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Droit pénal général
Harcèlement sexuel : application dans le temps de la nouvelle incrimination
Mots-clefs : Harcèlement sexuel, Agression sexuelle, Application de la loi pénale dans le temps, Loi pénale nouvelle
La chambre criminelle casse et annule la condamnation d’un prévenu pour harcèlement sexuel car les juges du fond ont omis de dater les faits reprochés et empêché la Cour de cassation de vérifier qu’ils avaient bien été commis après l’entrée en vigueur de la nouvelle incrimination.
En l’espèce, un individu avait été poursuivi pour harcèlement sexuel à l’encontre de trois de ses collègues de travail. Il fut condamné par les juges du fond à six mois d’emprisonnement et 1500 euros d’amende pour avoir tenu des propos ou adopté des comportements revêtant une connotation sexuelle (pression sur la première pour obtenir des faveurs sexuelles ; proposition faite à la deuxième d’avoir un rapport sexuel à la cave ; rétribution de nature sexuelle réclamée à la troisième).
Saisie du pourvoi formé par le prévenu, la chambre criminelle casse et annule l’arrêt d’appel au visa des articles 112-1 et 222-33, I, du Code pénal. Le premier de ces textes concerne l’application de la loi pénale dans le temps et dispose que « sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ». Le second définit le harcèlement sexuel comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » ; on précisera que cette définition est issue de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, entrée en vigueur le 8 août, qui est venue combler le vide législatif créé par l’abrogation de l’ancien article 222-33, jugé contraire au principe de légalité (faute de définir avec suffisamment de précision les éléments constitutifs de l’infraction) et déclaré contraire à la Constitution (Cons. const., 4 mai 2012, M. Gérard D., n° 2012-240 QPC).
Dans notre affaire, la Haute juridiction estime que la cour d’appel, en retenant contre le prévenu des propos ou comportements à connotation sexuelle sans tous les dater, « n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier que ceux qu’elle a pris en compte ont été commis à partir du 8 août 2012 », et ce « alors que l’article 222-33 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, a été abrogé à compter du 5 mai 2012 et que deux des victimes ont été employées du mois de mars 2012 au mois d’octobre 2013, soit pour partie avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 incriminant à nouveau le harcèlement sexuel ».
On signalera que le prévenu avait soulevé, dans le cadre de ce litige, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la nouvelle définition du harcèlement sexuel, arguant du défaut de précision de la nouvelle incrimination et de l’impossibilité de savoir si ce délit est une infraction d’habitude (supposant la répétition de l’acte) ou une infraction continue (perdurant dans le temps). Mais la chambre criminelle a décidé, par un arrêt du 25 mai 2016, de ne pas transmettre la question, jugée non sérieuse, « dès lors que le I de l’article 222-33 du code pénal, qui exige la répétition des propos ou comportements à connotation sexuelle, rédigé en des termes suffisamment clairs et précis pour que l’interprétation de ce texte, qui entre dans l’office du juge pénal, puisse se faire sans risque d’arbitraire ».
On précisera que le législateur a instauré en 2012 deux formes de harcèlement sexuel – une forme simple et une forme d’habitude (pour une critique, V. Rép. pén. Dalloz, v° Harcèlement, n° 28) – puisqu’il incrimine, d’une part, « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante » (I) et, d’autre part, « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
Crim. 16 nov. 2016, n° 16-82.377
Références
■ Crim. 25 mai 2016, n° 16-82.377.
■ Cons. const., 4 mai 2012, M. Gérard D., n° 2012-240 QPC, Dalloz actualité, 10 mai 2012, obs. M. Bombled ; D. 2012. 1372, note S. Detraz ; AJ pénal 2012. 482, obs. J.-B. Perrier ; RSC 2012. 371, obs. Y. Mayaud ; ibid. 380, obs. A. Cerf-Hollender.
■ Rép. pén. Dalloz, v° Harcèlement, par P. Mistretta.
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