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[ 9 février 2022 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Histoires de passes : la difficile conciliation entre l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de respect des droits et libertés garantis par la Constitution

Si le Conseil constitutionnel valide le passe vaccinal, il émet toutefois deux réserves et déclare contraire à la Constitution les dispositions sur l’obligation d’un passe sanitaire pour assister aux meetings politiques.

Cons. const. 21 janvier 2022, Loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, n° 2022-835 DC

Pour rappel, en France, depuis le 7 juin 2021, un passe peut être exigé selon les endroits. Après avoir été sanitaire pour tous (à partir de 12 ans), le passe est devenu vaccinal depuis le 24 janvier 2022 pour toutes les personnes de 16 ans et plus (L. n° 2022-46 du 22 janv. 2022).

DAE vous propose un point sur les principales dispositions de la loi soumises au Conseil constitutionnel. 

■ Conformité sous réserve des dispositions subordonnant l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un « passe vaccinal ».

Afin de vérifier ces dispositions à la conformité de la Constitution, le Conseil constitutionnel a mis en balance l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé (Préamb. Const. 1946, al. 11avec notamment le principe de la liberté d'aller et de venir (DDH, art. 2 et 4).

Après avoir constaté que même si les dispositions contestées limitent l'accès à certains lieux et portent donc atteinte à la liberté d'aller et de venir, le Conseil considère qu’elles ont vocation à lutter contre l'épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination et donc à poursuivre l’objectif de protection de la santé.

Toutefois, le Conseil constitutionnel émet une réserve : la possibilité, pour certaines activités d’exiger dans certains cas la présentation cumulée d'un justificatif de statut vaccinal et d’un test PCR négatif (examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19), ne peut s'appliquer aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux.

Enfin, il convient de noter que ces restrictions sont limitées dans le temps puisque la possibilité de recourir aux passes sanitaire et vaccinal ne peut s’appliquer que pendant la période permettant de déclarer l’état d’urgence sanitaire, soit le 31 juillet 2022.

■ Conformité sous réserve des dispositions exigeant la production d'un document officiel lors du contrôle de la détention du « passe vaccinal » et du « passe sanitaire »

La loi permet aux professionnels (comme les cafetiers ou les restaurateurs), contrôlant le passe qui ont des raisons sérieuses de penser que le document présenté ne se rattache pas à la personne qui le présente, de demander la production d’un document officiel comportant sa photographie (carte d’identité, permis de conduire, …). Ils procèdent ainsi à la vérification de la concordance entre les éléments d'identité mentionnés sur ces documents. Ces dispositions ne délèguent pas à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits (DDH, art. 12).

Le législateur a également voulu assurer l'effectivité de l'obligation de détention d'un passe vaccinal ou sanitaire pour l'accès à certains lieux. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé (Préamb. Const. 1946, al. 11).

Enfin, ne méconnait pas le droit au respect de la vie privée (DDH, art. 12) le fait de procéder à la vérification d’identité pour les personnes autorisées à demander la production d'un tel document. Elles ont interdiction de le conserver ou de le réutiliser sous peine de sanctions pénales.

Toutefois, le Conseil constitutionnel émet une réserve sur la vérification d’identité, celle-ci doit être réalisée uniquement lorsqu’il y a un doute sérieux sur l’identité du passe : la mise en œuvre des dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi (DDH, art. 6), s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes

■ Non-conformité des dispositions permettant de subordonner l'accès à une réunion politique à la présentation d'un « passe sanitaire » :

Le législateur a permis à la personne responsable de l'organisation d'une réunion politique d'en subordonner l'accès à la présentation d'un passe sanitaire (résultat négatif d'un examen de dépistage virologique ou justificatif de statut vaccinal ou certificat de rétablissement à la suite d'une contamination).

Le juge constitutionnel met en balance l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé (Préamb. Const. 1946, al. 11) avec le droit au respect de la vie privée (DDH, art. 2) et le droit d'expression collective des idées et des opinions (DDH, art. 11). Il en déduit que ces dispositions n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées.

En effet, si le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé (permettre que soit subordonné à la présentation d'un « passe sanitaire » l'accès à des réunions qui présentent un risque accru de propagation de l'épidémie du fait de la rencontre ponctuelle d'un nombre important de personnes susceptibles de venir de lieux éloignés), il n’a toutefois pas soumis l'édiction de telles mesures par l'organisateur de la réunion politique ni à la condition qu'elles soient prises dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

Les responsables des réunions politiques peuvent toutefois prendre les mesures de précaution sanitaire utiles, comme la limitation du nombre de participants, la distribution de masques ou l'aération des salles.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont


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