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Droit des personnes
Habilitation familiale : précisions sur les pouvoirs du juge saisi
Mots-clefs : Civil, Personnes, Majeurs protégés, Mesures de protection judiciaire, Habilitation familiale, Autonomie, Juge des tutelles, Pouvoirs, Limites
Lorsque le juge des tutelles est saisi d'une demande d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire comme une tutelle, il n'est pas autorisé à y substituer une mesure d'habilitation familiale.
Depuis le 1er janvier 2016, lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté pour l’une des causes prévues à l’article 425 du Code civil, le juge des tutelles des majeurs peut, évitant ainsi d’ordonner une mesure plus contraignante de protection judiciaire, habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, ses frères et sœurs ou, sous la réserve que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel la personne à protéger est liée par un pacte civil de solidarité ou son concubin, à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 494-2 à 494-12 du Code civil et à celles des articles 1984 à 2010 du même code (se rapportant au mandat), qui ne leur sont pas contraires, afin d'assurer la sauvegarde de ses intérêts (C. civ., art. 494-1).
Cette procédure, régie par les articles 494-1 et suivants du Code civil, relève de la compétence du juge des tutelles. Mais la question inédite soulevée par la décision rapportée se posait dans les termes suivants : le juge des tutelles, initialement saisi d’une demande d’ouverture d’une mesure de protection judiciaire peut-il, si une demande d’ouverture d’une habilitation familiale lui est parallèlement adressée, mettre en place la seconde plutôt que la première ? La Haute Cour vient, dans des termes on ne peut plus clairs, d’y apporter une réponse fermement négative.
En l'espèce, un juge des tutelles, saisi par le procureur de la République d'une demande de protection judiciaire (Sous un angle procédural, rappelons que le procureur de la République peut saisir le juge des tutelles lorsqu'aucun membre de la famille au sens large n'a pu le saisir valablement, C. civ., art. 430, al. 2), avait placé une femme sous tutelle et désigné un mandataire judiciaire en qualité de tuteur. La fille de la personne protégée avait interjeté appel de cette décision pour demander l’ouverture d’une habilitation familiale à l’effet, dans ce cadre, de représenter sa mère. La cour d’appel refusa de procéder à cette substitution de mesure en considérant, pour justifier le maintien de la mise sous tutelle, que « la représentation de la majeure protégée devait être globale et totale ». La fille de la majeure protégée forma un pourvoi en cassation, invoquant la possibilité pour le juge de délivrer une habilitation familiale générale, et non pas seulement spéciale, laquelle suffirait, dans les circonstances de l’espèce, à protéger les intérêts de sa mère (C. civ., art. 494-6, al. 3). La première chambre civile de la Cour de cassation rejette son pourvoi au motif que la cour d'appel ne pouvait ordonner une mesure d'habilitation familiale dans la mesure où le juge des tutelles avait été initialement saisi par le procureur de la République d'une requête aux fins d'ouverture d'une tutelle, se trouvant ainsi privé de la possibilité de lui substituer une mesure d’habilitation familiale.
Cette décision souligne la spécificité de cette récente procédure qu’est l’habilitation familiale, laquelle ne peut et ne doit être confondue avec une mesure de protection judiciaire, comme une tutelle, quoiqu’elle requière également l’intervention du juge des tutelles pour être ordonnée principalement, l'accomplissement de certains actes par la personne habilitée nécessitant par ailleurs son autorisation. En effet, la procédure à suivre dans le cadre de l’habilitation familiale est très proche de celle à suivre pour mettre en place les mesures de protection judiciaires classiques, comme la curatelle ou la tutelle, la grande différence entre l’habilitation familiale et les autres mesures de protection judiciaires étant qu’en principe, une fois la décision d’habilitation rendue, le juge des tutelles n’a plus en principe à intervenir (C. civ., art. 494-6), délégant la protection de la personne vulnérable à sa famille. L’objectif poursuivi est ainsi clairement celui d’une simplification de l’organisation de la protection de la personne vulnérable, d’un encouragement en faveur des familles unies à assurer celle-ci de manière dé-judiciarisée et donc, in fine, d’un désengorgement des tribunaux.
La décision rapportée rappelle et confirme cette particularité en consacrant l’autonomie des différentes procédures désormais existantes. En ce sens, la Haute Cour affirme ici l’impossibilité de substituer une mesure d’habilitation familiale à une mesure de protection judiciaire ; à l’inverse, si un juge des tutelles était saisi d’une demande d’habilitation familiale, générale ou spéciale, il ne pourrait pas prononcer l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire à la place. En cas de refus d’une demande d’habilitation familiale, le juge devra être ultérieurement saisi, le cas échéant, d’une demande d’ouverture d’un des trois dispositifs de protection plus contraignants.
Ainsi aurait-il fallu, dans le cas de l'espèce, que la fille de la personne protégée demandât la mainlevée de la mesure de tutelle pour ensuite solliciter l'habilitation familiale. Par la clarté comme la fermeté de la solution ainsi posée, la décision rapportée réduit ainsi le risque qu’une mauvaise connaissance de l’autonomie des différentes procédures pourrait poser, en pratique, en aboutissant au résultat inverse à celui recherché, l’engorgement des tribunaux causé par la multiplication des démarches mal engagées par les familles.
Civ. 1re, 20 déc. 2017, n° 16-27.507
Référence
■ Fiches d’orientation Dalloz : Habilitation familiale et Tutelles
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