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Droit des personnes
Habilitation familiale : transposition au représentant des actes interdits au tuteur
L'article 494-6 du code civil ne confère pas au juge le pouvoir de délivrer une habilitation familiale en représentation pour les actes visés à l'article 509 du code civil et, a fortiori, celui d'autoriser la personne habilitée en représentation à accomplir ces actes.
Cass. avis, 20 oct. 2022, n° 22-70.011
« Lorsqu’une personne est dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté », le juge des tutelles peut désigner un de ses proches pour la « représenter », « l’assister » ou pour « passer un ou des actes en son nom » (C. civ., art. 494-1). Tel est l’objet de l’habilitation familiale, instituée par l’ordonnance n° 2005-1288 du 15 octobre 2015 (Ordonnance portant simplification et modernisation du droit de la famille ; applicable depuis le 1er janvier 2016, l’ordonnance a été ratifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 relative à la modernisation de la justice du XXIè siècle) pour décharger le juge et déléguer la protection de la personne vulnérable aux familles, sans qu’il soit besoin de prononcer une mesure de protection judiciaire. Malgré sa nature conventionnelle, cette mesure nécessite, comme pour les mesures judiciaires, une intervention du juge, qui la met en place dans le respect des principes de nécessité et de subsidiarité (C. civ., art. 494-2) et pour une durée limitée (10 ans maximum, renouvelable, art. 494-6). Mais une fois la personne désignée pour l’habilitation familiale, le juge n’intervient plus, contrairement aux mesures judiciaires. Comme pour les autres mesures conventionnelles, « il s’agit de donner effet aux accords intervenus au sein de la famille pour assurer la préservation de l’un de ses membres » (Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 15 oct. 2015, JO 16 oct.). En revanche, à la différence du mandat de protection future, le majeur protégé est frappé d’une incapacité (variable) et ne choisit pas la personne chargée de sa protection. Lorsque l’habilitation familiale repose, comme en cas de tutelle, sur la technique de la représentation et qu’elle s’étend à tous les actes du majeur protégé, la question du périmètre des pouvoirs de la personne habilitée se pose. En effet, en matière patrimoniale, la loi prévoit qu’en présence d’une habilitation générale avec représentation, le représentant a davantage de pouvoir que le tuteur : il gère l’ensemble du patrimoine du majeur, sans qu’une distinction soit faite entre les actes d’administration et de disposition. Seuls certains actes sont soumis à autorisation judiciaire. Ce n’est qu’en cas d’habilitation spéciale que le juge fixe, comme en cas de tutelle, le ou les actes que le représentant peut accomplir avec ou sans son autorisation (art.494-6, al.1). Dès lors, on comprend que la question de la transposition au représentant des actes interdits au tuteur, dans le cas d’une habilitation familiale générale, fut soumise à la Cour de cassation dans la demande d’avis ici rapportée.
En l’espèce, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes, statuant en qualité de juge des tutelles, était saisi, par une personne habilitée à représenter une majeure protégée par une mesure d’habilitation familiale pour tous les actes relatifs à sa personne et ses biens, d'une requête aux fins de renoncer, au nom de celle-ci, à la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie souscrit par son conjoint décédé. Estimant que la question de droit était nouvelle, présentait une difficulté sérieuse et était susceptible de se poser dans de nombreux litiges, le juge a adressé à la Cour de cassation une demande d’avis formulée ainsi : « Les actes interdits en matière de tutelle, prévus par l'article 509 du code civil, sont-ils transposables en matière d'habilitation familiale générale par représentation, notamment à la lumière de l'article 494-6 du code civil ? ».
La Cour de cassation y répond par l’affirmative. Après avoir rappelé les dispositions de l’article 494-6 du code civil, dont résulte notamment la règle selon laquelle l'habilitation ne peut porter que sur les actes que le tuteur peut accomplir, seul ou avec une autorisation, elle en tire la conséquence suivante : cette mesure de protection ne peut porter sur les actes interdits au tuteur, même avec une autorisation, lesquels sont énoncés à l'article 509 du code civil dans une liste recensant soit des actes dangereux pour le patrimoine de la personne protégée, telle l’aliénation gratuite de ses biens, soit des actes marquant une opposition d’intérêts du tuteur et du majeur protégé, tel l’achat par le tuteur d’un bien de son pupille.
C’est pourquoi la Cour ajoute que la nécessité, pour la personne habilitée, d'obtenir l'autorisation du juge pour accomplir en représentation un acte de disposition à titre gratuit ou, à titre exceptionnel et lorsque l'intérêt de la personne protégée l'impose, un acte pour lequel elle serait en opposition d'intérêts avec celle-ci, ne lui confère pas le pouvoir d'agir en dehors des limites ainsi fixées.
En conséquence, selon la Cour de suprême, l'article 494-6 du code civil ne confère pas au juge le pouvoir de délivrer une habilitation familiale en représentation pour les actes interdits par l'article 509 du code civil et, a fortiori, celui d'autoriser la personne habilitée en représentation à accomplir ces actes.
Ce qui revient à tempérer l’idée selon laquelle l’habilitation serait « une tutelle adoucie, en la forme et le fond » (G. Raoul-Corneil, D.2015.2335).
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