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Procédure civile
Identité des faits et jugements contraires : absence de faute lourde du service public de la justice
Mots-clefs : Service public de la justice, Faute lourde, Déni de justice, Principe de sécurité juridique
Le fait que deux infractions de vols, commises par les mêmes personnes selon un mode opératoire identique, ne débouchent pas sur une décision de justice similaire dans les deux instances distinctes menées par les victimes, n’est pas constitutif d’une faute lourde commise par les tribunaux.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en cassation formé contre un arrêt de cour d’appel qui ne retient pas la responsabilité de la justice pour faute lourde, suite aux jugements dissemblables adoptés dans deux affaires similaires. En l’espèce, une société avait été victime d’un vol à l’intérieur de ses locaux. Une autre société, détenue par le même gérant, avait également fait l’objet d’un vol commis dans les mêmes conditions et par les mêmes personnes. Les sociétés d’assurances avaient, dans les deux cas, refusé d’indemniser les victimes. Dans la première affaire, la cour d’appel de Poitiers avait, par un arrêt du 20 janvier 2004, condamné la société X. à indemniser la première société. À l’inverse, l’assureur Y. se voyait conforté dans son refus d’indemniser la seconde société, par un arrêt de la cour d’appel de Limoges (19 novembre 1998), et une décision de non-admission du pourvoi datée du 20 octobre 2002.
La société déboutée avait alors recherché la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux du service public de la justice, sur le fondement des articles 141-1 et 141-3 du Code de l’organisation judiciaire, au motif que les tribunaux ne pouvaient adopter deux décisions contraires dans des affaires aux faits similaires, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique.
La Cour de cassation, constatant qu’elle n’avait pas pu connaître la décision de la cour d’appel dans la première affaire lors de sa décision de non-admission du pourvoi de 2002, a conclu que la faute lourde n’était pas constituée. Soucieuse de se limiter au droit et de ne pas juger ou apprécier les faits, elle se borne à constater la régularité de la procédure, réalisée dans le respect des règles de droit et des procédures applicables. Dans l’état actuel du droit, le déni de justice peut résulter du délai anormalement long de la procédure, tandis que la faute lourde a été définie en 2001 comme « toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ».
Civ. 1e, 17 févr. 2010, n° 08-41.412, F-P+B
Références
« Recours contre une décision en dernier ressort porté devant la Cour de cassation et fondé sur la violation de la loi, l’excès de pouvoir, l’incompétence, l’inobservation des formes, le manque de base légale, la contrariété de jugements ou la perte de fondement juridique. »
■ Sécurité juridique (Principe de)
« Principe de droit communautaire selon lequel les particuliers et les entreprises doivent pouvoir compter sur une stabilité minimale des règles de droit et des situations juridiques. Il en découle un certain nombre de règles de droit positif, comme la non-rétroactivité des textes communautaires, ou le principe de confiance légitime.
En droit administratif, même si l’idée de sécurité juridique inspirait depuis longtemps certaines règles jurisprudentielles, le principe de sécurité juridique n’a été reconnu explicitement en tant que tel par le Conseil d’État qu’à partir de 2006. Il s’oppose par exemple à ce que la modification avec effet immédiat d’un texte réglementaire portant une atteinte excessive à une situation contractuelle en cours puisse légalement intervenir sans que des mesures transitoires soient prévues. Son contenu précis apparaîtra au fil des arrêts qui en feront application.
En droit civil, le principe n’est pas reconnu par la Cour de cassation qui refuse de considérer qu’il existe un droit à ne pas voir ses prévisions remises en cause par un revirement de jurisprudence et qui décide, au contraire, que nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée. Mais une évolution s’est produite tendant à admettre, dans certaines circonstances, une application différée d’un revirement de jurisprudence. »
« Selon la loi, ‘il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d’être jugées’. Le déni de justice est non seulement une cause de responsabilité civile, mais aussi un délit pénal exposant son auteur à l’interdiction d’exercer ses fonctions de cinq à vingt ans.
Dans un sens plus moderne et extensif, le déni de justice s’entend du manquement de l’État à son devoir de protection juridictionnelle, par exemple un délai anormal d’audiencement. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Sur la faute lourde : v. Ass. plén. 23 févr. 2001, Bull. Ass. plén. 2001, n° 5.
■ Code de l’organisation judiciaire
Article 141-1
« L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice.
Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »
Article 141-3
« Les juges peuvent être pris à partie dans les cas suivants :
1° S'il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde, commis soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements ;
2° S'il y a déni de justice.
Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de répondre aux requêtes ou négligent de juger les affaires en état et en tour d'être jugées.
L'État est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont prononcées à raison de ces faits contre les juges, sauf son recours contre ces derniers. »
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