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Droit pénal général
Homicide involontaire et responsabilité pénale d’une personne morale
Mots-clefs : Homicide involontaire, Responsabilité des personnes morales, Atteinte à la personne
L’absence d’un médecin senior au sein du service des urgences d'un centre hospitalier, en infraction avec le règlement intérieur, constitue un lien de causalité certain avec le décès d'une patiente qui n'a pu bénéficier d'un examen par ce médecin tant lors de son arrivée aux services des urgences qu'à son retour du service de radiologie, alors que le pronostic vital était engagé.
Une jeune femme est décédée au sein de l'hôpital dans lequel elle avait été admise en urgence après une chute. À la suite de son décès, une information judiciaire fut ouverte et certaines personnes, dont le centre hospitalier universitaire (CHU), ont fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire qui les a relaxés.
Alléguant qu’il « était nécessaire au préalable d'obtenir la condamnation de personne(s) physique(s) agissant pour son compte comme organe ou représentant » pour retenir la culpabilité du centre, les juges du premier degré ont adopté une lecture restrictive de l'article 121-2 du Code pénal, contraire à la position adoptée par la Cour de cassation qui juge qu'« il résulte de l'article 121-2 du Code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsable que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentant sans qu'il soit nécessaire, cependant, que l'organe ou le représentant ait été personnellement déclaré coupable des faits reprochés à la personne morale » (Crim. 12 déc. 2000). Ainsi, il n'est pas exigé la condamnation des organes ou représentant mais uniquement qu'une infraction ait été commise. Demeure alors la question de la faute et du lien de causalité…
La cour d’appel puis la Cour de cassation ont retenu l'existence d'une défaillance du service de l'hôpital. Dans les faits, la patiente, dont le pronostic vital était engagé, n'avait pu bénéficier d'un examen par un médecin senior à aucun moment et l'absence d'un tel médecin en méconnaissance du règlement intérieur — quand bien même elle résultait d'une cause imprévisible puisque le médecin avait du s’absenter pour raison de santé — était une défaillance manifeste du service d'accueil des urgences entretenant un lien de causalité certain avec le décès de la victime.
La reconnaissance de la responsabilité de la personne morale est donc acquise. S'agissant d'une personne morale, l'on sait qu'une faute simple suffit, la Cour de cassation ayant jugé que « la responsabilité de la personne morale n'est pas subordonnée à la caractérisation à la charge de ses organes ou représentants, d'une faute entrant dans les prévisions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal » (Crim. 14 sept. 2004).
En conséquence, il suffit de démontrer l'existence d'une faute simple, à savoir une imprudence, une négligence ou le manquement à une obligation de sécurité. Cette faute simple s'apprécie in concreto par rapport aux diligences normalement attendues dans une situation donnée. Or, le manquement dans l'organisation d'un service hospitalier est constitutif d'une faute au sens de l'article 121-3 du Code pénal (dans le même sens, v. Crim. 26 mars 1997).
Crim. 9 mars 2010, F-P+F, n° 09-80.543
Références
« Fait de donner la mort à autrui, constitutif de meurtre lorsqu’il est intentionnel et d’homicide involontaire lorsqu’il est non intentionnel. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code pénal
« Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. »
« Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
Il n'y a point de contravention en cas de force majeure. »
■ Crim. 12 déc. 2000, Bull. crim. n° 371 ; Gaz. Pal. 22-23 déc. 2000, p. 42, note Petit.
■ Crim. 14 sept. 2004, Dr. pénal 2005. 11 [2e esp.], obs. Véron.
■ Crim. 26 mars 1997, Bull. crim. n° 123 ; Dr. pénal 1997. 109, [3e arrêt], obs. Véron.
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