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Droit de la responsabilité civile
Force majeure : cause exonératoire de responsabilité du gardien du gaz
Mots-clefs : Responsabilité civile, Garde de la chose, Exonération, Force majeure
La société GRDF soulève à bon droit la force majeure pour s'exonérer de la responsabilité qu'elle est susceptible d'encourir en sa qualité de gardien du gaz, l'accident provoqué par la société en charge de la réalisation de certains travaux au cours desquels une canalisation de gaz avait été heurtée, sans qu'elle n'ait jamais été avisée du changement de statut et de situation de celle-ci constituant une circonstance imprévisible et irrésistible exonératoire.
Un constructeur avait fait réaliser un immeuble, dont il avait confié la maîtrise d'œuvre à une première société et la réalisation des travaux de terrassement à une seconde. Ayant adressé à la société Gaz de France une fiche sur « l'expression des besoins en gaz naturel des logements » pour connaître les possibilités d'alimentation en gaz de l'immeuble, le maître d’œuvre s'était vu remettre un plan cadastral sur lequel figurait une canalisation de distribution de gaz située à environ 1 m 50 en dehors de l'emprise du terrain. Lors des travaux de terrassement, un engin de la société en charge de leur réalisation avait heurté la canalisation de gaz, laquelle s'était retrouvée à l'intérieur de la parcelle à la suite de la mise à l'alignement de la rue ayant entraîné une modification du plan cadastral. Ayant dû en conséquence modifier son projet, le constructeur avait assigné la société Gaz de France en indemnisation de son préjudice.
La cour d’appel rejeta sa demande, ce qu’approuve la Haute cour au motif qu'ayant retenu que la canalisation, implantée à l'origine sous la voierie communale, s'était trouvée placée en limite de propriété d'une parcelle privative à l'insu du concessionnaire en charge de l'exploitation du réseau sans qu'un quelconque déplacement physique ait été effectué de sorte que ce changement de « statut » constituait, pour la société Gaz de France, une cause extérieure, imprévisible et irrésistible, exonératoire de sa responsabilité de gardien et démontrant l'absence de faute du gestionnaire qui n'avait fait l'objet ni d'une demande de renseignements de la part du maître d'ouvrage, ni d'une déclaration d'intention de commencer les travaux de la part de l'entreprise, la cour d'appel a ainsi pu déduire, de ces seuls motifs, que les demandes du constructeur à l'encontre de la société GRDF devaient être rejetées.
Selon l'ancien article 1384, alinéa 1er, du Code civil (V. désormais C. civ., art. 1242), le gardien d'une chose ne peut s'exonérer de la responsabilité encourue à l'égard des tiers qu'à la condition de rapporter la preuve que le dommage a été causé par un cas de force majeure, la responsabilité du fait des choses étant une responsabilité objective. Seuls constituent des cas de force majeure les événements présentant pour le gardien les caractères d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité (ou insurmontabilité). Rappelons sur ce point qu’après avoir jugé l’irrésistibilité comme étant seule constitutive de la force majeure (Civ. 1re, 9 mars 1994, n° 91-17.459 et 91-17.464), la Cour de cassation réunie en assemblée plénière a réaffirmé par deux arrêts en date du 14 avril 2006, l’un rendu en matière délictuelle (n° 04-18.902, l’autre en matière contractuelle (n° 02-11.168) la nécessité de réunir ces deux conditions.
En l'espèce, pour exonérer de toute responsabilité la société GRDF, engagée par le constructeur en qualité de gardienne d'une canalisation découverte lors de travaux de terrassement sur sa propriété, les juges ont considéré qu'à la suite d'une modification cadastrale, la canalisation en cause, initialement implantée sous la voierie communale, s'était trouvée placée en limite de la parcelle privative acquise par le constructeur à l'insu du concessionnaire en charge de l'exploitation du réseau de distribution de gaz, pour lequel cette modification cadastrale constituait un cas de force majeure. En effet, la modification cadastrale n’avait jamais été portée à la connaissance des services de Gaz de France avant la survenance de l’incident et le changement intervenu en conséquence du « statut » de la canalisation, passant tout d’abord sous le domaine public puis sous l'emprise d'une parcelle privative, constituait bien, à l'égard de la société Gaz de France, une cause extérieure, imprévisible et irrésistible, les deux dernières conditions étant liées, puisque le gestionnaire du réseau ne pouvait intervenir, alors qu'il était maintenu dans l'ignorance des modifications cadastrales, caractérisant la force majeure exonératoire de la responsabilité du gardien.
Civ. 3ème, 23 mars 2017, n° 16-12.870
Références
■ Civ. 1re, 9 mars 1994, n° 91-17.459 et 91-17.464, RTD civ. 1994. 871, obs. P. Jourdain ; RTD com. 1994. 776, obs. B. Bouloc
■ Cass. ass. plén. 14 avr. 2006, n° 04-18.902 et n °02-11.168, . D. 2006. 1577, obs. I. Gallmeister, note P. Jourdain ; ibid. 1566, chron. D. Noguéro ; ibid. 1929, obs. P. Brun et P. Jourdain ; RTD civ. 2006. 775, obs. P. Jourdain
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