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Droit des personnes
Gestation pour autrui : nouveau refus de transcription à l’état civil
Mots-clefs : Filiation, Gestation pour autrui, État civil, Ordre public
Est justifié le refus de retranscription sur les registres de l’état civil français de la naissance d’un enfant né par l’intermédiaire d’une convention de gestation pour le compte d’autrui.
Par deux arrêts en date du 13 septembre 2013, la première chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé son refus de transcrire à l’état civil français des actes de naissances d’enfants nés d’une convention de mère porteuse à l’étranger.
Dans les deux espèces rapportées, des enfants étaient nés en Inde d’une mère indienne et d’un père français qui les avait préalablement reconnus en France. Les deux pères biologiques demandèrent, par la suite, la transcription à l’état civil français des actes de naissances établis à l’étranger. Alors que le premier vit sa demande accueillie au motif de « la régularité formelle » de l’acte et de sa conformité « à la réalité des énonciations des actes litigieux », le second échoua au contraire à obtenir gain de cause devant la même cour d’appel, qui justifia sa décision par le constat qu’il « ne s’agissait pas seulement en l’espèce d’un contrat de mère porteuse prohibé par la loi française, mais encore d’un achat d’enfant, évidemment contraire à l’ordre public » (étant précisé que le père avait versé à la mère porteuse l’équivalent pour elle de trois ans de salaire).
Au visa des articles 16-7 , 16-9 et 336 du Code civil, la Cour de Cassation énonce le principe selon lequel « en l’état du droit positif, est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public ».
Par le premier arrêt de cassation (n°12-30.138), elle reproche en conséquence aux juges du fond d’avoir constaté l’existence d’un processus frauduleux comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui sans en déduire que les actes de naissance des enfants ne pouvaient être retranscrits sur les registres de l’état civil français.
Dans la seconde décision (n°12-18.315), qui est un arrêt de rejet, elle approuve la cour d’appel, qui a caractérisé l’existence d’un tel processus frauduleux comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, d’en avoir à bon droit déduit que l’acte de naissance litigieux ne pouvait être transcrit sur les registres de l’état civil français et qu’en raison de la commission d’une telle fraude, ni l’intérêt supérieur de l’enfant que garantit l’article 3, § 1er, de la Convention internationale des droits de l’enfant, ni le respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne pouvaient être valablement invoqués.
La notion d’intérêt ne justifie donc pas, dans ce cas, de régulariser la fraude à la loi française. La régularité formelle et la véracité de l’acte de naissance ne le permettent pas davantage.
Au cœur de ces deux arrêts, la notion de fraude à la loi est également retenue par la Cour pour approuver la cour d’appel d’avoir, dans la seconde espèce, annulé l’acte de reconnaissance paternelle. À l’appui de l’article 336 du Code civil, selon lequel la filiation légalement établie peut être, en cas de fraude à la loi, contestée par le ministère public, elle fait seulement dépendre le bien-fondé de son action de la preuve de la fraude, et non de celle de la contrariété de l’acte de reconnaissance à la vérité biologique.
Campant sur ses positions (v. Civ. 1re, 6 avr. 2011 : « en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes (…) de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public (…) »), la Cour de cassation ferme à nouveau la porte, au nom de l’ordre public français, au « tourisme procréatif ». Cela étant, elle devra désormais résoudre une nouvelle difficulté, née de l’articulation de sa position avec la récente circulaire Taubira du 25 janvier 2013 : en effet, depuis cette date, un enfant né d’au moins un parent français se retrouve dans la situation délicate d’être privé de la possibilité de voir sa filiation établie en France alors qu’il peut voir reconnaître sa nationalité française.
Civ. 1re, 13 sept. 2013, n°12-18.315 et 12-30.138
Références
■ Civ. 1re, 6 avr. 2011, n°09-17.130, RTD civ. 2011. 340, note Jean Hauser.
■ Code civil
« Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle. »
« Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public. »
« La filiation légalement établie peut être contestée par le ministère public si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi. »
■ Article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant
« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
2. Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.
3. Les États parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié. »
■ Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales - Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
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