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[ 12 octobre 2009 ] Imprimer

Grands systèmes de droit étrangers - droit comparé

Grippe A : une immunité presque parfaite

Mots-clefs : Grippe A, États-Unis ; Class actions, Fonds d’indemnisation

La meilleure arme contre la grippe A semble être la vaccination. Peut-être mais pas sûr, et encore moins au regard des possibles effets négatifs du vaccin au point. Cela explique la demande des fabricants américains à l’Administration de leur octroyer une immunité juridique totale.

Vous vouliez être immunisé… C’est désormais chose faite, du moins aux États-Unis. La secrétaire d’État américaine à la santé, Kathleen Sebelius, a en effet signé en juin dernier un décret accordant l'immunité aux personnes morales et physiques concernées, à tous les niveaux, par la préparation, les tests, la production, la distribution, les prescriptions, l'administration et l'utilisation du vaccin contre la grippe A (H1N1) pour 2009.

Ce texte entend prémunir les personnes visées contre les « class actions », actions judiciaires de groupe visant à la réparation des préjudices consécutifs à des accidents liés à la vaccination. Le gouvernement fédéral américain veut ainsi éviter de renouveler la situation de 1976. Le programme de vaccination de masse initié cette année là pour lutter contre une forme nouvelle de grippe porcine avait été interrompue en urgence tant le nombre d'accidents de vaccination était important et le nombre de demandes de compensation aussi.

Ayant demandé en 2009 aux entreprises de produire le plus rapidement possible un nombre considérable de vaccins, en bousculant les procédures habituelles préalables à la mise sur le marché, la secrétaire d’État américaine à la santé s’est fondée sur la loi de 2006 relative aux situations d'urgence de santé pour signer son décret. Par conséquent, les patients victimes d'effets secondaires des vaccinations ne se trouveront pas sans indemnisation, puisqu’ils pourront se retourner vers le « Vaccine Compensation Found », fonds d’indemnisation abondé, rappelle le Panorama du médecin (septembre 2009, n° 5152-5153, p. 12), par un prélèvement effectué sur le prix de chaque vaccin. Il faut cependant préciser que cette protection ne s'applique pas aux cas de mauvaise conduite volontaire. Par conséquent, l’immunité accordée aux fabricants de vaccins contre la grippe A ne jouerait pas en cas d'intention criminelle manifeste de leur part.

Pourrait-on voir une immunité totale accordée en Europe ? Cela n’est pas certain dans la mesure où une telle réponse coïncide mal avec nos traditions juridiques. Toutefois, le Code de la santé publique (art. L. 3131-3) précise que le fabricant d'un médicament ne peut être tenu pour responsable des dommages résultant de l'utilisation d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune autorisation, lorsque cette utilisation a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la Santé. Le processus de réparation conduit alors à actionner un fonds d’indemnisation qui interdit de pouvoir demander compensation devant des instances judiciaires. En France, c’est l'ONIAM qui a été chargé par le législateur de prendre en charge au titre de la solidarité nationale l'indemnisation des conséquences des mesures d'urgence prises en cas de menaces sanitaires graves par le ministre.

Ce mécanisme est légal dès lors qu’il répond à certaines exigences. Comme le souligne justement le professeur Denys de Béchillon, « il ne semble pas exister d'obstacle juridique à ce que l'acceptation d'une offre d'indemnisation dans un cadre non contentieux (par ex., lorsqu'un fonds ad hoc est institué) soit conditionnée par l'exercice d'une renonciation à l'action civile en réparation du même préjudice. Contrairement à une légende tenace, la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas condamné en son principe le mécanisme de renonciation lié aux offres d'indemnisation du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles (FITH) dans son arrêt Bellet [NDLR : CEDH 4 déc. 1995, Bellet c. France, n° 23805/94] (…). C'est seulement le manque de lisibilité et d'intelligibilité du système qui a été sanctionné, la Cour ayant considéré que les personnes intéressées n'étaient pas assez clairement informées des effets de l'acceptation de l'offre sur le maintien de leurs droits d'ester ultérieurement en justice » (D. de Béchillon, Rep. resp. puiss. pub., V° « Irresponsabilité de la puissance publique », § n°85).

Références

Class actions

« Expression anglaise traduite en français par action de groupe. »

Action de groupe

« Action visant à la réparation d’un préjudice collectif, celui subi par les consommateurs du fait de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’obligations contractuelles de la part du même professionnel, à l’occasion d’un même type de contrat relatif à une vente de produits ou une prestation de service.

L’objectif est de faciliter l’action du consommateur victime d’un préjudice personnel peu élevé, qui hésiterait pour ce motif à demander réparation.

L’action de groupe qu’une doctrine propose d’appeler « action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse » est à l’état de projet. Elle est connue dans le monde anglo-saxon, avec un schéma procédural différent, sous l’expression “ class action ”. »

 

ONIAM

« Sigle désignant l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, établissement public à caractère administratif de l’État, chargé de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des préjudices subis par le patient qui, 1°) ne mettent pas en cause la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé; 2°) sont directement imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins; 3°) entraînent pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé; 4°) dépassent un certain seuil de gravité fixée par décret. »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

Article L. 3131-3 Code de la santé publique

« Nonobstant les dispositions de l'article L. 1142-1, les professionnels de santé ne peuvent être tenus pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l'administration d'un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d'utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d'utilisation, ou bien d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune de ces autorisations, lorsque leur intervention était rendue nécessaire par l'existence d'une menace sanitaire grave et que la prescription ou l'administration du médicament a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application des dispositions de l'article L. 3131-1.

Le fabricant d'un médicament ne peut davantage être tenu pour responsable des dommages résultant de l'utilisation d'un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d'utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d'utilisation, ou bien de celle d'un médicament ne faisant l'objet d'aucune de ces autorisations, lorsque cette utilisation a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application de l'article L. 3131-1. Il en va de même pour le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché, de l'autorisation temporaire d'utilisation ou de l'autorisation d'importation du médicament en cause. Les dispositions du présent alinéa ne les exonèrent pas de l'engagement de leur responsabilité dans les conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament. »

CEDH 4 déc. 1995, Bellet c. France, n° 23805/94, D. 1996. 357, note M. Collin-Demunieux et D. 1997. 205, obs. S. Perez.

 

Auteur :E.R.

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