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[ 30 novembre 2022 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Fin de vie et directives anticipées du patient

Les dispositions du code de la santé publique relatives aux conditions dans lesquelles un médecin peut écarter les directives anticipées d'un patient en fin de vie sont conformes à la Constitution.

Cons. const. 10 novembre 2022, n° 2022-1022 QPC 

En mai 2022, un homme de 44 ans a été victime d’un écrasement par un véhicule utilitaire sur lequel il effectuait des réparations. Cet accident a causé une absence d'oxygénation du cerveau durant sept minutes. Il a été placé dans un coma afin de stabiliser son état de santé. 

Mais, après étude du dossier par les équipes neuro/radio et éthique du centre hospitalier et le recueil de l'avis de réanimateurs extérieurs, relevant d’un autre centre hospitalier, son état a été considéré comme insusceptible d'amélioration et le 15 juillet 2022 la décision d’arrêter les soins a été prise.

Par une ordonnance du 22 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté la demande de l’épouse et des sœurs du patient tendant à la suspension de l'exécution de cette décision. 

Devant le juge des référés du Conseil d’État, la famille a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique (CE, réf., QPC, 19 août 2022, n° 466082)

Les dispositions de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique prévoient que toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées relatives à sa fin de vie, qui s'imposent en principe au médecin, pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'acte médicaux. Toutefois, le médecin peut écarter ces directives anticipées notamment lorsqu'elles sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient.

Le juge des référés du Conseil d’État a considéré que la QPC présentait un caractère sérieux et l’a renvoyé devant le Conseil constitutionnel. Le juge des référés a en conséquence sursis à statuer jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

La famille soutenait qu'en prévoyant que des directives anticipées de poursuite des soins et traitements ne s'imposent pas au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement dans le cas où ces directives « apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale »conduisant alors à mettre fin à la vie du patient contre sa volonté, ces dispositions méconnaissent le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ainsi que la liberté de conscience et la liberté personnelle, garanties par le Préambule de la Constitution et les articles 124 et 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. 

Elle soutenait également qu'en tout état de cause la possibilité d'écarter des directives anticipées dans une telle hypothèse de refus d'arrêt des soins et traitements prodigués n'est pas suffisamment encadrée, l'expression « manifestement inappropriées » étant imprécise, aucun délai de réflexion n'étant ménagé et la décision étant prise non de manière collégiale mais par le seul médecin en charge du patient.

Le Conseil constitutionnel , a recentré la QPC sur les mots : « lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » figurant au troisième alinéa de l'article L. 1111-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d'accompagnement social ou médico-social à l'égard des personnes majeures faisant l'objet d'une mesure de protection juridique et en a déduit qu’ils étaient conformes à la Constitution.

Selon les sages de la rue de Montpensier, le législateur a permis au médecin d'écarter des directives anticipées qui ne peuvent s'imposer en toutes circonstances, dès lors qu'elles sont rédigées à un moment où la personne ne se trouve pas encore confrontée à la situation particulière de fin de vie dans laquelle elle ne sera plus en mesure d'exprimer sa volonté en raison de la gravité de son état. Toutefois, il a entendu garantir le droit de toute personne à recevoir les soins les plus appropriés à son état et assurer la sauvegarde de la dignité des personnes en fin de vie.

De plus, les dispositions du code de la santé publique ne permettent au médecin d'écarter les directives anticipées que si elles sont « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » du patient. Le Conseil constitutionnel ne considère pas ces dispositions comme imprécises et ambiguës.

Par ailleurs, un médecin ne décide pas seul. Il doit respecter une procédure collégiale qui est inscrite au dossier médical et portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches.

Enfin, la décision du médecin peut être soumise au contrôle du juge lorsqu’il décide de limiter ou d'arrêter un traitement de maintien en vie au titre du refus de l'obstination déraisonnable. La décision est notifiée dans des conditions permettant à la personne de confiance ou, à défaut, à sa famille ou à ses proches, d'exercer un recours en temps utile. Ce recours est par ensuite examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d'obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée.

Les dispositions contestées sont donc déclarées conformes à la Constitution.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont


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