Actualité > À la une

À la une

[ 27 juin 2016 ] Imprimer

Contrats spéciaux

Garantie des vices cachés : point de départ du délai de l’action récursoire

Mots-clefs : Civil, Contrats spéciaux, Vente, Contrat de sous-traitance, Contrat de fourniture, Garantie des vices cachés, Action récursoire, Bref délai, Point de départ, Assignation de l’intermédiaire ou de l’entrepreneur

Le bref délai de l’action récursoire fondée sur la garantie des vices cachés, exercée par le vendeur intermédiaire ou l’entrepreneur à l’encontre de son fournisseur, court à compter de la date où l’intermédiaire ou l’entrepreneur est lui-même assigné ou, en l’absence d’assignation, à la date où le paiement d’une somme d’argent lui est réclamé.

Une société ayant entrepris la construction d’un centre commercial et de logements avait confié la construction d’un de ses lots à une société, laquelle avait sous-traité la réalisation de plusieurs opérations à une troisième société qui, pour remplir son engagement, avait utilisé du béton livré par une quatrième société. Des désordres étant apparus, la première société, maître d’œuvre, avait déclaré le sinistre à son assureur, dont elle avait accepté la proposition d’indemnisation. 

A la suite du recours de l’assureur à l’encontre de la société sous-traitante et de son assureur, ces derniers, après avoir payé l’indemnité due, avaient assigné la société ayant fourni le béton en indemnisation des préjudices résultant des vices cachés affectant le béton livré. 

La cour d’appel déclara leur action irrecevable pour cause de prescription, au motif que le point de départ du délai pour agir sur le fondement de la garantie des vices cachés est la date à laquelle l’acquéreur a connaissance du vice affectant le bien acquis. Or, en l’espèce, la société sous-traitante avait, lors de son assignation, connaissance du défaut de qualité du béton depuis déjà trois ans. 

Au visa de l’article 1648 du Code civil, cette décision est censurée par la Cour de cassation, qui juge, au contraire, que la société demanderesse avait agi dans le bref délai prévu par la loi, lequel commence à courir, dans le cadre d’une action récursoire fondée sur la garantie des vices cachés exercée par le vendeur intermédiaire ou par l’entrepreneur à l’encontre de son fournisseur, non pas à compter du jour de la révélation du vice à l’acquéreur, mais de la date où l’intermédiaire ou l’entrepreneur est lui-même assigné ou, en l’absence d’assignation, à la date où le paiement d’une somme d’argent lui est réclamé. 

S’agissant, notamment, de la garantie des vices cachés, la détermination du point de départ du délai pour agir est une question capitale. 

En effet, selon que l'on retient une date plus ou moins éloignée de la date de conclusion du contrat, l'acquéreur dispose d'un temps de garantie plus ou moins long. Par principe, et c’est ce qui explique la solution, même inexacte, des juges du fond, le délai court à compter de la connaissance du vice par l'acheteur. D’abord admise par les juges (V. Civ. 3e, 2 févr. 1999, n° 97-14.906 : le point de départ est « la date à laquelle le vice s'était révélé », Civ. 1re, 6 mars 2002, n° 00-17.651), la règle fut ensuite consacrée par l'ordonnance du 17 février 2005, qui a modifié l'article 1648 du Code civil, lequel dispose depuis que « l'action... doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ». 

Cependant, cette règle n’avait pas ici vocation à s’appliquer, ce qui justifie que la cassation ait été prononcée. Précisons à ce propos que quoiqu’il n’en ait pas toujours été ainsi, la détermination du point de départ du délai de la garantie des vices cachés est devenue une question de droit (en ce sens, V. P. Ancel, « La garantie conventionnelle des vices cachés dans les conditions générales de vente en matière mobilière », RTD com. 1979, p. 203, n° 9), ce qui permet de déférer à cet égard les décisions devant la censure de la Cour suprême. 

Ainsi, en présence d'une action récursoire exercée par un revendeur ou un entrepreneur (en l’espèce, la société ayant mis en œuvre le béton livré) à l'encontre de son fournisseur (en l’espèce, celui ayant fourni le béton), à la suite d'une réclamation émanant du client final, sous-acquéreur, maître de l'ouvrage, (en l’espèce, la société de construction, maître de l’ouvrage), c'est le jour de l'assignation opérée par ce dernier qui est considéré comme le moment où le vice s'est révélé à l’intermédiaire ou à l’entrepreneur. La Cour de cassation contrôle, avec fermeté, l'application de cette règle (V. Com. 6 oct. 1975, n° 74-11.617. Civ. 1re, 4 janv. 1979, n° 77-12.069. Com. 20 mars 1984, n° 83-11.876. Civ. 1re, 24 sept. 2002, n° 00-16.040). Dans ce cadre, spécifique, le point de départ du bref délai est fixé au jour de l'assignation, règle que les juges semblent fonder sur la maxime « Contra non valentem agere... » (Com. 19 mars 1974, n° 72-11.293), signifiant que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir, et qui ne connaît même pas de dérogation dans le cas où l'intermédiaire aurait été avisé de l'existence du vice avant d'être assigné par son cocontractant. Cette réglementation du délai de prescription contient, en vérité, un mécanisme qui procède en deux temps : s'il est nécessaire d’agir en justice pour interrompre le délai, celui-ci ne peut courir, à l'encontre de l'intermédiaire, que du jour où ce dernier a lui-même fait l'objet d'une action (Com. 25 févr. 1986, préc.). Ainsi, en dépit de l’expression ici trompeuse de « bref délai », la demande en garantie peut-elle souvent être accueillie bien longtemps après la vente. En témoigne une décision faisant droit, non pas comme en l’espèce, trois ans après la vente, mais dix ans après au recours d'un entrepreneur à l'encontre du fournisseur de briques s'étant révélées défectueuses (Com. 19 mars 1974, préc.).

Civ. 3e, 2 juin 2016, n° 15-17.728

Références

■ Civ. 3e, 2 févr. 1999, n° 97-14.906.

■ Civ. 1re, 6 mars 2002, n° 00-17.651.

■ Com. 6 oct. 1975, n° 74-11.617 P.

■ Civ. 1re, 4 janv. 1979, n° 77-12.069 P ; D. 1979, inf. rap. p. 200.

■ Com. 20 mars 1984, n° 83-11.876 P.

■ Civ. 1re, 24 sept. 2002, n° 00-16.040.

■ Com. 19 mars 1974, n° 72-11.293 P.

 

Auteur :M. H.

Autres À la une


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr