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Droit pénal général
Homicide involontaire : faute caractérisée et preuve de la connaissance du risque
Mots-clefs : Homicide involontaire, Faute non intentionnelle (imprudence, faute caractérisée, connaissance du risque, preuve)
Le fait de perpétrer une faute caractérisée induit nécessairement, chez son auteur, la connaissance du risque créé pour la victime, dont la preuve n'a donc pas à être rapportée.
Par l'arrêt du 12 janvier 2010, la chambre criminelle apporte de nouvelles précisions quant à l'application combinée des articles 121-3, alinéa 4, et 221-6 du Code pénal, dispositions résultant de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (dite loi « Fauchon »). À la suite du décès de leur fils, élève dans un centre de formation des apprentis (CFA), mort au volant de son véhicule alors qu'il quittait, ivre, le repas de fin d'année, des parents firent citer devant le tribunal correctionnel, pour homicide involontaire, l'enseignant qui avait « chapeauté » la soirée. L'enseignant fut condamné en première instance puis en appel. Ce que confirme ici la chambre criminelle.
Pour cela, la Haute Cour fait une application rigoureuse des articles 121-3 alinéa 4 et 221-6 du Code pénal. Elle relève d'abord que le prévenu était auteur indirect du décès de l'élève (il « a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter »). En présence d'un rapport de causalité indirecte, seule une faute qualifiée (délibérée ou caractérisée) pouvait engager la responsabilité. La Haute Cour cherche donc ensuite à établir cette faute. En l'absence de violation délibérée d'une obligation de sécurité « prévue par la loi ou le règlement » (le règlement du CFA ne correspondant pas à la norme visée par le Code pénal), seule une faute caractérisée pouvait être recherchée. Reprenant les énonciations de la cour d'appel (qui avait relevé que l'enseignant avait commis des actes positifs et volontaires, achat et introduction dans l'établissement de boissons alcoolisées, et des imprudences et négligences, défaut de surveillance pendant et après le repas, absence momentanée que rien ne justifiait), elle estime que le prévenu « a commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ».
La chambre criminelle rejette donc le pourvoi de l'enseignant qui soulevait un unique moyen : le fait qu'il n'avait pas eu conscience de l'état d'ébriété de la victime, de là, connaissance du risque auquel l'élève était exposé. Or, l'article 121-3, dans sa définition de la faute caractérisée, précise bien que celle-ci doit exposer autrui à un risque d'une particulière gravité que son auteur « ne pouvait pas ignorer ». La chambre criminelle n'apporte aucune réponse à cet argument. Elle se contente d'affirmer que la faute caractérisée est bien réalisée en l'espèce. Il faut en déduire que, dès lors que la faute crée un risque grave, elle implique, de facto, la connaissance de ce risque (v. déjà, Crim. 11 février 2003).
Crim. 12 janv. 2010
Références
■ Code pénal
« Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
Il n'y a point de contravention en cas de force majeure. »
« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75000 euros d'amende. »
■ Crim. 11 février 2003, Bull. crim. n° 28 ; D. 2003. Somm. 1660, obs. Mathieu ; RSC 2003. 801, obs. Giudicelli-Delage.
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