-il prévu à l’article 16-11, alinéa 2, in fine, que « sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort ». Ce faisant, le législateur a opté pour un régime très restrictif : au lieu de n’écarter l’investigation qu’en cas de refus exprès, il ne l’a admise qu’en cas d’autorisation expresse.

Le 6 juillet 2011, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) mettant en cause cette disposition. Selon les requérants, l’interdiction de recourir à l’identification par les empreintes génétiques sur une personne décédée, dans une procédure civile en matière de filiation, porterait atteinte au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. En outre, la disposition contestée instaurerait entre les hommes et les femmes, en ce qu’elle trouve principalement à s’appliquer lorsque la filiation paternelle est en cause, une différence de traitement contraire au principe d’égalité devant la loi.

Rejetant cette argumentation, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-173 QPC du 30 septembre 2011, a déclaré l’article 16-11, alinéa 2, in fine, conforme à la Constitution aux termes du raisonnement suivant :

– en prévoyant que les personnes décédées sont présumées ne pas avoir consenti à une identification par empreintes génétiques, le législateur a entendu faire obstacle aux exhumations afin d’assurer le respect dû aux morts. Or il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, du respect dû au corps humain. Par suite, les griefs tirés de la méconnaissance du respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale doivent être écartés ;

– s’agissant du grief tenant à la différence de traitement entre les hommes et les femmes, le Conseil constitutionnel rappelle que, selon l’article 325 du Code civil, la recherche de maternité implique que l’enfant prouve qu’il est celui dont la mère prétendue a accouché. Ainsi la paternité biologique se prouve-t-elle principalement par la génétique et la maternité par la gestation. Cette différence de traitement correspondant à une différence de situation, elle n’est pas contraire au principe d’égalité devant la loi.

Cons. const. 30 sept. 2011, n° 2011-173 QPC

Références

 

■ Y. Buffelan-Lanore, V. Larribau-Terneyre, Droit civil. Introduction Biens Personnes Famille, 17e éd., Sirey, coll. « Université », 2011, n°1974 s.

Action à fins de subsides

[Droit civil/Procédure civile]

« Action en justice qui appartient à tout enfant dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie, pour obtenir de celui qui a eu des relations sexuelles avec sa mère pendant la période légale de la conception, une pension destinée à couvrir ses frais d’entretien et d’éducation, sans avoir à prouver la paternité. L’action peut être exercée pendant toute la minorité de l’enfant et, si elle ne l’a pas été pendant cette période, dans les 10 ans qui suivent sa majorité. »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

Code civil

Article 16-11

« L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que :

1° Dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ;

2° À des fins médicales ou de recherche scientifique ;

3° Aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées.

En matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli. Sauf accord exprès de la personne manifesté de son vivant, aucune identification par empreintes génétiques ne peut être réalisée après sa mort.

Lorsque l'identification est effectuée à des fins médicales ou de recherche scientifique, le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'identification, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'identification. Il est révocable sans forme et à tout moment.

Lorsque la recherche d'identité mentionnée au 3° concerne soit un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées, soit une victime de catastrophe naturelle, soit une personne faisant l'objet de recherches au titre de l'article 26 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité et dont la mort est supposée, des prélèvements destinés à recueillir les traces biologiques de cette personne peuvent être réalisés dans des lieux qu'elle est susceptible d'avoir habituellement fréquentés, avec l'accord du responsable des lieux ou, en cas de refus de celui-ci ou d'impossibilité de recueillir cet accord, avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance. Des prélèvements aux mêmes fins sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés de cette personne peuvent être également réalisés. Le consentement exprès de chaque personne concernée est alors recueilli par écrit préalablement à la réalisation du prélèvement, après que celle-ci a été dûment informée de la nature de ce prélèvement, de sa finalité ainsi que du caractère à tout moment révocable de son consentement. Le consentement mentionne la finalité du prélèvement et de l'identification.

Les modalités de mise en œuvre des recherches d'identification mentionnées au 3° du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »

Article 325

« À défaut de titre et de possession d'état, la recherche de maternité est admise.

L'action est réservée à l'enfant qui est tenu de prouver qu'il est celui dont la mère prétendue a accouché. »

 

Auteur :I. G.

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