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Droit des sociétés
Fusion absorption : extinction ou réitération de l’engagement de la caution ?
En cas de fusion de sociétés, la garantie de la caution, initialement engagée envers l’une des sociétés fusionnées absorbée, ne s’étend aux dettes postérieures à la fusion qu’à la condition d’une manifestation expresse de volonté de la caution de réitérer son engagement.
Une banque avait consenti à une société un prêt, garanti par deux cautionnements solidaires. Un an plus tard, la banque avait été absorbée, par voie de fusion par une autre banque. A la suite de la défaillance de la société emprunteuse, la banque issue de la fusion avait prononcé la déchéance du terme et délivré aux cautions deux commandements aux fins de saisie immobilière. Alors que la première s’y était opposée, la seconde avait au contraire procédé au paiement puis avait, ensuite, assigné la banque en restitution de l’indu.
La cour d’appel ayant rejeté sa demande, la caution forma un pourvoi en cassation au moyen principal qu’en cas de fusion de sociétés par voie d’absorption, l’obligation de la caution engagée envers la société absorbée est éteinte pour l’avenir, sauf en cas de manifestation expresse de volonté de la caution de s’engager envers la société absorbante.
La chambre commerciale rejette le pourvoi : elle juge que la cour d’appel ayant relevé, par motifs adoptés, que tandis que l’une des cautions avait, à la suite de la délivrance du commandement de saisie immobilière, contesté la validité de son engagement de caution vis à-vis de la banque, le demandeur, lui, n’avait jamais élevé une telle contestation, mais s’était rapproché de cette banque et avait même effectué plusieurs paiements entre les mains de cette dernière durant l’année ayant suivi la délivrance du même commandement, elle retient, par motifs propres, qu’aucune des pièces produites ne permettait de considérer que ces paiements faits à quelques mois d’intervalle l’avaient été sous la contrainte, et que la cour d’appel a pu en déduire valablement que la caution avait expressément manifesté la volonté de s’engager envers la banque.
La Cour de cassation considère depuis longtemps qu’ « en cas de fusion de sociétés donnant lieu à la formation d’une personne morale nouvelle, l’obligation de la caution qui s’était engagée envers l’une des sociétés fusionnées n’est maintenue pour la garantie des dettes postérieures à la fusion que dans le cas d’une manifestation expresse de la caution de s’engager envers la nouvelle personne morale » (Com. 20 janv. 1987, n° 85-14.035). Il est intéressant de constater que dans une telle hypothèse, la réitération par la caution de son engagement échappe au formalisme habituel et pointilleux auquel est soumis, notamment par le droit de la consommation, le contrat de cautionnement. En dépit de l’absence de forme imposée, encore faut-il cependant, que la volonté de la caution de poursuivre son engagement se manifeste. En effet, conformément au droit commun, l’absence de forme requise ne dispense pas la volonté d’être clairement exprimée. Dans l’hypothèse d’une fusion absorption, la manifestation de volonté de la caution de maintenir, auprès d’un nouveau créancier, son engagement donné au créancier initial doit donc pouvoir être caractérisée sans équivoque. Cet arrêt n’affirme pas autre chose : rappelant l’exigence d’une manifestation expresse de la volonté de la caution de s’engager envers l’absorbante, la Cour de cassation approuve aussi les juges du fond d’avoir relevé une pluralité d’éléments l’ayant fait ressortir : l’absence de contestation, au contraire de celle effectivement exprimée par la seconde caution, ainsi que la multiplicité des paiements, suffisamment espacés pour considérer, à défaut de preuve contraire, qu’ils ont été librement effectués.
Serrée, la motivation retenue par les juges permet de se convaincre que la volonté de la caution de renouveler son engagement, à travers les divers indices pouvant lui donner corps, était « manifeste ». Cette recherche d’univocité, qui explique la méticulosité du contrôle opéré dans ce cas par les juges, est justifiée par la nécessité de préserver l’autonomie de la volonté de la caution, dont le choix de réitérer sa garantie, donc de consentir à nouveau à abdiquer une part de sa liberté contractuelle, ne peut prêter au doute, d’autant plus que ce choix doit traduire sa volonté de déroger au principe selon lequel lorsque le créancier bénéficiaire d'un engagement de caution fait l'objet d'une fusion-absorption, la caution n'est tenue que des dettes existant à la date de cette opération (Com. 19 févr. 2013, n° 11-27.666 ; Com. 16 sept. 2014, n° 13-17.779).
En l’espèce, à l’évidence, le demandeur ne pouvait donc soutenir, comme il le prétendait pourtant, que ses paiements correspondaient seulement à l’exécution de son engagement antérieurement souscrit auprès du créancier initial, dont il savait pourtant la disparition par voie de fusion, de même qu’il ne pouvait raisonnablement justifier l’exécution de son obligation par la contrainte, issue du commandement de payer, dont la seconde caution s’était, quant à elle, volontairement affranchie. Cette argumentation était exclue par ses actes, positifs (paiements) comme négatifs (absence d’opposition), traduisant de toute évidence que sa volonté de se porter caution demeurait, malgré la fusion, inchangée (comp. Civ. 1re, 28 sept. 2004, n° 03-10.810).
Références
■ Com. 20 janv. 1987, n° 85-14.035
■ Com. 19 févr. 2013, n° 11-27.666 P: D. 2013. 564 ; ibid. 1706, obs. P. Crocq ; RTD com. 2013. 571, obs. D. Legeais
■ Com. 16 sept. 2014, n° 13-17.779 P: D. 2014. 1873 ; ibid. 2015. 2145, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; Rev. sociétés 2015. 231, note F. Teffo ; RTD civ. 2014. 892, obs. H. Barbier ; RTD com. 2014. 841, obs. D. Legeais
■ Civ. 1re, 28 sept. 2004, n° 03-10.810 P: D. 2004. 2786, et les obs. ; ibid. 2005. 2950, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Rev. sociétés 2005. 371, note D. Legeais
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