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Droit pénal général
Harcèlement moral : éléments constitutifs du délit
Mots-clefs : Harcèlement moral, Délit, Éléments constitutifs, Agissements répétés, Nature identique ou différente, Intention de nuire (non), Dégradation des conditions de travail
Constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés même de nature identique ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.
En l'espèce, une salariée prétendait avoir subi de la part de plusieurs membres du personnel de l’hôpital où elle exerçait à titre d’aide-soignante un harcèlement moral, par des agissements répétés consistant dans une mise à l’isolement, ainsi que des attitudes menaçantes et vexatoires ayant conduit à sa mise à l’écart par son employeur. Le tribunal correctionnel avait dit la prévention établie en retenant, notamment, la mise à l’isolement accompagnée d’un comportement général comprenant des actes diversifiés et réitérés, l’ensemble ayant pour conséquence la dégradation des conditions de travail de la victime pouvant porter atteinte à son intégrité physique et psychologique. Les prévenus, le ministère public et la victime avaient relevé appel de cette décision. Pour infirmer le jugement et débouter la partie civile de ses demandes, la cour d’appel énonça d’une part que pour constituer le délit reproché, cet agissement du même type qui a perduré devait être conforté par d’autres agissements de nature différente et, d’autre part, qu’il n’était pas établi que cette décision de mise à l’écart prise par l’employeur, et à laquelle ont participé les autres prévenus, ait eu initialement pour objet ou effet d’attenter à la dignité et à la santé de la salariée. Comme c’était prévisible, la censure est prononcée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, au visa des articles 222-33-2 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale (V. dans le même sens Crim. 2 oct. 2012, n° 11-82.239).
Selon la Haute juridiction, les faits constatés par les juges d'appel suffisaient à établir l'existence d’agissements répétés au sens du délit de harcèlement moral, leur reprochant ainsi d’avoir ajouté à la loi des conditions qu’elle ne comporte pas. En effet, l’article 222-33-2 du Code pénal exige seulement, pour que le délit soit constitué, que les faits dénoncés présentent un caractère de répétition. Si les faits ponctuels ne sont pas punissables, la différence de nature des faits reprochés est, en revanche, indifférente. Autrement dit, une succession de faits de nature identique suffit à la caractérisation de cet élément de l'infraction, lequel peut tout aussi bien, cependant, résulter de la somme de plusieurs actes différents. Le seul critère posé est celui de la réitération des actes d’harcèlement. En outre, rappelant qu'il suffit que les agissements reprochés au prévenu aient eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, le juge du droit réaffirme le caractère formel du délit de harcèlement dénié par les juges du fond (En ce sens, V. également, Crim. 28 mai 2013, n° 12-81.468). En effet, la définition légale du harcèlement moral vise des agissements ayant « pour objet ou pour effet ». Pour les premiers, il y a effectivement intention de harceler mais pour les seconds, le harcèlement est seulement une conséquence des agissements. Il n’est donc pas intentionnellement recherché par son auteur. L’intention de nuire ne peut donc être un élément constitutif de l’infraction. C’est la raison pour laquelle dans un arrêt du 10 novembre 2009, la Cour de cassation a clairement affirmé que le harcèlement moral ne nécessite pas d’intention de nuire de la part de l’auteur des faits (Soc., n° 08-41.497). Enfin, s’agissant des auteurs de l’infraction, la loi ne les prédétermine pas car le harcèlement peut tout aussi bien provenir d’un supérieur hiérarchique que d’un collègue de travail ou d’un collaborateur. Le harcèlement peut, en effet, être vertical, horizontal ou ascendant. En pratique, les situations de harcèlement moral entre un employeur (ou un responsable hiérarchique) et un salarié sont les plus fréquentes, mais les cas de harcèlements horizontaux se révèlent, comme en témoigne la décision rapportée, également courants.
Crim., 26 janv. 2016, n° 14-80.455
Références
■ Crim. 2 oct. 2012, n° 11-82.239.
■ Crim. 28 mai 2013, n° 12-81.468 P, AJ pénal 2013. 544, obs. L. Priou ; Dr. soc. 2014. 137, chron. R. Salomon.
■ Soc. 10 nov. 2009, n° 08-41.497 P, D. 2009. 2866, obs. S. Maillard ; Dr. soc. 2010. 110, obs. C. Radé ; RDT 2010. 39, obs. F. Géa.
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