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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Hospitalisation à la demande d’un tiers v. respect des libertés individuelles du malade mental
Mots-clefs : Question prioritaire de constitutionnalité, Déclaration d’inconstitutionnalité, Réserve d’interprétation, Hospitalisation sans consentement, Hospitalisation à la demande d’un tiers, Code de la santé publique, Maladie mentale, Admission, prolongation, Droits et libertés, Saisine du juge des libertés et de la détention
La poursuite d’une hospitalisation à la demande d’un tiers, au-delà de quinze jours, doit avoir lieu avec l’intervention systématique du juge judiciaire afin de garantir les respects des libertés individuelles du malade mental, a décidé le Conseil constitutionnel le 26 novembre 2010.
Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel devait répondre de la constitutionnalité des articles L. 3211-3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 du Code de la santé publique (CSP) relatifs au régime d’hospitalisation sans consentement et plus particulièrement à l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT). La question posée était la suivante : les dispositions contestées assurent-elles une protection suffisante de la liberté individuelle, et, notamment, de sa protection par l’autorité judiciaire ?
■ Tout d’abord, le Conseil constitutionnel précise que l’hospitalisation sans consentement s’articule autour de divers principes fondamentaux :
– la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux (Préamb. Const. 46, al. 11) ;
– la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes à valeur constitutionnelle ;
– l’exercice de libertés garanties par la Constitution : liberté d’aller et venir (DDH, art. 2), respect de la vie privée (DDH, art. 4), liberté individuelle (Const. 58, art. 66, protection par l’autorité judiciaire).
■ Ensuite, le Conseil examine les dispositions relatives aux conditions d’admission d’une HDT puis celles relatives au maintien de l’hospitalisation afin de déterminer si celles-ci sont conformes à la Constitution.
1. Les conditions d’admission d’une HDT
Selon l’article L. 3212-1 du CSP, la demande d’admission pour une HDT « est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil. » Elle « est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés… Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d'un deuxième médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. »
Aux termes de l’article L. 3212-2 du CSP, le directeur de l’établissement psychiatrique doit seulement vérifier que la demande a été établie conformément aux exigences de l’article L. 3212-1 ou L. 3212-3 du CSP ; il doit s’assurer de l’identité de la personne pour laquelle l’hospitalisation est demandée comme de celle qui la demande.
Cette hospitalisation vaut pour une durée de quinze jours.
Le Conseil constitutionnel constate que les conditions d’admission d’une HDT sont conformes à la Constitution. En effet, le législateur a fixé les conditions de fond et les garanties de procédure permettant la mise en œuvre d’une HDT uniquement dans les cas où celle-ci est « adaptée, nécessaire et proportionnée à l’état du malade » (cons. 19). Par ailleurs, si l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, elle n’est pas à être saisie préalablement dans la mesure où le législateur a prévu que le directeur de l’établissement doit vérifier que la demande est conforme à la procédure exigée. Ainsi, l’article 66 de la Constitution n’exige-t-il pas la « judiciarisation ab initio » (v. Cah. Cons. const. n° 30, commentaire de la décision n° 2010-71 QPC, à paraître)
2. Le maintien de l’HDT
L’article L. 3212-7 du CSP relatif au maintien de l’HDT prévoit qu’après quinze jours d’hospitalisation, le patient peut être maintenu hospitalisé, pour un mois maximum, au vu d’un certificat médical circonstancié mentionnant que les conditions d’hospitalisation sont toujours réunies. Cette procédure peut être renouvelée tous les mois. Le certificat médical de maintien en hospitalisation est toujours transmis au représentant de l’État dans le département, à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques et au procureur de la République.
Le Conseil constitutionnel considère que les dispositions du CSP organisant la prolongation d’une hospitalisation sans consentement, au-delà de quinze jours, sans l’intervention du juge judiciaire méconnaissent les exigences de l’article 66 de la Constitution. En effet, avant la décision du 26 novembre 2010, l’HDT était le seul cas en France où, passé un délai légal (15 jours), une personne pouvait se trouver privée de sa liberté sur une simple décision administrative sans intervention de l’autorité judiciaire. La prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures ou celle de la rétention administrative exige l’intervention de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles.
Ainsi, par sa décision du 26 novembre le Conseil constitutionnel constate que le maintien de la privation de liberté consécutif à une HDT n’est possible qu’à la condition d’une décision de l’autorité judiciaire préalable à la prolongation. Se pose la question du délai à compter duquel le juge judiciaire doit intervenir. Le Conseil précise que cette décision appartient au législateur. C’est pourquoi la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 3212-7 du CSP ne prend effet que le 1er août 2011 afin de permettre au législateur d’adopter des dispositions en conformité à la Constitution.
■ Enfin, s’agissant du droit des personnes hospitalisées pour maladie mentale, le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation concernant l’article L. 3211-12 du CSP. Cet article reconnaît, à tout moment, à toute personne hospitalisée sans son consentement et à toute personne susceptible d’intervenir dans l’intérêt de la personne hospitalisée le droit de saisir le juge des libertés et de la détention afin qu’il soit mis fin à l’hospitalisation. Selon le Conseil, cet article est conforme à la Constitution à condition que le juge statue dans « les plus brefs délais » afin que soit effectif le droit à exercer un recours juridictionnel effectif (DDH, art. 16). (V. condamnation de la France par la CEDH : CEDH 18 juin 2002, Delbec c. France ; 27 juin 2002, D. M. c. France ; CEDH 18 nov. 2010, Baudouin c. France).
Cons. const. 26 nov. 2010, Mlle Danielle S., n° 2010-71 QPC
Références
« Procédure de placement d’un aliéné dans un établissement de soins, public ou privé; elle remplace la procédure d’internement et peut intervenir d’office sur décision du préfet s’appuyant sur un rapport médical circonstancié, confirmé, dans les vingt-quatre heures de l’admission, par le certificat d’un psychiatre de l’établissement, lorsque l’aliéné compromet l’ordre public ou la sûreté des personnes ; en cas de danger imminent les commissaires de police à Paris, les maires et leurs adjoints en province, peuvent ordonner une mesure provisoire à charge d’en référer au préfet dans les vingt-quatre heures.
L’hospitalisation peut aussi résulter de la demande d’un tiers (famille, entourage, préfet à titre subsidiaire), à la double condition que la maladie mentale impose des soins immédiats et une surveillance en milieu hospitalier et que le malade soit hors d’état de consentir à son hospitalisation ; la demande doit être appuyée par deux certificats médicaux dont l’un peut émaner d’un médecin de l’établissement et être supprimé en cas d’urgence.
Qu’il s’agisse d’hospitalisation d’office ou d’hospitalisation sur demande d’un tiers, la personne hospitalisée sans son consentement doit être informée de sa situation juridique et de ses droits (droit de communiquer avec certaines autorités, de saisir la commission départementale des hospitalisations psychiatriques, etc.) et en toute circonstance la dignité de sa personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ CEDH 18 juin 2002, Delbec c. France, n° 43125/98.
■ CEDH 27 juin 2002, D. M. c. France, n° 41376/98.
■ CEDH 18 nov. 2010, Baudouin c. France, n° 35935/03, AJDA 2010. 2239.
■ Alinéa 11 du préambule de la Constitution
« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
■ Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »
« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »
■ Article 66 de la Constitution
« Nul ne peut être arbitrairement détenu.
L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »
■ Code de la santé publique
« Une personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure, elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt du malade et éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l'établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s'il y a lieu, la sortie immédiate.
Une personne qui a demandé l'hospitalisation ou le procureur de la République, d'office, peut se pourvoir aux mêmes fins.
Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d'office, à tout moment, pour ordonner qu'il soit mis fin à l'hospitalisation sans consentement. À cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu'elle estime utiles sur la situation d'un malade hospitalisé. »
« Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d'un tiers que si :
1° Ses troubles rendent impossible son consentement ;
2° Son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.
La demande d'admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants dès lors qu'ils exercent dans l'établissement d'accueil.
Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l'établissement qui en donne acte. Elle comporte les nom, prénoms, profession, âge et domicile tant de la personne qui demande l'hospitalisation que de celle dont l'hospitalisation est demandée et l'indication de la nature des relations qui existent entre elles ainsi que, s'il y a lieu, de leur degré de parenté.
La demande d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies.
Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d'un deuxième médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni des directeurs des établissements mentionnés à l'article L. 3222-1, ni de la personne ayant demandé l'hospitalisation ou de la personne hospitalisée. »
« Avant d'admettre une personne en hospitalisation sur demande d'un tiers, le directeur de l'établissement vérifie que la demande a été établie conformément aux dispositions de l'article L. 3212-1 ou de l'article L. 3212-3 et s'assure de l'identité de la personne pour laquelle l'hospitalisation est demandée et de celle de la personne qui demande l'hospitalisation. Si la demande d'admission d'un majeur protégé est formulée par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l'appui de sa demande un extrait du jugement de mise sous tutelle ou curatelle.
Il est fait mention de toutes les pièces produites dans le bulletin d'entrée. »
« À titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l'établissement peut prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil. »
Article L. 3212-7 (La déclaration d'inconstitutionnalité prend effet le 1er août 2011).
« Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil.
Ce dernier établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois.
Au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue pour des périodes maximales d'un mois, renouvelables selon les mêmes modalités.
Le certificat médical est adressé aux autorités mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 3212-8 ainsi qu'à la commission mentionnée à l’article L. 3222-5 et selon les modalités prévues à ce même alinéa.
Faute de production du certificat susvisé, la levée de l'hospitalisation est acquise. »
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