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[ 10 octobre 2024 ] Imprimer

Droit constitutionnel

Fin de mandat du Président de la République : quelles possibilités ?

En septembre 2024, une proposition de destitution du Président de la République a été déposée sur le Bureau de l’Assemblée nationale. La destitution met fin au mandat présidentiel. Toutefois, la destitution n’est bien entendu pas la seule cause de fin du mandat présidentiel : perte des élections, décès, démission sont également d’autres possibilités. DAE vous propose un point sur les diverses fins de mandat du Président de la République.

■ Expiration du mandat 

Le mandat du Président de la République prend fin naturellement à la suite du premier quinquennat, s’il n’est pas réélu ou, s’il est réélu, à la fin de deux mandats consécutifs.

La limitation à deux mandats consécutifs a été instaurée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 (Const. 58, art. 6). Toutefois, il s’agit bien de deux mandats consécutifs et aucune disposition constitutionnelle n’interdit à un ancien Président de la République de se représenter par la suite. Reste à savoir, s’il s’agit de deux mandats consécutifs complets. En effet si le Président de la République démissionne, par exemple, quelques semaines avant la fin de son second mandat pourrait-il se représenter immédiatement ? En d’autres termes, l'intérim présidentiel fait-il disparaître le caractère consécutif des deux mandats ? La réponse à cette question qui ne s’est jamais concrètement posée n’est pas unanime chez les constitutionnalistes (VA. Mestre, Emmanuel Macron, en cas de démission, pourrait-il se représenter à un troisième mandat ?, Le Monde 11 juin 2024 ; O. Beaud, Une question sans intérêt ou presque : la possibilité d’un troisième mandat présidentiel ?, Jus Politicum 14 juin 2024. V. également : Rép. min. n° 04131 : JO Sénat Q 12 janv. 2023).

■ Fin anticipée

● Hypothèses

La fin anticipée d’un mandat présidentiel peut prendre diverses formes.

-        La fin anticipée peut résulter de la démission ou du décès du Président de la République. 

Le Chef de l’État est libre de démissionner. Depuis 1958, un seul Président a mis fin de cette façon à son mandat. Il s’agit du Général de Gaulle, le 28 avril 1969, le lendemain du référendum sur le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat pour lequel le « non » l’avait emporté (Cons. const. 28 avr. 1969, n° 69-12 PDR). La Cinquième République a également connu un seul décès de Président de la République en fonction, il s’agit de Georges Pompidou, le 2 avril 1974 (Cons. const. 3 avr. 1974, n° 74-23 PDR).

-        La Constitution prévoit également une autre fin anticipée du mandat présidentiel : la destitution.

Prévue à l’article 68 depuis la loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 et précisée par la loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014, la procédure de destitution peut être mise en œuvre si des parlementaires estiment qu’il existe un manquement aux devoirs du Président de la République manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Le Parlement se réunit alors en Haute Cour et peut ainsi décider de destituer le Chef de l’État. 

Mais avant que la Haute Cour décide ou non de la destitution, différentes étapes doivent être franchies. Une proposition de résolution tendant à réunir la Haute Cour doit être signée par au moins un dixième des membres de l’assemblée devant laquelle elle a été déposée (soit 58 députés ou 37 sénateurs). Le Bureau de l’assemblée examine ensuite la recevabilité de cette proposition. Si celle-ci est recevable, la commission des lois conclut alors à son adoption ou à son rejet. Puis, la Conférence des présidents décide de la suite à donner. Toutefois, les deux assemblées doivent chacune adopter cette proposition à la majorité des deux tiers. Enfin, le Parlement, constitué en Haute Cour et présidé par le président de l’Assemblée nationale se réunit et dispose d’un mois pour statuer sur la destitution. Si celle-ci est adoptée, elle prend effet immédiatement. (Pour plus de précisions, V. C. de Gaudemont : Destitution du président de la République : publication de la loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution, DAE 26 nov. 2014). 

Depuis la mise en place de cette procédure, deux propositions de résolution tendant à réunir la Haute Cour ont recueillies le nombre de signatures exigées. L’une enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 10 novembre 2016, signée par 79 députés, en raison du manquement manifestement incompatible avec l’exercice des fonctions de Président de la République que constituent les confidences de François Hollande concernant la défense nationale, révélées dans l’ouvrage intitulé « Un président ne devrait pas dire ça » (Stock). Toutefois, le Bureau de l’Assemblée nationale a constaté, le 23 novembre 2016, que cette proposition de résolution était irrecevable (13 voix contre, 8 voix contre). Quant à la proposition de résolution visant à destituer Emmanuel Macron, déposée le 4 septembre 2024 et jugée recevable par la Bureau de l’Assemblée nationale par 12 voix contre 10, le 17 septembre, elle a été examinée par la Commission des lois de l'Assemblée nationale le 2 octobre qui l'a rejetée (15 pour, 54 contre). Ce rejet n'arrête toutefois pas la procédure, c'est maintenant à la Conférence des présidents qu'il revient de décider d'un possible examen par les députés.

● Conséquences de la fin anticipée du mandat : l’intérim présidentiel (Const. 58, art. 7, al. 3 s.)

Le Conseil constitutionnel constate la vacance (la fonction présidentielle n’a plus de titulaire) ou l’empêchement (la fonction présidentielle ne peut être assumée par son titulaire) et la fonction présidentielle est provisoirement exercée par le Président du Sénat (ou par le Gouvernement s’il est lui-même incapable). Toutefois, le Président du Sénat ne dispose pas de tous les pouvoirs accordés au Président en exercice, il ne peut notamment pas dissoudre l’Assemblée nationale, ni organiser de référendum ou réviser la Constitution. Par ailleurs, cet intérim a une durée limitée puisque l'élection présidentielle doit avoir lieu dans un délai de vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus.

L’histoire de la Cinquième a connu deux intérims présidentiels exercés par le même président du Sénat, Alain Poher (président de 1968 à 1992) du 28 avril au 20 juin 1969, la suite de la démission du Général de Gaulle et du 2 avril au 27 mai 1974 après le décès de Georges Pompidou.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont


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