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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Garantie autonome et recours du donneur d’ordre : peu importe le remboursement préalable du garant après paiement !
Après paiement d’une garantie autonome, le donneur d’ordre est recevable à exercer son recours contre le bénéficiaire pour avoir perçu indûment les sommes réglées sans justifier du remboursement préalable du garant.
Com. 14 juin 2023, n° 21-23.864 B
La garantie à première demande est un type de garantie dite « autonome » dont on trouve la définition à l'article 2321 du Code civil : « La garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues » Le garant s'engage, sans aucune condition, à régler la dette souscrite par le débiteur garanti, donneur d’ordre, qui sera demandée par le bénéficiaire de la garantie. Le garant ne pourra opposer aucune des exceptions tenant à l'obligation principale souscrite envers le créancier. C'est l’une des principales différences avec le cautionnement, qui reste l’accessoire du contrat principal, qui explique le succès de cette sûreté personnelle dont l’intérêt réside dans son autonomie par rapport au « contrat de base », source de la dette garantie. Généralement, le garant est une banque, mais il peut tout aussi bien s’agir d'une entreprise, par exemple une société mère se portant garant d’une de ses filiales, ce qui était en l’espèce le cas.
Une garantie à première demande avait été consentie par la société mère d’un preneur au propriétaire d'un hôtel-restaurant-bar ayant mis son fonds en location-gérance. La société garante s’était donc engagée au profit du propriétaire du fonds, bénéficiaire de la sûreté, à régler les sommes dues au titre de la location-gérance, en cas de défaillance du donneur d’ordre. Ce dernier n'ayant pas renouvelé le contrat, le bénéficiaire, invoquant la non-remise en état des lieux et une perte de valeur du fonds de commerce exploité, avait assigné la société mère en exécution de la garantie. Après que cette demande du bénéficiaire fut accueillie, le donneur d’ordre, soutenant que les conditions de mise en œuvre de la garantie n'étaient pas réunies, a assigné ce dernier en restitution de la somme indûment perçue. En effet, le donneur d'ordre dispose d'un recours en remboursement contre le bénéficiaire d'une garantie autonome lorsque ce dernier a perçu indûment le montant versé à ce titre. Sa demande ayant été jugée recevable, le bénéficiaire forma un pourvoi en cassation, reprochant aux juges du fond d’avoir accueilli la demande du donneur d’ordre alors que ce dernier n’avait pas remboursé le garant des sommes versées en exécution de la garantie et que la société venant aux droits du donneur d’ordre n’avait ni qualité ni intérêt à agir faute d’avoir payé personnellement la somme due. La question de droit soumise à la Cour de cassation se posait donc dans les termes suivants : le donneur d’ordre doit-il nécessairement prouver le remboursement préalable du garant pour être jugé recevable à agir en restitution de l’indu contre le bénéficiaire d’une garantie autonome ? La chambre commerciale y répond par la négative, au motif qu’après paiement d'une garantie autonome, le donneur d'ordre est recevable à exercer un recours contre le bénéficiaire pour faire juger que celui-ci a perçu indûment le montant de la garantie, sans avoir à justifier du remboursement préalable du garant. Après avoir énoncé que le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution partielle ou totale de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, ou par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie, la cour d'appel, qui n'avait pas à s'interroger sur le remboursement préalable du garant par le donneur d'ordre, en a exactement déduit que l'action du donneur d’ordre contre le bénéficiaire en remboursement des sommes indûment perçues était recevable.
Fort logiquement, la Cour de cassation rappelle ici le principe de l’autonomie – dont il est classiquement fait exception en cas de fraude ou d’abus manifeste (exception légalisée, d’ailleurs, par le nouvel article 2321, alinéa 2, du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés) – de la garantie par rapport au contrat de base. Propre à cette sûreté personnelle reconnue comme « autonome », l’action en paiement du garant contre le donneur d’ordre doit être regardée comme indépendante de celle en restitution reconnue, en cas de paiement indu, au donneur d’ordre à l’encontre du bénéficiaire en ce que cette dernière action se fonde sur le contrat de base, soit que le donneur d’ordre l’ait correctement exécuté, soit que le bénéficiaire ait manqué à ses obligations nées du contrat principal. Cette situation contractuelle est étrangère aux rapports entre le donneur d’ordre et le garant. Dès lors, le recours en paiement du garant contre le donneur d’ordre s’apprécie uniquement au regard de la garantie et non du contrat de base liant le donneur d’ordre au bénéficiaire. C’est ce qui explique que le donneur d’ordre puisse exciper de la bonne exécution de ses obligations contractuelles ou de l’inexécution de celles qui incombaient à son cocontractant, bénéficiaire de la garantie, pour agir en restitution de la somme indûment versée en garantie, quand bien même il n’aurait pas encore remboursé le garant au titre distinct de la garantie consentie. L’autonomie de cette garantie implique également que le garant bénéficie, en toutes hypothèses, d’une créance contre le donneur d’ordre en cas d’appel en paiement. Le caractère automatique du paiement du garant par le donneur d’ordre justifie l’indifférence ici affirmée à l’exercice préalable du recours en paiement du garant (v. déjà, Com. 4 juill. 2006, n° 04-19.577 : « il importe peu que le remboursement du contre-garant ne soit pas encore intervenu dès lors qu’il est inévitable »). Expressément écarté comme critère de recevabilité, le recours préalable du garant n’est donc pas une condition du droit d’agir en restitution reconnu au donneur d’ordre quand le montant de la garantie a été indûment perçu par le bénéficiaire. En définitive, le paiement du garant est le seul critère retenu, conformément à l’autonomie de cette sûreté au regard de la créance principale, qui se trouve renforcée par l’arrêt commenté, érigeant le paiement de la garantie en critère exclusif du droit d’agir du donneur d’ordre.
Référence :
■ Com. 4 juill. 2006, n° 04-19.577 P : D. 2006. 2097, obs. X. Delpech ; RTD com. 2006. 901, obs. D. Legeais.
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