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[ 2 juillet 2021 ] Imprimer

Droit des successions et des libéralités

Formalisme du testament olographe

Le testament olographe rédigé par le testateur dans une langue qu’il ne comprend pas est nul.

Civ. 1re 9 juin 2021, n° 19-21.770

Si la validité du testament olographe n’est subordonnée qu’à l’entière rédaction de l’acte, la datation et la signature de la main du testateur, encore faut-il, pour que l’acte puisse être considéré comme l’expression de sa volonté, qu’il soit rédigé dans une langue comprise par celui-ci. Tel est l’enseignement essentiel de l’arrêt rapporté.

Par un testament olographe rédigé en français, auquel était annexé un écrit correspondant à sa traduction en langue allemande, un de cujus de nationalité allemande avait institué sa sœur légataire universelle. Au décès du testateur, celle-ci avait assigné ses héritiers réservataires en délivrance du legs. Sa demande accueillie par la cour d’appel, les enfants du défunt ont formé un pourvoi en cassation, fondé sur la règle de forme applicable au testament olographe selon laquelle sa validité dépend de sa rédaction intégrale de la main du testateur, ce qui suppose qu’il soit rédigé dans une langue qu’il comprenne. 

Approuvant le moyen du pourvoi, la première chambre civile rend un arrêt de cassation au visa de l’article 970 du Code civil : « Pour déclarer valable le testament olographe […], l’arrêt constate que cet acte rédigé en français, selon lequel [le de cujus] institue [sa soeur] légataire universelle et précise qu’en cas de présence d’héritiers réservataires, il lui lègue la quotité disponible de ses biens, est écrit, daté et signé de la main du testateur. Il relève qu’un autre écrit rédigé en allemand, intitulé traduction du testament et daté du même jour, indique que [le de cujus] désigne [sa soeur] comme exécuteur testamentaire général et lui lègue son patrimoine disponible, même si celle-ci n’est pas une héritière directe. L’arrêt ajoute qu’il est constant que le défunt ne parlait pas le français et que le second document n’est pas de sa main, mais lui a été présenté pour comprendre le sens du testament. Il retient que les expressions quotité disponible et patrimoine disponible employées ont le même sens, de sorte que les deux écrits ne s’opposent pas, le premier étant simplement plus complet et juridique, sans contredire le second, et que la seule différence relative à la désignation de [sa soeur] comme exécuteur testamentaire n’a pas d’incidence sur l’étendue des droits dévolus à cette dernière. Il en déduit que le consentement [du de cujus] n’a pas été vicié. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que [le de cujus] avait rédigé le testament dans une langue qu’il ne comprenait pas, de sorte que l’acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Traditionnellement associée au testament olographe, la liberté de forme de l’expression de la volonté de son rédacteur doit être tempérée par la nécessité, ici réaffirmée, de l’expression de sa volonté. 

Bien que le texte de l’article 970 du Code civil confère à l’auteur d’un testament de ce type une liberté rédactionnelle de principe, cette même disposition exige ad validitatem le respect d’un certain formalisme, dont l’écriture intégrale de l’acte testamentaire de la main de son auteur. Le testament olographe n’est donc valable que s'il est écrit en entier de la main du testateur ; il encourt sinon la nullité (Civ. 1re, 20 sept. 2006, n° 04-20.614).

Cette exigence de forme a pour objet de s’assurer que le testament est l’expression authentique de la volonté personnelle de son auteur. Qu’aucune formule type ou termes sacramentels ne soient imposés au rédacteur d’un testament olographe n’empêche pas d’exiger que sa volonté soit exprimée avec la clarté et la sincérité nécessaires à la transmission fidèle à ses souhaits de son patrimoine (Civ. 1re, 28 mai 2015, n° 14-14.506). Cette attention à l’expression de la volonté du testateur se comprend : l’autonomie de sa volonté est en jeu. C’est la raison pour laquelle l’exigence de forme précitée l’est à titre de validité. Or en l’espèce, le premier écrit produit était rédigé en langue française et il était acquis aux débats que si le de cujus avait bien écrit, daté et signé cet acte, il n’en comprenait pas la langue choisie pour sa rédaction; quant au second écrit produit, intitulé « traduction du testament » et rédigé dans sa langue maternelle, il était toutefois établi que cet écrit n'était pas de sa main, lui ayant été présenté dans le seul but de lui faire comprendre le sens du premier, rédigé en langue française, étant précisé que l’assistance rédactionnelle d’un tiers n’est pas, en soi, susceptible de remettre en cause la validité d’un testament olographe, à moins là encore que du fait de cette assistance, le testament « à main guidée » trahisse la volonté propre de son auteur (Civ. 1re, 4 janv. 1973, n° 71-13.534 ; Civ. 1re, 11 févr. 1997, n° 95-12.382).

Or, pour juger valable le testament français, les juges du fond ont considéré qu’en l’absence de divergences significatives entre le texte français et le texte allemand, l’absence d’identité parfaite entre ces deux textes ne devait pas avoir d’incidence sur l’étendue des droits dévolus par leur auteur, dont le consentement aurait été ainsi valablement exprimé, l’absence de vices du consentement étant par ailleurs soulignée.

La cassation est alors prononcée : «  [le de cujus] avait rédigé le testament dans une langue qu’il ne comprenait pas, de sorte que l’acte ne pouvait être considéré comme l’expression de sa volonté ». Autrement dit, quoique formellement rédigé de la main du testateur, cet acte l’ayant été dans une langue (française) qui lui était étrangère ne pouvait pas être considéré comme l’expression fidèle de sa volonté, en sorte que ce testament n’était point valable, mais nul. 

L’idée essentielle demeure : la nécessité, malgré la liberté, de l’expression de la volonté du testateur. Ainsi, non seulement l’absence de formule préétablie ne dispense pas la volonté d’être clairement exprimée, mais le respect purement formel de l’exigence d’un testament manuscrit ne suffit pas à assurer la validité de l’acte si un élément extrinsèque à l’acte (en l’espèce, le fait que le testateur ne comprenait pas le français) révèle que le document produit ne contenait pas l’expression fidèle des dernières volontés de son auteur (v. Civ. 1re, 11 janv. 2005, n°  02-16.985: il appartient au juge, pour clarifier la volonté du rédacteur, d’interpréter l’acte au regard des éléments extrinsèques invoqués par les parties). Ainsi l’esprit du texte de l’article 970 du Code civil compte-t-il autant que sa lettre (comp. pour le testament olographe dactylographié dont la validité peut, selon les cas, être admise - Civ. 1re, 17 juin 2009, n° 08-15.894- ou refusée : Civ. 18 mai 1936; Civ. 1re, 24 févr. 1998, n° 95-18.936) : même écrit de sa main, un document rédigé dans une langue étrangère à son auteur ne peut donc être tenu pour un testament olographe valable.

« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface » (V. Hugo).

Références

■ Civ. 1re, 20 sept. 2006, n° 04-20.614 P : D. 2006. 2969, note D. Jacotot

■ Civ. 1re, 28 mai 2015, n° 14-14.506 P : D. 2015. 1207 ; ibid. 2094, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2015. 407, obs. N. Levillain ; Légipresse 2015. 330 et les obs. ; JAC 2015, n° 29, p. 46, chron. P. Noual ; RTD civ. 2015. 676, obs. M. Grimaldi ; RTD com. 2015. 526, obs. F. Pollaud-Dulian

■ Civ. 1re, 4 janv. 1973, n° 71-13.534 P

■ Civ. 1re, 11 févr. 1997, n° 95-12.382 P : D. 1997. 365, obs. M. Nicod

■ Civ. 1re, 11 janv. 2005, n° 02-16.985 P : D. 2005. 1064, note M. Nicod ; AJ fam. 2005. 147, obs. F. Bicheron

■ Civ. 1re, 17 juin 2009, n° 08-15.894 : D. 2009. 2508, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel

■ Civ. 18 mai 1936, DH 1936.345 

■ Civ. 1re, 24 févr. 1998, n° 95-18.936 P :  D. 2000. 428, obs. M. Nicod

 

Auteur :Merryl Hervieu

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