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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Histoires de voile à la crèche, à la CPAM, de règlement intérieur et de licenciement
Mots-clefs : Foulard islamique, Voile, Licenciement, Laïcité, Liberté religieuse, Organisme de droit privé, Mission de service public, Règlement intérieur
Le 19 mars 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts concernant les licenciements de salariées portant un foulard islamique. Si le premier concerne la très médiatique affaire de la crèche Baby Loup qui annule le licenciement d’une salariée d’une crèche privée, il convient également de retenir que le second arrêt précise pour la première fois que les principes de neutralité et de laïcité du service public s’appliquent à l’ensemble des services publics même quand ils sont assurés par des organismes de droit privé.
■ Le voile porté par une salariée d’une crèche privée (n° 11-28.845)
La Cour de cassation rappelle le droit applicable concernant l’application du principe de laïcité dans une entreprise privée. Une crèche privée, investie d’une mission d’intérêt général, n’est pas une personne privée gérant un service public, dès lors le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution ne peut être invoqué pour priver les salariés de la protection des dispositions du Code du travail. « Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché » (V. C. trav. L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1133-1 et L. 1321-3).
En l’espèce, une éducatrice de jeunes enfants de la crèche privée associative Baby Loup était revenue voilée à la suite d’un congé parental. Elle a été licenciée pour faute grave au motif, notamment, qu’elle avait contrevenu aux dispositions du règlement intérieur. Or, selon la chambre sociale de la Cour de cassation, une clause de ce règlement intérieur qui prévoit que : « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », instaure une restriction générale et imprécise qui ne répond pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du Code du travail. Le licenciement, en application de cette clause, est prononcé sur un motif discriminatoire. Il doit dès lors être déclaré nul.
■ Le voile porté par une salariée d’un organisme de droit privé assurant une mission de service public (n° 12-11.690)
Selon le règlement intérieur de la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, est interdit : « le port de vêtements ou d’accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque croyance que ce soit » et notamment « le port d’un voile islamique, même sous forme de bonnet ». En l’espèce, une salariée, « technicienne prestations maladie » (qui n’est pas en contact avec le public), portait un voile en forme de bonnet, elle a donc été licenciée.
Dans cette affaire, la Cour de cassation juge pour la première fois que les principes de neutralité et de laïcité du service public s’appliquent à l’ensemble des services publics même quand ils sont assurés par des organismes de droit privé. Si les dispositions du Code du travail s’appliquent aux agents des CPAM, ils sont toutefois soumis à des « contraintes spécifiques du fait qu’ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires ». Le licenciement de cette salariée est dès lors déclaré fondé.
Soc. 19 mars 2013, n° 11-28.845
Soc. 19 mars 2013, n° 12-11.690
Références
■ Article 1er de la Constitution
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
■ Code du travail
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
« L'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. »
« Le règlement intérieur ne peut contenir :
1° Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;
2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;
3° Des dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale, en raison de leur origine, de leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leur situation de famille ou de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales ou mutualistes, de leurs convictions religieuses, de leur apparence physique, de leur nom de famille ou en raison de leur état de santé ou de leur handicap. »
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