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Droit pénal spécial
Fraude à la TVA : qualification d’escroquerie
Mots-clefs : Taxe à la valeur ajoutée (TVA), Fraude, Escroquerie (Éléments constitutifs, manœuvres frauduleuses)
Constituent des manœuvres frauduleuses au sens de l’article 313-1 du Code pénal des demandes de paiement de crédits indus de TVA justifiées par des déclarations mensuelles de chiffre d’affaires indiquant un montant fictif de taxe déductible sous le couvert d’une comptabilité inexacte établie sur le fondement d’écritures fictives et de fausses factures.
En l’espèce, une société de production avait obtenu le remboursement d’une somme de près de 800 000 euros correspondant à des crédits fictifs de TVA. Poursuivis pour escroquerie, ses deux dirigeants avaient été relaxés en appel au motif que les remboursements avaient été effectués sur la seule présentation des déclarations mensuelles du chiffre d’affaires taxable et des demandes trimestrielles de remboursement dont les mentions inexactes ne caractérisaient que des mensonges ; les juges du fond avaient également retenu que la passation d’écritures fictives en « opérations diverses » et l’émission de fausses factures, postérieures aux remboursements et uniquement destinées à cacher le caractère mensonger des déclarations et demandes en cause, n’avaient pu déterminer la remise des sommes indues.
Cette décision est ici cassée par la chambre criminelle. Au visa de l’article 313-1 du Code pénal, la Cour de cassation retient que « constituent les manœuvres frauduleuses caractérisant le délit d'escroquerie des demandes de paiement de crédits indus de taxe sur la valeur ajoutée justifiées par des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires indiquant un montant fictif de taxe déductible sous le couvert d'une comptabilité inexacte, établie sur le fondement d’écritures fictives et de fausses factures ».
L’escroquerie tend, à l’instar du vol, à l’appropriation frauduleuse de la chose d’autrui. Mais la méthode employée par l’escroc se distingue de celle du voleur : au lieu de soustraire directement la chose qu’il convoite, il va provoquer sa remise après avoir induit son possesseur en erreur à l’aide de moyens frauduleux. Dans les faits, ces mécanismes sont très variés. Ils ne seront punissables au titre de l’escroquerie que s’ils correspondent aux critères posés par l’article 313-1. Ainsi, l’escroquerie est constituée par l’utilisation frauduleuse de procédés de tromperie dans le but d’induire la victime en erreur et de déterminer une remise. S’agissant de la fraude à la TVA en cause, c’est le moyen frauduleux (définition et caractère déterminant de la remise), élément matériel du délit d’escroquerie, qui posait problème.
Sur le procédé de tromperie, il incombait aux juges de caractériser des manœuvres frauduleuses (troisième moyen de l’escroquerie à côté de l’usage de faux noms ou de fausses qualités et l’abus de qualité vraie). Incriminées mais non définies par la loi, les manœuvres frauduleuses correspondent, selon la jurisprudence, à des actes positifs destinés à tromper la victime et déterminants de la remise. En principe, la manœuvre doit donc être antérieure à la remise. Toujours d’après la jurisprudence, le mensonge — écrit ou verbal — ne suffit pas à constituer la manœuvre frauduleuse, même s’il a entraîné la remise (Crim. 1er juin 2005). Pour tomber sous le coup de l’escroquerie, il doit être « conforté et étayé par des éléments matériels extérieurs destinés à lui donner force et crédit » (M. Véron, Droit pénal spécial, no 414) : production d’écrits, intervention de tiers ou insertion dans une mise en scène.
En l’espèce, les juges du fond avaient estimé les déclarations mensongères des prévenus ne pouvaient pas être corroborées par les écrits (fausses factures et faux bilans) produits postérieurement aux remboursements, et donc constituer des manœuvres frauduleuses relevant de l’escroquerie. Une interprétation censurée par la chambre criminelle, dans la lignée de sa jurisprudence. Ainsi, tombent bien sous le coup de l’article 313-1 du Code pénal des demandes de remboursement de TVA, antérieures à la remise des sommes indues, déterminantes de celle-ci, et corroborées par des éléments comptables fallacieux nécessairement produits postérieurement. Les manœuvres sont constituées par le seul dépôt des déclarations inexactes, adossé à une comptabilité irrégulière.
Crim. 6 avr. 2011, no 10-85.209, F+P+B
Références
« Impôt indirect général sur la dépense inclus dans les prix, frappant selon des taux différenciés toutes les ventes de biens et toutes les prestations de services — sauf exonérations légales. Grâce au mécanisme de la déduction de la TVA ayant grevé en amont les différents éléments du prix de revient de ces biens et services, la TVA ne grève en réalité que la valeur monétaire ajoutée à chaque stade de leur production. Perçue dans tous les États membres de la Communauté économique européenne (Marché commun), la TVA représente également pour celle-ci l’une de ses ‘ressources propres’. Elle représente actuellement le seul impôt important largement harmonisé à l’échelle de l’Union européenne. »
« Délit consistant dans le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.
L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 € d'amende ».
■ Crim. 1er juin 2005, Bull. crim. no 167.
■ M. Véron, Droit pénal spécial, 13e éd., Sirey, coll. « Université », 2010, nos 407 s.
■ Rép. pén. Dalloz, V° « Escroquerie », par C. Mascala, nos 72 s.
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