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Par une décision rendue le 29 juin 2023, le Conseil d’État valide la décision prise la Fédération française de football d’interdire tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale lors des compétitions sportives.
Plusieurs associations demandaient d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 août 2021 par laquelle le président de la Fédération française de football (FFF) a rejeté leur demande tendant à l’abrogation ou la modification de l’article 1er des statuts de la Fédération en tant qu’il interdit le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse à l’occasion de compétitions ou de manifestations organisées par la Fédération française de football.
■ Quelle juridiction compétente pour contester les décisions prises par les fédérations sportives délégataires ? Tout dépend de la décision !
Le Conseil d’État rappelle et précise en l’espèce que « les décisions prises par les fédérations sportives, personnes morales de droit privé, sont, en principe, des actes de droit privé. Toutefois, en confiant, à titre exclusif, aux fédérations sportives ayant reçu délégation, les missions prévues aux articles L. 131-15 et L. 131-16 du code du sport, en particulier l’organisation de compétitions, le législateur a chargé ces fédérations de l’exécution d’une mission de service public à caractère administratif ». Ainsi, les décisions procédant de l’usage par ces fédérations des prérogatives de puissance publique qui leur ont été conférées pour l’accomplissement de cette mission présentent le caractère d’actes administratifs, même si ces décisions sont édictées par leurs statuts.
Le Conseil d’État fait ici application de sa jurisprudence du 15 mars 2023 (n° 466632) (abrogeant sa jurisprudence du 12 déc. 2003, n° 219113) qui opère rend désormais la juridiction administrative compétente pour connaître des règles édictées par les statuts d’une fédération quand elles manifestent l'usage de prérogatives de puissance publique dans l'exercice de sa mission de service public.
Dans sa décision du 29 juin 2023, le Conseil d’État précise que l’organisation de compétitions par une fédération sportive délégataire relève bien d’une mission de service public à caractère administratif et dès lors le juge administratif est compétent. Ainsi, la décision d’interdire le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse à l’occasion de compétitions ou de manifestations organisées par la FFF insérée à l’article 1er de ses statuts relève du domaine de l’organisation des compétitions, mission déléguée par le ministre des sports à la FFF. La juridiction administrative est donc compétente pour connaître
■ Neutralité du service public. Quelles sont les bases juridiques qui permettent à la FFF d’interdire à différentes catégories de personnes le port de signes religieux ?
La principale question posée dans cette affaire consistait à savoir si les signes religieux, mais plus spécifiquement le hijab, pouvaient être portés lors de compétitions organisées par la FFF.
Pour répondre à cette question et justifier l’interdiction du port du hijab lors des compétitions de football, Conseil d’État opère toutefois une distinction entre les agents de la FFF ou les personnes sur lesquelles elle exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction et les autres licenciés de la FFF. En effet, l’interdiction du port de signes religieux ne repose pas sur les mêmes bases juridiques selon les catégories de personnes concernées.
pour les agents de la FFF ou les personnes sur lesquelles elle exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction et notamment les personnes sélectionnées dans les équipes de France par la Fédération, mises à sa disposition et soumises à son pouvoir de direction pour le temps des manifestations et compétitions auxquelles elles participent à ce titre, c’est le principe de neutralité du service public qui s’applique en référence à l’article 1er de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, selon lequel : « Lorsque la loi ou le règlement confie directement l'exécution d'un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci est tenu d'assurer l'égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Il prend les mesures nécessaires à cet effet et, en particulier, il veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu'ils participent à l'exécution du service public, s'abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses, traitent de façon égale toutes les personnes et respectent leur liberté de conscience et leur dignité. / Cet organisme veille également à ce que toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l'exécution du service public s'assure du respect de ces obligations. / (…) » ;
- pour les autres licenciés, la fédération sportive délégataire dispose du pouvoir réglementaire dans les domaines définis par la loi, pour l'organisation et le fonctionnement du service public qui lui a été confié. Il lui revient ainsi de déterminer les règles de participation aux compétitions et manifestations qu'elle organise ou autorise, parmi lesquelles celles qui permettent, pendant les matchs, d'assurer la sécurité des joueurs et le respect des règles du jeu. Ces règles peuvent concerner les équipements et les tenues et avoir pour objet et pour effet de limiter la liberté des licenciés qui ne sont pas tenus au respect du principe de neutralité du service public par la loi. La FFF peut ainsi limiter la liberté d’expression. Les interdictions doivent toujours être nécessaires, adaptées et proportionnées.
Le Conseil d’État déduit de son raisonnement que la FFF « a pu légalement interdire " tout discours ou affichage à caractère politique, idéologique, religieux ou syndical " et " tout acte de prosélytisme ou manœuvre de propagande ", qui sont de nature à faire obstacle au bon déroulement des matchs ».
De plus, l’interdiction du hijab est limitée aux temps et lieux des matchs de football et nécessaire pour assurer leur bon déroulement en prévenant notamment tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport. Ainsi, la FFF pouvait légalement, au titre du pouvoir réglementaire qui lui est délégué pour le bon déroulement des compétitions dont elle a la charge, édicter une telle interdiction, qui est adaptée et proportionnée.
Références
■ CE 15 mars 2023, n° 466632 B : AJDA 2023. 531.
■ CE 12 déc. 2003, n° 219113 B : AJDA 2004. 992, note Joubert-Rifaux.
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