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[ 25 mars 2019 ] Imprimer

Droit des personnes

Français d’adoption

L’enfant qui bénéficie d’une adoption plénière par un Français est français, la condition tenant à la nationalité de l’adoptant devant s’apprécier au jour du dépôt de la requête en adoption plénière.

Née en 1994, une mineure africaine avait fait l’objet, à l’âge de quatorze ans, d’un jugement prononçant son adoption plénière, ce jugement ayant fait l’objet d’un exequatur. Un certificat de nationalité française avait été délivré à l’adoptée le 19 janvier 2013, sur le fondement de l’article 18 du Code civil, au motif que sa mère adoptive, d’origine africaine, avait été réintégrée dans la nationalité française par décret, en date du 16 septembre 1999. Le 29 octobre 2014, le procureur de la République avait, en vain, engagé une action négatoire de nationalité (action dont le procureur de la République est titulaire lui permettant de saisir le tribunal de grande instance afin que soit constatée la nationalité étrangère d'une personne). Il faisait alors grief à la cour d’appel saisie d’avoir dit que l’adoptée était de nationalité française, en violation de l’article 20, alinéa 2 du Code civil, lequel renvoie expressément aux dispositions de l’article 18 du même code, relatif à la nationalité française par filiation, et qui détermine les conditions d’attribution de la nationalité française à un enfant adopté de façon plénière. Or, ce dernier texte consacrant un cas d’attribution et non d’acquisition de la nationalité française, ce serait la nationalité du parent au jour de l’établissement de la filiation qui devrait être prise en considération pour déterminer si l’enfant est français comme né d’un parent français ; un enfant adopté de façon plénière ne pourrait ainsi se voir, dans ce cadre légal, attribuer la nationalité française que si l’adoptant était de nationalité française au jour de sa naissance ce qui n’était pas, en l’espèce, le cas. 

La Cour de cassation rejette son pourvoi, motif pris de la combinaison des articles 20, alinéa 2 et 18 du Code civil, dont il résulte que l’enfant qui bénéficie d’une adoption plénière par un Français est français par attribution, et que la condition tenant à la nationalité de l’adoptant doit s’apprécier au jour du dépôt de la requête en adoption plénière, date à laquelle cette adoption établit la filiation entre l’adopté et l’adoptant, en application de l’article 355 du Code civil et date à laquelle l’adoptante avait, en l’occurrence, était réintégrée, depuis près de dix ans, dans la nationalité française, en sorte que sa fille adoptive devait bien être considérée comme étant de nationalité française. 

Cette décision rappelle le cadre d’attribution de la nationalité française par filiation, notamment adoptive, comme elle en illustre la souplesse.

Le cadre, tout d’abord : la décision témoignant de la règle selon laquelle si l’enfant dont l’un des parents au moins est français est également français (C. civ., art. 18), la filiation de l’enfant n’a d’effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité, en vertu de l’article 20-1 du Code civil, lequel n’est applicable qu’en matière d’attribution, et non d’acquisition de la nationalité française, comme l’invoquait à juste titre le procureur de la République (V. Civ. 1re, 17 juin 1980, n° 79-12.327). Aussi, en matière de filiation adoptive, seule celle réalisée de façon plénière est susceptible de produire des effets sur la nationalité de l’adopté, contrairement à l’adoption simple (C. civ., art. 21), mais à la condition de respecter les distinctions établies aux articles 1818-119-119-3 et 19-4 du même code. 

La souplesse ensuite, qui justifie la solution rendue. Selon l’article 20, alinéa 1er du Code civil, l’enfant qui est français en vertu des dispositions précédentes (C. civ., art. 18 s.) est réputé l’avoir été dès sa naissance même lorsque l’existence des conditions requises par la loi pour l’attribution de la nationalité française n’est établie que postérieurement, en l’espèce, par la réintégration, cinq ans après la naissance de l’enfant, dans la nationalité française de celle qui allait devenir, neuf ans après cette réintégration, sa mère adoptive. La fiction rétroactive expressément prévue par la loi permettait alors de considérer que l’adoptée était, dès sa naissance, française comme sa mère. Précisons que le mécanisme rétroactif se trouvait, dans le cas d’espèce d’une filiation adoptive, soutenu par le texte de l’article 355 du Code civil propre à l’adoption plénière et selon lequel celle-ci produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête en adoption, en sorte que la nationalité de l’adoptant doit s’apprécier à cette date et non à celle de la naissance de l’enfant. 

Enfin, si les alinéas 2 et 3 de l’article 20 du Code civil limitent les effets de l’adoption plénière sur l’attribution de la nationalité française, ces textes ne visent que des cas, de répudiation de la nationalité française et d’attribution de celle-ci du fait de la naissance de son bénéficiaire en France, qui étaient étrangers à l’espèce puisqu’en effet, l’adoptée était née à l’étranger sans qu’elle-même ou sa mère adoptive n’ait usé de leur faculté de répudiation. 

Civ. 1re, 13 févr. 2019, n° 18-50.012

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz : Nationalité française (Attribution et acquisition) 

■ Civ. 1re, 17 juin 1980, n° 79-12.327 P : Rev. crit. DIP 1981.373

 

Auteur :Merryl Hervieu


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