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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Hébergement d’urgence des étrangers et de leur famille et dignité de la personne humaine
DAE propose un point sur l’hébergement d’urgence et plus précisément sur la possibilité d’héberger d’urgence des étrangers sous OQTF ou dont la demande d’asile a été rejetée.
■ L’hébergement d’urgence
Les mesures d’aide sociale en matière d’hébergement sont des dépenses à la charge de l’État (CASF, art. L. 121-7, 8°). Si l’État dispose de nombreuses compétences dans ce domaine, les départements ont la charge de l’hébergement d’urgence au titre de l’aide sociale à l’enfance (CASF, art. L. 222-5 : mineurs, femmes enceintes et les mères isolées sdf avec leurs enfants de moins de 3 ans, majeurs de moins de 21 ans …, V. CE 26 avr. 2018, n° 407989 ; CE 1er juill. 2020, n° 425528).
Sous l'autorité du préfet, chaque département doit mettre en place, un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse (CASF, art. L. 345-2). En Ile-de-France, ce dispositif est mis en place à la demande et sous l'autorité du représentant de l'Etat dans la région sous la forme d'un dispositif unique (CASF, art. L. 345-2-1).
Le dispositif d’hébergement d’urgence doit être accessible à toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Il doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure, centre d'hébergement et de réinsertion sociale, hébergement de stabilisation, pension de famille, logement-foyer, etc., susceptible de lui apporter l'aide justifiée par son état (CASF, art. L. 345-2-2).
Dans une décision du 10 février 2012 (n° 356456), le juge des référés du Conseil d’État a reconnu que le droit à l’hébergement d’urgence constituait une liberté fondamentale. Ainsi, une carence caractérisée dans la mise en œuvre de ce droit, qui incombe aux autorités de l'État, constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne. Toute personne sans-abri qui ne parvient pas à obtenir un hébergement peut saisir le juge des référés pour se prévaloir de ce droit dans le cadre d'un référé liberté mais l'État n'a qu'une obligation de moyens en la matière, ce droit doit notamment être apprécié au regard des moyens dont dispose l'administration, le juge prend également en compte l'âge, l'état de santé et la situation de famille de la personne intéressée.
■ Les étrangers et l’hébergement d’urgence
Les étrangers en situation régulière ou en demande de régularisation ont droit au dispositif d’hébergement d’urgence (V. par. ex. : CE, réf., 10 janv. 2023, n° 470122 : ressortissante ivoirienne ayant obtenu le statut de réfugiée sans abri avec 3 enfants de 10, 13 et 15 ans, dont l’un est gravement malade).
La France a d’ailleurs été condamnée, le 8 décembre 2022 par la Cour européenne des droits de l'homme (n°s 34349/18, 34638/18 et 35047/18) pour sa passivité à mettre à exécution des décisions du juge des référés du tribunal administratif enjoignant de mettre à l'abri, au titre de l'hébergement d'urgence, des demandeurs d'asile et leur famille.
En principe, les étrangers qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui doivent quitter le territoire ne peuvent pas bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence. Toutefois, le juge des référés a précisé qu’il en allait différemment en cas de « circonstances exceptionnelles ». Ainsi, le juge se doit d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée (CE, réf., sect., 13 juill. 2016, n° 400074 ; CE, réf., 13 juill. 2016, n° 399829).
Il convient de noter que le juge des référés vient d’étendre le principe inconditionnel de l’accueil en hébergement d’urgence pour les étrangers sous OQTF ou déboutés du droit d'asile (CE, réf., 22 déc. 2022, n° 458724). Le droit à l’hébergement d’urgence revêt désormais un caractère universel (si les ressortissants étrangers qui font l'objet d'une OQTF ou dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui doivent ainsi quitter le territoire n'ont, en principe, pas vocation à bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence, ils relèvent néanmoins du champ d'application des dispositions de l'art. L. 345-2-2 du CASF : décision préc.., consid. 7.). Toutefois, le seul fait qu’un étranger n’ait pas pu bénéficier d’un hébergement d’urgence en raison de la carence de l’État ne suffit pas à faire constater l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, il devra faire valoir des circonstances « exceptionnelles ».
Ainsi, par exemple, un couple sans abri, avec un bébé de 5 mois, alors même qu'il était, à la date de l'ordonnance attaquée en situation irrégulière, doit être regardé comme se trouvant en situation de détresse sociale au sens des dispositions de l'art. L. 345-2-2 du CASF. Eu égard à la situation particulière de cette famille qui, compte tenu de l'âge de l'enfant et des conditions climatiques, la place sans doute possible parmi les familles les plus vulnérables, l'absence d'hébergement d'urgence constitue une carence caractérisée dans l'accomplissement de la mission confiée à l'État qui peut entraîner, notamment en période hivernale, des conséquences graves pour l'enfant. Dans les circonstances de l'espèce, cette situation fait ainsi apparaître, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale (CE, réf., 16 janv. 2023, n° 470178).
Références
■ CE 1er juill. 2020, n° 425528 B : AJDA 2021. 97, note Vianney Cavalier ; ibid. 2020. 1391
■ CE 26 avr. 2018, n° 407989 B : AJDA 2018. 945 ; AJCT 2018. 454, obs. S. Defix ; ibid. 2019. 325, étude A. Lapray
■ CE 10 févr. 2012, n° 356456 B : AJDA 2012. 295 ; ibid. 716, note A. Duranthon ; D. 2012. 555; ibid. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJDI 2012. 444 ; ibid. 411, étude R. Piastra ; ibid. 2013. 489, étude F. Zitouni
■ CE, réf., 10 janv. 2023, n° 470122
■ CEDH 8 déc. 2022, n°s 34349/18, 34638/18 et 35047/18 : AJDA 2022. 2440
■ CE, réf., sect., 13 juill. 2016, n° 400074 B : AJDA 2016. 1477 ; ibid. 2162, note H. Rihal ; AJCT 2016. 636 ; ibid. 2017. 319, étude C. Teixeira
■ CE, réf., 13 juill. 2016, n° 399829 : AJDA 2016. 1477 ; AJCT 2016. 636
■ CE, réf., 22 déc. 2022, n° 458724 B : AJDA 2023. 13
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