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Droit du travail - relations collectives
Grève : attribution discriminatoire d’une prime aux non-grévistes
Mots-clefs : Grève, Discrimination, Prime, conseil de prud’hommes, Employeur, Principe d’égalité
Est discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève.
Dix-sept salariés d’une société ont participé à un mouvement de grève. L’employeur n’ayant pas versé, ou parfois tardivement, une prime exceptionnelle à ces salariés, ces derniers ont saisi le Conseil des prud’hommes en réparation du préjudice subi.
Rappelons que selon l’article L. 2511-1 alinéa 2 du Code du travail, l’exercice du droit de grève « ne peut donner lieu à aucune discrimination (…), notamment en matière de rémunération et d’avantages sociaux ».
Dans cette affaire, il était nécessaire d’apporter la preuve du caractère discriminatoire de la mesure prise par l’employeur. En vertu de l’article L. 1134-1 du Code du travail, il incombe au salarié se prétendant lésé de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement et, à l’employeur de prouver que sa décision était « justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination » (v. Soc. 23 nov. 1999 ; Soc. 26 avril 2000).
En l’espèce, la différence de traitement entre salariés reposait sur le non-versement de la prime par l’employeur aux salariés participant à la grève, quelle que soit la durée de leur implication. Après la saisine du Conseil de prud’hommes, l’employeur fit rétablir la prime pour certains salariés qui avait travaillé au moins un jour durant la période de grève. Il argua que cet avantage avait eu pour objet de compenser la charge inhabituelle de travail qui avait pesé sur les salariés non-grévistes.
Après avoir relevé la mauvaise foi de l’employeur, la demande d’annulation de la mesure discriminatoire fut retenue par le Conseil qui avait pu constater que le versement de la prime était uniquement lié à la non-participation à la grève.
La Haute Cour confirma le caractère discriminatoire de l’attribution de cette prime en rappelant qu’ « est discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève ». La Cour fait ici une application stricte du principe de non-discrimination issu des articles L. 1132-1, L. 1132-2 et L. 2511-1 alinéa 2 du Code du travail qui interdit à tout employeur de prendre en considération dans ses décisions l’appartenance ou l’exercice d’une activité syndicale par le salarié.
Soc. 1 juin 2010, n° 09-40.144
Références
« Cessation concertée et collective du travail dans le but d’appuyer une revendication professionnelle.
Formellement condamné autrefois par la doctrine et la jurisprudence, le droit de grève des fonctionnaires – sauf interdictions spéciales et limitées – est reconnu depuis la Constitution de 1946.
• Grève perlée : ralentissement de la cadence du travail sans qu’il y ait arrêt complet. La grève perlée n’est pas reconnue par la jurisprudence (il ne s’agit pas d’une grève au sens juridique).
• Grève politique : grève n’ayant pas un but professionnel, destinée à agir sur la puissance publique.
• Grève sauvage : grève déclenchée en dehors d’un mot d’ordre d’un syndicat.
• Grève de solidarité : grève faite à l’appui de revendications qui ne sont pas propres aux grévistes.
• Grève surprise : grève déclarée sans préavis, ni avertissement.
• Grève sur le tas : grève sur les lieux de travail pendant les heures de service.
• Grève « thrombose » (ou « bouchon ») : grève limitée à un service, un atelier ou une catégorie professionnelle qui paralyse l’ensemble de l’entreprise.
• Grève mixte : grève dont l’objectif ou les caractères sont à la fois professionnels et politiques.
• Grève tournante : grève qui affecte successivement divers ateliers ou diverses catégories du personnel de l’entreprise.
• Grève du zèle : mouvement de protestation qui conduit les salariés qui s’y livrent à exécuter leurs obligations de manière particulièrement scrupuleuse et même tatillonne, ce qui conduit à un ralentissement de la production. D’un point de vue juridique il ne s’agit pas d’une grève. »
« Toute distinction, exclusion ou préférence, tout traitement différent fondé sur des motifs reconnus comme discriminatoires par la loi (comme la race, la religion, le sexe, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, …), qui a pour objet ou pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession. La Convention no 111 de l’OIT prohibe la discrimination. On appelle discrimination positive le fait d’établir une différence au profit de personnes entrant dans l’une des catégories précitées, dans le seul but de rétablir une égalité socialement rompue (par ex. encourager l’emploi des femmes) ; ce type de discrimination n’est pas nécessairement prohibé.
Discrimination indirecte : distinction constatée entre des groupes identifiés de personnes, au détriment de l’un d’eux, résultant de la mise en œuvre d’une règle au contenu neutre (c’est-à-dire qui ne distingue pas entre ces groupes de personnes). La discrimination indirecte se manifeste dans le registre des effets produits une règle, alors que la discrimination directe s’intéresse aux motifs d’une règle qui établit une distinction. »
« Juridiction d’exception paritaire chargée de concilier et à défaut, de juger les litiges individuels qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail.
Chaque conseil de prud’hommes comporte cinq sections autonomes : Encadrement, Industrie, Commerce et services commerciaux, Agriculture, Activités diverses. Le conseil de prud’hommes siège en trois formations : bureau de conciliation, bureau de jugement, référé. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
« L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.
Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux.
Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. »
« Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève. »
■ Soc. 23 nov. 1999, Bull. civ. V, n° 447, D. 2000. IR. 46 ; Soc. 26 avril 2000, Bull. civ. V, n° 151, D. 2000. IR. 160.
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