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Libertés fondamentales - droits de l'homme
GPA et laissez-passer consulaire
Mots-clefs : Acte de naissance étranger, Registre de l'état civil, Entrée sur le territoire, Laissez-passer consulaire, Vie privée, Maternité de substitution, Mère porteuse, Gestation pour autrui, Intérêt supérieur de l’enfant, Documents de voyage
Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, le Conseil d’État enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer, à titre provisoire, un laissez-passer consulaire à un enfant né en Arménie quand bien même sa naissance résulterait d’une convention de gestation pour autrui.
Une ressortissante française a demandé à l’ambassade de France en Arménie l’enregistrement de l’acte de naissance et la délivrance d’un laissez-passer consulaire pour un enfant né dans ce pays le 24 juin 2016. L’acte de naissance du service d’état-civil arménien mentionne qu’elle est sa mère.
Le procureur de la République de Nantes a refusé l’enregistrement de l’acte de naissance en raison de sa contrariété avec l’article 47 du Code civil. Pour ce même motif, le chef de la chancellerie de l’ambassade de France en Arménie a refusé la délivrance d’un laissez-passer consulaire pour cet enfant en estimant que sa naissance résultant d’une GPA, il n’existait adonc aucun lien de filiation entre la ressortissante française et l’enfant.
Celle-ci a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif afin qu’il soit enjoint à l’autorité administrative de délivrer les documents de voyage pour l’enfant (référé liberté : CJA, art. L. 521-2). Sa demande a été accueillie favorablement. Toutefois, le ministre des affaires étrangères a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’annuler l’ordonnance. En effet, il estime que la condition d’urgence n’est pas remplie car la ressortissante française n’ayant pas accouché de l’enfant, elle ne peut être considérée comme sa mère. Il n’y a dès lors aucune urgence à délivrer un laissez-passer consulaire à un enfant qui n’a pas la nationalité française. Le ministre soutient également qu’il n’existe aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En effet, celle-ci ne peut être caractérisée car l’article 47 du Code civil s’oppose à la reconnaissance du lien de filiation entre cette femme et l’enfant né en Arménie. Par ailleurs cette femme n’exerçant pas l’autorité parentale sur cet enfant, elle ne peut se prévaloir d’une atteinte portée à certains de ses droits.
Le juge des référés du Conseil d’État ne suit pas cette argumentation.
Concernant l’urgence, le juge justifie cette condition en estimant que les obligations professionnelles de la ressortissante française ne lui permettent pas de rester en Arménie. Il s’ensuit que l’enfant âgé d’à peine six semaines ne peut rester seul dans ce pays sans aucun proche pour s’en charger.
Concernant l’atteinte grave et illégale à une liberté fondamentale, se pose le problème de la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions. Le juge des référés du Conseil d’État rappelle que le litige soulève une question sérieuse de nationalité qui n’est pas de la compétence du juge administratif. En effet, seul le juge judiciaire est compétent pour se prononcer sur ces questions. Ainsi, la « circonstance que la conception de cet enfant aurait pour origine un contrat entaché de nullité au regard de l'ordre public français serait, à la supposer établie, sans incidence sur l'obligation, faite à l'administration par les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ».
En l’espèce, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, le ministre des affaires étrangères doit délivrer, à titre provisoire, tous les documents de voyage permettant à cet enfant de venir en France afin de ne pas être séparé de la ressortissante française qui en assume seule la charge (V. déjà : CE, réf., 4 mai 2011, n° 348778).
CE, réf., 3 août 2016, n° 401924
Références
■ Convention relative aux droits de l'enfant
Article 3
« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »
■ CE, réf., 4 mai 2011, n° 348778, Lebon ; AJDA 2011. 928 ; D. 2011. 1347, et les obs. ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; ibid. 1432, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2011. 328, obs. F. Miloudi ; AJCT 2011. 414, obs. C. Siffrein-Blanc ; RTD civ. 2011. 530, obs. J. Hauser.
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