Actualité > À la une
À la une
Libertés fondamentales - droits de l'homme
GPA et demande de naturalisation
Mots-clefs : GPA, Naturalisation, Refus, Nationalité, Pouvoir discrétionnaire, Ministre de l’intérieur, Erreur manifeste d’appréciation
La personne qui méconnaît un principe essentiel du droit français en ayant recours à l’étranger à une GPA ne peut prétendre à une demande de naturalisation.
Le 20 août 2013, le ministre de l’intérieur avait rejeté la demande de naturalisation d’un homme russe qui avait eu recours dans son pays d’origine à la gestation pour le compte d’autrui. Il a alors contesté cette décision devant le juge administratif qui a rejeté sa demande que ce soit en première instance ou en appel.
L’acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique
Les modes d’acquisition de la nationalité française
Il existe différents modes d’acquisition de la nationalité française : à raison de la filiation (C. civ., art. 21) ; à raison du mariage (C. civ., art. 21-1 s.) ; à raison de la naissance ou de la résidence en France (C. civ., art. 21-7 s.) ; par déclaration de nationalité (C. civ., art. 21-12 s.) ; et par décision de l’autorité publique (C. civ., art. 21-14-1 s.). Dans ce dernier cas, la nationalité française peut être conférée par décret soit pour des faits militaires (C. civ., art. 21-14-1 s.), soit sous condition de résidence et d’assimilation : « l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger » (C. civ., art. 21-15).
Recevabilité et appréciation de la demande de naturalisation
Dans un premier temps, le ministre de l’intérieur vérifie notamment plusieurs critères afin de décider si la demande de naturalisation est recevable. : l’âge, dix-huit ans (C. civ., art. 21-22), la résidence : une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande (C. civ., art. 21-17), la moralité, soit être de bonnes vie et mœurs et ne pas avoir fait l'objet de certaines condamnations (C. civ., art. 21-23), l'assimilation à la communauté française par une connaissance suffisante de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. Cette assimilation est matérialisée par la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen français qui rappelle les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française (C. civ., art. 21-24).
Dans un second temps, si les conditions de recevabilité sont remplies, il incombe au ministre, d'apprécier l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Le ministre dispose en la matière d'un pouvoir discrétionnaire qui lui permet, pour des motifs d'opportunité, de rejeter une demande de naturalisation ou de l'ajourner en imposant un délai ou des conditions. Ainsi, le fait de remplir l'ensemble des conditions de recevabilité ne donne aucun droit à obtenir la naturalisation : « la naturalisation constitue une faveur accordée par l'État français à un étranger et n'est donc jamais un droit pour l'intéressé » (CE 30 mars 1984, n° 40735 ; CE 17 oct. 1986, n° 62279 ; CE 15 mars 1995, n° 148768). Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ou de réintégration par décret est soumise à l'obligation de motivation (C. civ., art. 27).
Depuis un arrêt du 27 mai 1983, le Conseil d'État reconnaît à la juridiction administrative le pouvoir de vérifier si une décision de rejet d'une demande de naturalisation n'est pas entachée « d'erreur de droit ou de fait, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir », et, à cet effet, d'exiger de l'administration qu'elle fasse connaître les raisons de sa décision (CE 27 mai 1983, Épx Cajarville, n° 45690). Il s’ensuit qu’une décision du ministre peut être annulée si le dossier fait apparaître une erreur manifeste d'appréciation.
Les motifs de refus de la demande de naturalisation sont variés. Par exemple : avoir épousé un religieux extrémiste (CE 10 déc. 2004, n° 257590) ; être un médecin étranger ne disposant pas d'une autorisation pérenne d'exercer la médecine en France (CAA Nantes, 29 juill. 2008, n° 08NT00419) ; avoir fait des déclarations mensongères (CE 11 juin 2004, n° 233074), adopter une pratique radicale d’une religion, incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française et notamment avec le principe d'égalité des sexes (CE 27 juin 2008, n° 286798), appartenir à une secte (CAA Nantes, 6 mai 2005, n° 04NT01247) ; tenir des propos à connotation discriminatoire, hostiles à la laïcité et à la tolérance révélant un rejet des valeurs essentielles de la société française (CE 21 déc. 2007, n° 297355)…
En l’espèce, il s’agissait de savoir si une demande de naturalisation pouvait être refusée au motif que le demandeur avait eu recours à la GPA à l’étranger. Question à laquelle la cour administrative d’appel de Nantes répond par l’affirmative.
Pour cela elle rappelle que le recours à la GPA méconnait un principe essentiel du droit français : l’indisponibilité du corps humain (sur ce principe, V. notamment : Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-17.130, 10-19.053 et 09-66.486 ; Cass., ass. plén., 3 juill. 2015, n° 14-21.323 et 15-50.002 ; Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.455). Les conventions de GPA sont interdites en France (C. civ., art. 16-7 et 16-9) et sont sanctionnées pénalement (C. pén., art. 227-12).
Il s’ensuit en l’espèce que « pour refuser à M. E...l’acquisition de la nationalité française, le ministre chargé des naturalisations a pu, dans son large pouvoir d’appréciation et compte tenu des dispositions du code civil et du code pénal prohibant le recours à la gestation pour autrui, prendre en compte, sans commettre d’erreur de droit, ni d’erreur manifeste d'appréciation, le fait que le postulant avait eu recours dans son pays d’origine à la gestation pour le compte d’autrui ; que la circonstance que cette procédure serait autorisée dans le pays d’origine du postulant est sans incidence à cet égard ».
CAA Nantes, 21 décembre 2017, n° 16NT01141
Références
■ V. Fiche d’orientation Dalloz : Nationalité française (Attribution et acquisition)
■ CE 10 déc. 2004, n° 257590 : Lebon ; AJDA 2005. 340 ; D. 2005. 244.
■ CE 17 oct. 1986, n° 62279 : Lebon.
■ CE 15 mars 1995, n° 148768
■ CE 27 mai 1983, Épx Cajarville, n° 45690 : Lebon.
■ CAA Nantes, 29 juill. 2008, n° 08NT00419
■ CE 11 juin 2004, n° 233074
■ CE 27 juin 2008, n° 286798 : Lebon ; AJDA 2008. 1296 ; ibid. 2013 ; ibid. 1997, étude H. Zeghbib, note P. Chrestia ; D. 2009. 345, note C. Vallar ; RFDA 2009. 145, chron. C. Santulli.
■ CAA Nantes, 6 mai 2005, n° 04NT01247 : AJDA 2005. 1918.
■ CE 21 déc. 2007, n° 297355 : AJDA 2008. 372.
■ Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-17.130 P, 10-19.053 P et 09-66.486 P: D. 2011. 1522, note D. Berthiau et L. Brunet ; ibid. 1001, édito. F. Rome ; ibid. 1064, entretien X. Labbée ; ibid. 1585, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1033, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2011. 262 ; ibid. 265, obs. B. Haftel ; ibid. 266, interview M. Domingo ; AJCT 2011. 301, obs. C. Siffrein-Blanc ; Rev. crit. DIP 2011. 722, note P. Hammje ; RTD civ. 2011. 340, obs. J. Hauser.
■ Cass., ass. plén., 3 juill. 2015, n° 14-21.323 P et 15-50.002 P : D. 2015. 1819, obs. I. Gallmeister, note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 1481, édito. S. Bollée ; ibid. 1773, point de vue D. Sindres ; ibid. 1919, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2016. 674, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 857, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 915, obs. REGINE ; ibid. 1045, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2015. 496 ; ibid. 364, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Rev. crit. DIP 2015. 885, et la note ; RTD civ. 2015. 581, obs. J. Hauser.
■ Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.455 P : D. 2017. 1737, note H. Fulchiron ; ibid. 1727, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2017. 482 ; ibid. 375, point de vue F. Chénedé ; ibid. 643, Pratique P. Salvage-Gerest.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une