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Droit des obligations
Garantie des vices cachés : la présomption irréfragable de connaissance du vice par le vendeur professionnel ne porte pas atteinte à ses droits à la preuve et à un procès équitable
Il résulte de l'article 1645 du Code civil une présomption de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence. « Le caractère irréfragable de cette présomption, fondée sur le postulat que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d'apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente, répond à l'objectif légitime de protection de l'acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences, est nécessaire pour parvenir à cet objectif et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel au procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention. »
Com. 5 juill. 2023, n° 22-11.621
Le 19 mai 2015, une société avait commandé un tracteur, mis en circulation le 11 janvier 2013. Soutenant que le moteur du tracteur était affecté d’un vice caché, la société acheteuse avait assigné le vendeur en résolution de la vente.
Elle obtint gain de cause en appel, la juridiction du second degré ayant retenu l’existence d’un vice caché affectant le moteur, antérieur à la vente et diminuant l’usage voire rendant le bien impropre à sa destination. En conséquence de la résolution judiciaire du contrat, le vendeur fut condamné à restituer le prix de vente, à reprendre possession du tracteur à ses frais et à payer à l’acquéreur une certaine somme au titre des frais de location d’un tracteur de remplacement. Selon les juges du fond, le vendeur professionnel est présumé avoir eu connaissance du vice et cette présomption demeure irréfragable même dans le cas de l’espèce où l’acheteur est lui-même un professionnel. L’acquéreur avait donc droit, outre la restitution du prix, à l’indemnisation de tous ses dommages.
Dans le cadre de leur pourvoi, le vendeur et son assureur invoquaient une atteinte disproportionnée au droit à la preuve et une méconnaissance du droit à un procès équitable au regard de l’article 6, § 1, de la Conv. EDH. Selon les demandeurs au pourvoi, nul ne pouvant porter une atteinte disproportionnée au droit à la preuve d'une partie, dont le respect garantit celui de son droit à un procès équitable, contreviendrait à ce principe une règle probatoire faisant irrémédiablement obstacle à ce que puisse être rapportée la preuve contraire d'un fait présumé à l'encontre d'une partie, générant à l'encontre de celle-ci une condamnation de nature civile au regard de sa seule qualité de professionnel ; que tel est le cas de la présomption irréfragable de connaissance du vice caché à la charge du vendeur professionnel, qui interdit à ce dernier d'apporter la preuve de sa bonne foi et de démontrer qu'il ignorait – à le supposer établi – le vice de la chose vendue, pour mettre à sa charge une obligation de garantie à ce titre, nonobstant la qualité de professionnel de l'acheteur qui contracte dans le cadre de son activité.
La Cour de cassation juge ces moyens non fondés. Elle rappelle que conformément aux articles 1641 et 1646 du Code civil, le vendeur, garant à raison des défauts cachés de la chose vendue, n’est tenu qu’à la restitution du prix et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente s’il ignorait ces vices. Mais elle précise qu’aux termes de l’article 1645 du même code, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur. Selon une « jurisprudence ancienne et constante » (Civ. 1re, 21 nov. 1972, n° 70-13.898 ; Civ. 2ème, 30 mars 2000, n° 98-15.286 ; Com. 19 mai 2021, nº 19-18.230), elle ajoute qu’il résulte de l’article 1645 une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence.
Pour la Haute juridiction cette présomption est justifiée par le fait que le vendeur professionnel connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, et le caractère irréfragable de cette présomption « qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente, répond à l’objectif légitime de protection de l’acheteur qui ne dispose pas de ces mêmes compétences ». Procédant ainsi à un contrôle de proportionnalité, elle estime que ce caractère irréfragable est nécessaire pour parvenir à cet objectif et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du vendeur professionnel au procès équitable garanti par l’article 6, § 1, de la Conv. EDH.
Dès lors, après avoir caractérisé un vice caché de nature à justifier la résolution du contrat, la cour d’appel a retenu à bon droit que la venderesse professionnelle était présumée avoir eu connaissance du vice et que cette présomption irréfragable, devait jouer même si l'acheteur était lui-même un professionnel ; elle en a exactement déduit que la société acheteuse avait droit, outre la restitution du prix, à l'indemnisation de tous ses préjudices, consécutifs au vice du bien acquis.
Références :
■ Civ. 1re, 21 nov. 1972, n° 70-13.898
■ Civ. 2ème, 30 mars 2000, n° 98-15.286 : D. 2000. 132 ; RDI 2000. 349, obs. P. Malinvaud
■ Com. 19 mai 2021, nº 19-18.230 : RTD com. 2021. 647, obs. B. Bouloc
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