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[ 23 janvier 2018 ] Imprimer

Procédure pénale

Garde à vue : droit du mineur à l’assistance par un avocat

Mots-clefs : Mineur, Garde à vue, Avocat, Audition, Parents

Il résulte de l’article 4-IV de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, que dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat dans les conditions prévues par les articles 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure pénale.

Un mineur fut placé en garde à vue le 21 mars 2017, à 8 heures 05. Avisée de cette mesure à 8 heures 10, sa mère demanda à ce qu’un avocat commis d’office soit désigné. L’avocat de permanence fut avisé le jour même à 8 heures 15, sous forme d’un message vocal laissé sur son répondeur. Le procureur de la République fut informé du placement en garde à vue à 8 heures 35. Après une première audition du mineur de 10 heures 15 à 11 heures 20, en l’absence de son avocat, celui-ci fit connaître aux enquêteurs qu’il « passerait voir son client dans l’après-midi ». Ayant bénéficié d’un entretien avec cet avocat de 15 heures 40 à 16 heures, le mineur fut ensuite entendu une seconde fois sur les faits de 16 heures à 17 heures 05, sans être assisté de son conseil. Mis en examen pour viol aggravé, tentative de viol aggravé et agression sexuelle aggravée, il déposa, le 29 mars, une requête en annulation des actes accomplis au cours de la garde à vue et des actes subséquents, que la chambre de l’instruction rejeta.

La chambre criminelle était saisie du pourvoi formé par le mineur, qui faisait valoir plusieurs moyens, dont le retard dans l’avis à parquet et l’absence d’assistance par un avocat lors de ses auditions. 

■ Sur le premier point, on rappellera pour commencer que l’article 4 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui concerne la garde à vue du mineur, doit être articulé avec les dispositions de droit commun prévues aux articles 62-2 et suivants du Code de procédure pénale. Ainsi, l’article 63-I du Code de procédure pénale prévoit que « dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue », en lui donnant connaissance des motifs justifiant la mesure et de la qualification des faits telle qu’elle a été notifiée à l’intéressé. Et la jurisprudence estime classiquement que le procureur de la République doit être informé dans les meilleurs délais, sauf circonstances insurmontables (V. Rép. pén. Dalloz, vo Garde à vue, n° 89 ; Crim. 10 mai 2001, no 01-81.441 ; Crim. 3 avr. 2007, n° no 07-80.807). Hors circonstances insurmontables, des retards de 1 heure 15 ou de 3 heures causent nécessairement un grief et entraînent la nullité de la mesure ; en revanche, un délai de 30 minutes est toléré. 

Subsidiairement, la défense faisait valoir que l’un des parents du mineur avait été informé avant le parquet. A cet égard, l’article 4-II de l’ordonnance de 1945 prévoit que « Lorsqu’un mineur est placé en garde à vue, l’officier de police judiciaire doit, dès que le procureur de la République ou le juge chargé de l’information a été avisé de cette mesure, en informer les parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le mineur ». Le texte précise également qu’exceptionnellement, le procureur de la République peut décider de refuser d’informer ce proche (pour une durée inférieure à 24 heures, ou à 12 heures quand la garde à vue ne peut pas être prolongée). En l’espèce, le procureur de la République a certes été informé après la mère du gardé à vue, mais la chambre criminelle estime que le mis en examen ne démontre aucun grief. Le moyen est donc rejeté.

■ Sur le second point, et l’absence d’assistance par un avocat, l’article 4-IV de l’ordonnance de 1945 prévoit que « dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat, dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-3-4 du code de procédure pénale », le mineur devant être immédiatement informé de ce droit et ses parents pouvant, le cas échéant, en faire la demande pour lui. Ainsi, conformément au droit commun, l'avocat, une fois désigné, intervient dès le début de la mesure. L'article 63-4-2 du Code de procédure pénale envisage la possibilité d'un retard de l'avocat et consacre un délai de carence de deux heures (Rép. pén. préc., n° 179) : si l'avocat désigné ne se présente pas à l'issue de deux heures après avis de sa désignation, l'officier de police judiciaire peut procéder à l'audition ; et si l'avocat arrive alors qu’une audition ou une confrontation est en cours, l'officier de police doit interrompre l’opération pour lui permettre de s'entretenir avec son client et de prendre connaissance des éléments du dossier, sauf si la personne ne demande pas à s'entretenir avec lui. 

En l’espèce, le mineur, avisé de ses droits, a été interrogé une première fois deux heures après le début de son placement en garde à vue conformément aux dispositions précitées, et une seconde fois, immédiatement après son entretien avec son avocat, mais sans l’assistance de ce dernier, non informé de l’audition à suivre. Statuant au visa des articles 4-IV de l’ordonnance de 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, et 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure pénale, la chambre criminelle estime que la chambre de l’instruction aurait dû annuler la seconde audition du mineur qui avait eu lieu en l’absence de l’avocat devant l’assister et, le cas échéant, étendre les effets de cette annulation aux actes dont elle était le support nécessaire. Elle casse et annule l’arrêt en ses seules dispositions relatives à l’audition en question. 

On précisera que la loi « J 21 » du 18 novembre 2016 a rendu obligatoire l’assistance par un avocat du mineur gardé à vue ; auparavant l’article 4-IV de l’ordonnance de 1945 prévoyait simplement que le mineur « pouvait demander à » être assisté par un avocat. Le texte sur l’enfance délinquante renvoyant aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du Code de procédure pénale, le mineur doit donc être assisté par un avocat lors des auditions ou confrontations, faute de quoi il est nécessairement porté atteinte à ses intérêts.

Crim. 20 déc. 2017, n° 17-84.017

Références

■ Fiches d’orientation Dalloz, Garde à vue (Conditions) et Garde à vue (Garanties)

■ Rép. pén. Dalloz, vo Garde à vue, par C. Mauro, n° 89 s. et  

■ Crim. 10 mai 2001, no 01-81.441 P.

■ Crim. 3 avr. 2007, no 07-80.807 P : D. 2007. 1422 ; ibid. 2008. 2757, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2007. 285, obs. G. Royer.

 

Auteur :Sabrina Lavric


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