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Procédure pénale
Garde à vue : toute personne a droit à un avocat dès qu’elle en fait la demande !
Mots-clefs : Garde à vue, Droit à un procès équitable, Audition, Convention européenne des droits de l’homme, Avocat, Droit de se taire, Interrogatoire surprise, Employeur, Huissier, Abus de confiance, Déclarations incriminantes, Présomption d’innocence, Enquête préliminaire
Il se déduit de l’article 6 § 3 de la Conv. EDH que toute personne placée en garde à vue a droit à l’assistance d’un avocat dès qu’elle en fait la demande. Les auditions recueillies en méconnaissance de ce droit sont irrégulières et doivent être annulées, ainsi que les actes qui en découlent.
En l’espèce, une employée a été placée en garde à vue, en juin 2009, à la suite de la plainte de son employeur pour abus de confiance. Les policiers lui ont tout de suite notifié son droit à l’assistance d’un avocat, de même que lors du renouvellement de la garde à vue, mais la prévenue a, à ces deux moments, renoncé à ce droit. Mais une fois confrontée aux charges retenues contre elle, elle a finalement sollicité l’assistance d’un avocat. Les policiers n’ont pas accédé à sa demande et ont poursuivi son audition sans avocat.
Cette dernière a soulevé, sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la nullité de la garde à vue et celle, subséquente, de la procédure d’enquête. La cour d’appel a considéré que les prescriptions édictées par l’article 63-4 du Code de procédure pénale ayant été respecté, le fait que les policiers n’aient pas accédé à sa demande ne pouvait entraîner l’annulation de la procédure d’enquête et de l’acte de poursuite.
La prévenue pouvait-elle demander à s’entretenir avec un avocat, alors que la garde à vue avait été prolongée et qu’elle avait déclaré, par deux fois, renoncer à ce droit ?
La Haute cour répond par la positive. Elle casse et annule, au visa de l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt d’appel estimant qu’ « il se déduit de ce texte que toute personne placée en garde à vue doit pouvoir bénéficier de l’assistance d’un avocat dès qu’elle en fait la demande ». Il appartenait donc à la cour d’appel, après avoir constaté l’irrégularité des auditions intervenues postérieurement au moment où la prévenue avait sollicité l’assistance d’un avocat, de les annuler et, « le cas échéant, d’étendre les effets de cette annulation aux actes qui en étaient le support nécessaire ».
Le régime de la garde à vue a fait l’objet d’une grande réforme, opérée par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, à la suite d’importants arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, (CEDH 27 nov. 2008, Salduz c. Turquie ; CEDH 13 oct. 2009, Dayan c. Turquie), de la décision QPC du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 et de celles de la Cour de cassation en date du 19 octobre 2010. Le législateur français a instauré de nouveaux droits au profit de la personne gardée à vue, dont le plus important est celui d’être assisté par un avocat dès le début de la mesure. L’article préliminaire du Code de procédure pénale interdit désormais expressément de fonder une condamnation, en matière criminelle ou délictuelle, sur les seules déclarations faites par une personne sans que celle-ci ait pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui.
Toutefois la Cour de cassation continue de préciser les contours du dispositif, (v. Ass. plén.15 avr. 2011 ; Crim. 11 mai 2011).
En l’espèce, qui concernait une garde à vue antérieure à la réforme, la Haute cour précise qu’une personne gardée à vue peut demander l’assistance d’un avocat à n’importe quel moment de la mesure. Il doit être fait droit à sa demande même si elle a antérieurement refusé cette assistance. Dans le cas contraire l’audition doit être annulée de même que les actes qui en découlent.
Crim. 14 déc. 2011, n° 11-81.329 F-P+B
Références
■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »
■ Code de procédure pénale
« I. - La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.
Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
II. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
III. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.
Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.
Les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.
Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.
En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »
« L'avocat désigné dans les conditions prévues à l'article 63-3-1 peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien.
La durée de l'entretien ne peut excéder trente minutes.
Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut, à sa demande, s'entretenir à nouveau avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et pour la durée prévues aux deux premiers alinéas. »
■ CEDH 27 nov. 2008, Salduz c. Turquie, req. n°36391/02.
■ CEDH 13 oct. 2009, Dayan c. Turquie, req. n°7377/03.
■ Cons. const. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, Dalloz Actu Étudiant 14 sept. 2010.
■ Crim 19 oct. 2010, n° 10-82.902, n° 10-82.306, n° 10-85.051, Dalloz Actu Étudiant 27oct. 2010.
■ Ass. plén.15 avril 2011, n°s 10-17.049, 10-30.242, 10-30.313, et 10-30.316, Dalloz Actu Étudiant 20 avr. 2011.
■ Crim. 11 mai 2011, n° 10- 84.251, Dalloz Actu Étudiant 17 juin 2011 à propos de Crim. 31 mai 2011, n°s10-88.293, 11-80.034, 11.81.412.
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