Actualité > À la une

À la une

[ 4 novembre 2016 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Hépatite B : prise en charge de la lésion au titre de la législation professionnelle

Mots-clefs : Vaccination obligatoire, Hépatite B, Accident du travail, Maladie professionnelle, Conditions, Causalité, Présomption d’imputabilité, Employeur, Exonération, Cause étrangère

L’altération de la santé d’un salarié consécutive à une vaccination obligatoire en raison de son emploi est un accident du travail couvert par la législation professionnelle.

Une sage-femme, exerçant en qualité de salariée d’une clinique, avait déclaré une affection consécutive à plusieurs vaccins que son emploi lui imposait de se faire injecter. La caisse primaire d'assurance maladie ayant pris en charge cette affection au titre de la législation professionnelle, la clinique avait saisi une juridiction de sécurité sociale aux fins de contester l'imputation à son compte des conséquences financières de cette décision. Pour juger la décision de prise en charge de l'accident de la victime inopposable à la clinique, la cour d’appel retint que bien que l'expert en charge du dossier eût établi un rapport direct entre les lésions de la victime et les vaccinations effectuées à une période où celle-ci était salariée de la clinique en qualité de sage-femme et où la vaccination contre l'hépatite B était imposée à tous les établissements de santé, en sorte que c’était bien en raison de l'emploi qu'elle occupait à la clinique que la victime avait été vaccinée, celle-ci n'avait néanmoins pas été vaccinée dans le cadre de la clinique, mais par son mari médecin. Or la circonstance que ce dernier ait procédé à une sur-vaccination de son épouse, en dépit des mentions de son carnet de santé établissant qu’au regard des vaccinations antérieures et de la littérature médicale, celle-ci était déjà immunisée contre le virus de l'hépatite B, est totalement étrangère au travail. Cette analyse est désavouée par la Cour, reprochant aux juges du fond d’en avoir ainsi jugé alors que la preuve n'était pas rapportée de ce que l'accident avait une cause totalement étrangère au travail dès lors qu’ils avaient caractérisé le lien entre la lésion subie par la salariée et la vaccination contre l'hépatite B imposée dans le cadre de son emploi. 

En matière de vaccination, l’une des questions susceptibles de se poser est celle de savoir si les effets secondaires d'une telle pratique peuvent être couverts au titre de la législation professionnelle par une caisse de sécurité sociale. La jurisprudence l'a admis plusieurs fois, à propos notamment de scléroses en plaque (V. par ex., Civ. 2e, 14 sept. 2006, n° 04-30.642) mais l'a aussi, parfois, refusé (V. par ex., Civ. 2e, 9 juill. 2009, n° 08-14.493)

Comme le rappelle la décision rapportée, la législation sur les vaccinations obligatoires ne fait pas par principe obstacle à l'action afférente à un accident du travail (V. déjà Civ. 2e, 22 mars 2005n° 03-30.551). Le problème soumis en l'espèce à la Cour était de savoir si l'altération de la santé de la salariée à la suite d'une vaccination accomplie en raison de son travail pouvait être couverte au titre de la législation professionnelle. La réponse positive de la Cour ne surprend pas, étant donné l'existence d’une présomption d'imputabilité du dommage à l’employeur (Civ. 2e, 10 déc. 2009, n° 08-20.539). De surcroît, la jurisprudence retient une définition large de l'accident du travail, entendu comme un événement, ou une série d'événements, qui se sont produits à des dates précises par le fait ou à l'occasion du travail ayant provoqué une lésion corporelle, peu important la date où cette dernière est apparue (Civ. 2e, 10 déc. 2009, n° 08-20.539). En l'espèce, deux circonstances étaient de nature à faciliter la tâche de la victime. D'une part, le rapport de l'expert technique avait caractérisé le lien entre les soucis de santé de la salariée et les vaccinations qu’elle avait reçues quelques années auparavant. D'autre part, la vaccination contre l'hépatite B avait été imposée dans le cadre de l'emploi. Même si l'existence d'une intervention extérieure était démontrée (les injections ayant été effectuées par le mari de la victime), elle ne pouvait suffire à renverser la présomption d'imputabilité, laquelle ne peut être détruite que par la preuve d’une cause étrangère ; en effet, les modalités suivant lesquelles les vaccins avaient été administrés laissaient subsister le fait que la vaccination était survenue en raison du travail. En approuvant ce raisonnement, la Cour de cassation a estimé que la pathologie de la salariée devait être couverte au titre de la législation professionnelle. Concrètement, « les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail » (Soc. 13 févr. 2003, n° 01-20.972). Certains arrêts se sont parfois montrés restrictifs. Il a été jugé que la paralysie consécutive à une piqûre faite au cours d'un traitement antirabique ne pouvait être indemnisée au titre de la législation professionnelle, l'affection n'étant pas inscrite à l’époque des faits sur le tableau des maladies professionnelles et ne présentant pas le caractère d'un accident du travail en l'absence de toute agression, en relation directe avec le travail, d'un agent extérieur à l'organisme de la victime (Soc. 7 févr. 1973, n° 72-11.283). Mais il en va depuis longtemps autrement lorsque la vaccination subie par le salarié est un acte médical imposé par l'emploi (Civ. 2e, 25 mai 2004, n° 02.30-981. Civ. 2e, 1er juill. 2003, n° 02-30.576). En revanche, lorsque le salarié a reçu de sa propre initiative, alors qu'il ne se trouvait pas sous la dépendance de son employeur, une vaccination facultative, les juges sont fondés à en déduire que les troubles invoqués ne peuvent être couverts au titre des accidents du travail (Soc. 11 mai 2000, n° 98-15.632). Il en va de même lorsque la preuve du lien de causalité entre la lésion et la vaccination ne peut être rapportée, notamment si la date exacte des premières manifestations de la maladie est indéterminée ou si l'expert a conclu sans ambiguïté qu'il est impossible d'affirmer que l'affection devait être rattachée à la vaccination contre l'hépatite B reçue par le salarié (Civ. 2e, 2 nov. 2004, n° 03-30.352).

Civ. 2e, 6 octobre 2016, n° 15-25.924

Références

■ Civ. 2e, 14 sept. 2006, n° 04-30.642RDSS 2007. 281, note S. Fantoni-Quinton.

■ Civ. 2e, 9 juill. 2009, n° 08-14.493.

■ Civ. 2e, 22 mars 2005, n° 03-30.551 P, D. 2005. 2053, obs. E. Chevrier, note Y. Saint-Jours ; RDSS 2005. 506, obs. P.-Y. Verkindt.

■ Civ. 2e , 10 déc. 2009, n° 08-20.539.

■ Soc. 13 févr. 2003, n° 01-20.972.

■ Soc. 7 févr. 1973, n° 72-11.283 P.

■ Civ. 2e, 25 mai 2004, n° 02.30-981 P.

■ Civ. 2e, 1er juill. 2003, n° 02-30.576 P, D. 2004. 906, note M. Huyette.

■ Soc. 11 mai 2000, n° 98-15.632.

■ Civ. 2e, 2 nov. 2004, n° 03-30.352.

 

Auteur :M. H.


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr