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Droit des obligations
Force probante de l’acte authentique : limite de la pleine foi et du recours à l’inscription de faux
Il résulte de l'article 1371, alinéa 1, du Code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 1, alinéas 1 et 2, de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 modifiée, qu'un procès-verbal d'expulsion ne fait foi jusqu'inscription de faux que de ce que l'huissier de justice dit avoir personnellement accompli ou constaté, et non de ce qu'il en déduit.
Civ. 1re, 31 janv. 2024, n° 22-17.117
Une société avait obtenu d’un établissement public une autorisation d'occupation temporaire d'un hangar situé sur le domaine public à compter du 1er novembre 2008, valable jusqu’au 31 décembre 2014. Par décision du 19 juin 2015, la juridiction administrative, statuant en référé, avait ordonné l'évacuation du hangar. Suivant procès-verbal des 26, 27, et 28 octobre 2015, un huissier de justice avait procédé à l'expulsion de l’occupant, mentionnant qu'en raison du refus de ce dernier d'indiquer une adresse où faire transporter les biens garnissant les lieux, ceux-ci avaient été déménagés et stockés dans des entrepôts. Contestant, notamment, le volume du mobilier déménagé et les frais exposés à ce titre, l’ancien occupant assigna l’huissier et l’établissement public en restitution de frais d'exécution prétendument injustifiés. La cour d’appel rejeta sa demande aux motifs que cet acte, faisant foi jusqu'à inscription de faux, n'avait pas fait l'objet de cette procédure requise par les articles 303 et suivants du Code de procédure civile, de sorte que la société n’était pas recevable à contester la mention, personnellement constatée par l'huissier, relative au volume transporté. Devant la Cour de cassation, la société faisait valoir que les constatations de l'huissier ont force probante jusqu'à la preuve contraire et que leur contestation ne relève pas de la procédure d'inscription de faux, en sorte que la cour d’appel ne pouvait considérer que le volume mobilier déménagé constaté dans le procès-verbal d'expulsion faisait foi jusqu'à inscription de faux. Au visa de l'article 1371, alinéa 1er, du Code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ainsi que de l'article 1er, alinéas 1 et 2, de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 modifiée, dont il résulte qu'un procès-verbal d'expulsion ne fait foi jusqu'à inscription de faux que de ce que l'huissier de justice dit avoir personnellement accompli ou constaté, et non de ce qu'il en déduit, la Cour casse l’arrêt d’appel. En effet, la juridiction du second degré, après avoir constaté que l’huissier avait mentionné dans le procès-verbal d'expulsion que le déménagement des biens présents dans le hangar avait nécessité onze camions, dont un poids-lourd de trente-six tonnes, qui avaient effectué soixante-quinze rotations pour une volumétrie estimée à 1 300 m 3, retint que cet acte faisait foi jusqu'à inscription de faux et que l’occupant expulsé n’était pas recevable, hors inscription de faux, à contester la mention relative au volume transporté. Or ces constatations relatives à la volumétrie n’avaient pas été personnellement constatées par l’huissier, mais seulement été déduites de celles relatives aux transports effectués. Elles ne faisaient donc foi que jusqu'à preuve contraire.
Acte d’huissier - L’acte authentique est « celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter » (C. civ., art. 1369). Un huissier, agissant en vertu d’une délégation de la loi pour l’exécution d’un acte entrant dans ses attributions, imprime à son acte le caractère authentique (Civ. 25 juill. 1932 ; S.1933.1.8. ; comp. Civ. 1re, 19 févr. 1991, n° 89-16.486 : un procès-verbal de constat d’huissier dans lequel est recueillie une promesse de vente ne constitue pas un acte authentique).
Contestation par l’inscription de faux – « L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier dit avoir personnellement accompli ou constaté » (C. civ., art. 1371, al. 1). L’acte authentique lie le juge tant que les parties n’en contestent pas la réalité et le contenu. Si les parties contestent l’acte authentique, elles doivent, en principe, engager une procédure complexe : l’inscription de faux. Cette procédure, qui consiste en une accusation de faux portée à l’encontre de l’officier public, emporte des conséquences graves : celui qui l’a mise en œuvre, s’il ne parvient pas à établir l’inexactitude ou l’insincérité de l’acte authentique, s’expose à devoir payer une amende civile d’un maximum de 3 000 euros et, le cas échéant, à verser des dommages-intérêts (art. 305 C. pr. civ.). En cas de succès, l’officier public s’expose à des poursuites pour crime de faux en écriture authentique.
Cependant, même en présence d’un acte authentique, les parties peuvent se dispenser d’utiliser cette procédure ; il convient de distinguer selon l’objet de la contestation, lequel doit être mis en relation avec l’objet de la pleine foi attachée à l’acte authentique.
Objet de la pleine foi : faits accomplis par l’officier public ou s’étant passés en sa présence- L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux des faits que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même, ou comme s’étant passés en sa présence dans l’exercice de ses fonctions. Cette force probante de l’acte authentique n’est donc pas attachée de la même manière à chacun de ses éléments ; partant, la procédure d’inscription de faux devra être mise en œuvre si une partie conteste :
l’origine de l’acte : la partie prétend que l’acte n’a pas été dressé par un officier public ;
le contenu de l’acte, mais seulement pour les faits directement constatés par l’officier public lui-même, tels la date de l’acte, l’identité des parties signataires, les faits accomplis devant l’officier public, comme par exemple un paiement effectué à la vue du notaire.
Limites de la pleine foi : les faits déduits par l’officier public – Les faits mentionnés dans l’acte, qui n’ont pas été vérifiés par l’officier public, font foi jusqu’à preuve du contraire (sans qu’il soit donc nécessaire de diligenter la procédure d’inscription de faux). Par exemple, la mention, dans un acte de naissance, du fait qu’un enfant est de tel sexe et qu’il est né de telle femme ne fait foi jusqu’à la preuve du contraire. En effet, l’officier d’état civil n’a pas assisté à l’accouchement. En revanche, la date de l’acte et l’identité de celui qui a déclaré la naissance ont été personnellement constatés par l’officier public et ne peuvent être combattues que par la procédure d’inscription de faux.
Ainsi, en l’espèce, si l’huissier avait pu personnellement constater le nombre des transports effectués pour déménager les meubles déposés dans le hangar par la société expulsée, il n’avait pu qu’estimer, par déduction des premiers éléments personnellement constatés, le volume de ce mobilier déménagé. Partant, ces mentions relatives à cette volumétrie ne faisaient foi que jusqu’à la preuve contraire. La procédure d’inscription de faux était donc dispensable.
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