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[ 4 février 2014 ] Imprimer

Droit pénal général

Homicide involontaire par morsures de chien : lien de causalité direct

Mots-clefs : Chiens, Lien de causalité, Faute de négligence

Cause directement le dommage subi par une personne mordue par un chien la faute de négligence du propriétaire de l’animal l’ayant laissé sortir de chez lui sans être contrôlé et tenu en laisse.

La loi no 2000-647 du 10 juillet 2000, en matière de délits non intentionnels, impose de distinguer entre auteur direct et auteur indirect de l’infraction. Aux termes de l’article 121-3 du Code pénal, seul est défini le lien de causalité indirect. Le texte vise ainsi les personnes « qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage » ou « qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter ».

L’absence de définition du lien causal direct a conduit la jurisprudence à rejeter toute vision réductrice identifiant la causalité directe à la causa proxima et à élargir ce concept dès lors que le comportement fautif est un « paramètre déterminant » de l’atteinte (Crim. 25 sept. 2001 ; Crim. 23 oct. 2001 Crim. 13 nov. 2002).

La détermination préalable du caractère du lien de causalité est essentielle puisqu’elle conditionne l’exigence d’une faute simple ou aggravée pour entrer en voie de condamnation. Tel était d’ailleurs l’enjeu dans l’espèce soumise à la chambre criminelle.

Le 2 novembre 2008, à Lattes, une femme agressée par plusieurs chiens est décédée le jour même à la suite d’un choc hypovolémique. Une information judiciaire a été ouverte au cours de laquelle il est apparu que trois des chiens du voisin, dont deux de catégorie II, classés chiens de garde ou de défense, se trouvaient à l’extérieur de sa propriété au moment de l’agression. Ce dernier, déclaré coupable d’homicide involontaire par le tribunal correctionnel, a finalement été relaxé en appel.

Pour infirmer le jugement, les juges d’appel se sont placés sur le terrain de la causalité indirecte, considérant que le propriétaire des chiens n’était pas présent sur les lieux de l’agression et n’avait pas directement participé à sa réalisation. Retenant qu’aucune prévention n’est retenue contre lui au titre de la divagation d’animaux, les juges ajoutent que les chiens étaient habituellement enfermés pendant la journée dans un chenil clos et que les opérations d’expertise ont montré leur apparente absence de dangerosité.

La relaxe est dès lors fondée sur l’absence de violation d’une obligation particulière de sécurité prévue par la loi ou le règlement et l’inexistence d’une faute caractérisée.

La cour d'appel déboute également les parties civiles de leurs demandes d’indemnisation aux motifs que le simple fait de la présence des chiens en cause, à l'extérieur de la propriété, sans démonstration d'une action prédatrice, reste insuffisant pour qualifier une faute ayant directement causé le dommage dont serait responsable le gardien des animaux sur le fondement de l’article 1385 du Code civil.

Au visa de l'article 121-3 du Code pénal la chambre criminelle affirme dans un attendu de principe « qu’il résulte de ce texte que cause directement le dommage subi par une personne mordue par un chien la faute de négligence du propriétaire de l’animal l’ayant laissé sortir de chez lui sans être contrôlé et tenu en laisse ».

Déjà, dans un arrêt du 29 mai 2013, la Haute juridiction avait pu admettre qu’une faute simple permet d’entrer en voie de condamnation à l’encontre du propriétaire d’un chien, auteur direct des blessures occasionnées par son animal, qui a laissé ce dernier sortir de sa propriété sans être tenu en laisse (Crim. 29 mai 2013).

L’arrêt d’appel est en conséquence censuré mais uniquement dans ses seules dispositions civiles. En effet, la Cour de cassation, sur pourvoi de la partie civile, ne peut exercer son contrôle que sur les éléments constitutifs de l'infraction et sur le droit à réparation. En l'absence de tout pourvoi du ministère public contre la décision de relaxe prononcée en faveur du prévenu, l'action publique se trouvait définitivement éteinte.

Crim. 21 janv. 2014, n°13-80.267, F-P+B+I

Références

 Crim. 25 sept. 2001Bull. crim. 188 ; Y. Mayaud, « La causalité directe dans les violences involontaires, cause première ou " paramètre déterminant " ? », RSC 2000. 100.

 Crim. 23 oct. 2001, Bull crim. 217 ; Dr. pén. 2002, comm. n°27.

■ Crim. 13 nov. 2002, n°13-11.2002 ; D. 2004. 1336, note P. Conte.

 Crim. 29 mai 2013, n° 12-85.427 ; Dalloz Actu Etudiant 11 juin 2013 ; C. Lacroix, « Il faut tenir son chien en laisse ! », JAC n°136, juill. 2013.

■ Article 121-3 du Code pénal

« Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. 

Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. 

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. 

Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. 

Il n'y a point de contravention en cas de force majeure. »

■ Article 1385 du Code civil

« Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. »

 

Auteur :C. L.

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