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Procédure pénale
Géolocalisation : les mots ont un sens - Immédiatement ce n’est pas 6h plus tard !
En cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, un officier de police judiciaire peut prescrire ou mettre en place les opérations de localisation en temps réel, par tout moyen technique, d’un véhicule sans le consentement de son propriétaire ou possesseur, à la condition qu’il en informe immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d'instruction.
Crim. 29 septembre 2020, n° 20-80.915
La loi n° 2014-372 du 28 mars 2014 relative à la géolocalisation fixe le cadre légal d’une telle opération destinée à permettre la manifestation de la vérité. Elle établit les infractions permettant de recourir à la géolocalisation et définit les autorités compétentes pour autoriser une telle opération ainsi que sa durée. Si le pouvoir de décider de la mise en place d’une telle mesure est en principe confié au procureur de la République ou au juge d’instruction, l’urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens autorise un officier de police judiciaire à en prescrire la mise en œuvre. Néanmoins, parce que ce moyen de preuve est par nature une ingérence dans le droit à la vie privée (CEDH 2 sept. 2010, Uzun c/ Allemagne, n° 35623/05 ; CEDH 8 févr. 2018, Ben Faïza c/ France, n° 31446/12), ce dernier doit en avertir les autorités judiciaires et ce, dans un laps de temps très court. L’article 230-35 du Code de procédure pénale impose une information « immédiate » et par tout moyen.
L’arrêt rendu par la chambre criminelle permet d’illustrer cette notion d’immédiateté et les conséquences du non-respect de cette obligation.
Dans cette affaire, une information judiciaire avait été ouverte des chefs notamment d’infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs. Au cours de l’instruction, sur le fondement des dispositions de l’article 230-35 du Code de procédure pénale, les enquêteurs ont procédé, le 28 février 2019 à 3 heures 20, à la pose d’un dispositif de géolocalisation dans un véhicule. Ils en ont avisé le juge d'instruction le même jour, à 9 heures 30. Par la suite, ledit véhicule a fait l’objet d’une mesure de sonorisation dont les résultats ont conduit à l’interpellation du suspect, le 8 avril 2019, et à sa mise en examen, le 10 avril 2019.
Le mis en examen a demandé l’annulation de la mesure de géolocalisation ainsi que de nombreuses autres pièces de procédure par voie de conséquence.
Dans son pourvoi, il reproche à la chambre de l'instruction d’avoir rejeté sa demande et déclaré régulière la mesure de géolocalisation alors que le juge d'instruction n’avait été averti de la mesure qu’après l’écoulement d’un délai de 6 heures 10. Pour conclure à la régularité, les juges d’appel avaient cru bon de retenir « qu’il a été satisfait à l'obligation d'information immédiate du juge d'instruction, le laps de temps entre 3 heures 20 et 9 heures 30 n'ayant emporté aucune atteinte à l'exigence découlant de l'article 230-35 du code de procédure pénale et de l'article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, de contrôle de la mesure par l'autorité judiciaire, laquelle a pu y procéder utilement dès le début de la journée ».
Un tel raisonnement ne pouvait prospérer. Au visa de l’article 230-35 du Code de procédure pénale dont la Cour rappelle les termes, la cassation de la décision d’appel est prononcée.
En effet, il résulte de ce texte qu’en cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, et dans les cas mentionnés aux articles 230-33 et 230-34 du Code de procédure pénale, un officier de police judiciaire peut prescrire ou mettre en place les opérations de localisation en temps réel, par tout moyen technique, d’un véhicule sans le consentement de son propriétaire ou possesseur, à la condition qu’il en informe immédiatement, par tout moyen, le procureur de la République ou le juge d'instruction. Dès lors, selon la chambre criminelle, « d’une part, l’information du procureur de la République ou du juge d’instruction, selon le cas, doit intervenir dès la mise en place effective de la mesure de géolocalisation, d’autre part, il ne résulte d'aucun élément du dossier des circonstances insurmontables ayant empêché que cette information soit donnée selon les exigences légales ».
L’information tardive et sans qu’aucune circonstance insurmontable ne soit avancée pour expliquer ce retard, emporte nécessairement la nullité de la mesure.
Cette information immédiate se justifie par le fait que l’autorité judiciaire est gardienne des libertés individuelles. Tout comme en matière de garde à vue ou de rétention douanière (Crim. 27 juin 2017, n° 17-80.783), un contrôle effectif suppose en effet une information rapide qui doit intervenir dès le début de la mesure. Informé immédiatement, un magistrat peut alors ordonner la mainlevée de la mesure.
Bien avant que cette mesure ne fasse l’objet d’un encadrement juridique, la chambre criminelle décidait déjà qu’ en vertu de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la technique dite de « géolocalisation » constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge (Crim. 22 oct. 2013, n° 13-81.945 et Crim. 22 oct. 2013, n° 13-81.949).
Références
■ CEDH 2 sept. 2010, Uzun c/ Allemagne, n° 35623/05 : D. 2011. 724, obs. S. Lavric, note H. Matsopoulou ; RSC 2011. 217, obs. D. Roets
■ CEDH 8 févr. 2018, Ben Faïza c/ France, n° 31446/12 : D. 2018. 352
■ Crim. 27 juin 2017, n° 17-80.783 P : Dalloz actualité 11 juillet 2017, note D. Goetz ; RSC 2017. 574, obs. A. Giudicelli
■ Crim. 22 oct. 2013, n° 13-81.945 P : Dalloz Actu Étudiant, 21 nov. 2013, obs. C. L ; D. 2014. 115, note H. Matsopoulou ; ibid. 311, chron. B. Laurent, C. Roth, G. Barbier et P. Labrousse ; AJ pénal 2013. 668, note L. Ascensi ; D. avocats 2014. 24, obs. J. Danet
■ Crim. 22 oct. 2013, n° 13-81.949 P : Dalloz Actu Étudiant, 21 nov. 2013, obs. C. L. ; D. 2014. 115, note H. Matsopoulou ; ibid. 311, chron. B. Laurent, C. Roth, G. Barbier et P. Labrousse ; AJ pénal 2013. 668, note L. Ascensi
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