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Droit du travail - relations individuelles
Il y a délégué syndical et délégué syndical…
Si dans les entreprises de plus de 50 salariés, la durée de protection d’un ancien délégué syndical peut atteindre 12 mois, elle n’est que de 6 mois dans les entreprises de moins de 50 salariés.
Soc. 4 novembre 2020, n° 19-12.279
Quelle est la durée du statut protecteur d’un délégué syndical ?
La réponse est essentielle pour l’employeur car engager une procédure de licenciement sans respect du statut protecteur conduit à d’importantes déconvenues juridiques : délit d’entrave et nullité du licenciement. L’arrêt du 4 novembre 2020, sans apporter une solution totalement nouvelle précise que la réponse dépend de la taille de l’entreprise (V. déjà Soc. 12 oct. 2004, n° 02-47.048).
En l’espèce, un salarié élu comme délégué du personnel le 24 juin 2011 est désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical. Le 28 octobre 2013, le salarié démissionne de ses mandats de délégué du personnel et délégué syndical, à effet au 1er janvier 2014. Le 15 juillet 2014, il est convoqué à un entretien préalable. Après autorisation administrative de licenciement accordée le 29 septembre 2014, le salarié se voit notifier son licenciement pour motif économique le 6 octobre 2014. Par décision du 3 avril 2015, le ministre du travail annule cette autorisation, considérant que l'inspection du travail n'était pas compétente pour statuer sur la demande d'autorisation dans la mesure où le salarié n’était plus protégé. Sans contester la décision administrative, le salarié saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur à la nullité de son licenciement pour violation du statut protecteur. Toute la difficulté consistait donc à identifier la durée de protection accordée à l’ancien délégué syndical.
Dans les entreprises de plus de 50 salariés, les syndicats représentatifs qui ont constitué une section syndicale peuvent désigner un délégué syndical (C. trav., art. L. 2143-3). Le choix n’est pas entièrement libre puisque depuis la loi du 22 août 2008, le syndicat doit en priorité choisir un salarié qui s’est porté candidat aux élections professionnelles et recueilli à titre personnel au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour. Mais le syndicat peut recouvrer un peu de souplesse si les candidats remplissant cette condition ne souhaitent pas exercer le mandat de délégué syndical (V. récemment Soc. 8 juill. 2020 n° 19-14.605). Il est important de comprendre que la personne désignée n’est pas nécessairement élue au CSE. Si théoriquement, les fonctions de délégué syndical sont compatibles avec celles d’élus (C. trav., art. L. 2143-9) tactiquement, il est plus intéressant pour un syndicat de ne pas désigner un élu car le délégué syndical est de plein droit le représentant syndicat au CSE dans les entreprises de moins de 300 salariés (C. trav., art. L. 2143-22). Or les mandats d’élu et de représentant syndical au CSE sont eux incompatibles. Autrement dit, dans les entreprises de moins de 300 salariés, on ne peut pas être élu et délégué syndical. Le salarié doit choisir, à défaut, son mandat de représentant syndical au CSE est caduc (Soc. 22 janv. 2020, n° 19-13.269). Ce délégué syndical (élu ou non) est protégé pendant toute la durée de son mandat. A l’issue de celui-ci, l’ancien délégué syndical reste protégé pendant une durée de 12 mois s’il a exercé ses fonctions pendant au moins 1 an (C. trav., art. L. 2411-3).
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les solutions sont très différentes. La liberté du syndicat représentatif dans le choix de son délégué syndical se réduit à une peau de chagrin. Selon l’article L. 2143-6 du Code du travail, seul un élu du CSE peut être désigné délégué syndical. La Cour de cassation a durci cette condition en précisant qu’il faut obligatoirement que ce soit un élu titulaire (Soc. 20 juin 2012, n° 11-61.176). Or, dans une entreprise de moins de 50 salariés, il y a seulement 1 ou 2 élus titulaires au CSE (C. trav., art. R. 2314-1). Le syndicat représentatif doit donc convaincre l’un d’eux. Ce délégué syndical, par ailleurs membre du CSE, ne dispose pas d’un crédit d’heures spécifique pour sa mission. Son mandat de délégué syndical étant étroitement liée à celui d’élu, il est logique que la fin du mandat d’élu mette fin automatiquement au mandat de délégué syndical. Or, la durée de protection d’un ancien élu n’est pas la même que la durée de protection d’un ancien délégué syndical. Selon l’article L. 2411-5 du Code du travail, un ancien élu est protégé pendant une durée de 6 mois à compter de l’expiration de son mandat et aucune durée d’exercice de ce dernier n’est exigé. En revanche, l’article L. 2411-3 du Code du travail prévoit une durée de protection de 12 mois mais exige une ancienneté dans le mandat d’un an. Comment articuler ces deux textes ? Si on fait prévaloir le mandat de délégué syndical, le salarié dont le mandat expire comme en l’espèce le 1er janvier 2014 est protégé jusqu’au 1er janvier 2015. Par conséquent, l’employeur qui veut le licencier pour motif économique et le convoque le 15 juillet 2014 à un entretien préalable doit obtenir une autorisation de l’inspection du travail (Soc. 23 oct. 2019, n° 18-16.057 : arrêt qui rappelle qu’il faut tenir compte de la date d’envoi de la convocation). Si en revanche, on fait prévaloir le mandat d’élu du personnel, le salarié dont le mandat expire le 1er janvier demeure protégé jusqu’au 1er juillet. L’employeur qui convoque le salarié à un entretien le 15 juillet n’a donc pas besoin d’autorisation de l’administration. Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation se prononce en faveur de cette dernière solution : Comme seul un élu du personnel peut être désigné délégué syndical, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité d’élu.
Ce choix n’est pas explicité. La Cour considère que sa solution se « déduit » logiquement de la loi alors qu’aucun argument textuel ne permet réellement de trancher en faveur de l’une ou de l’autre. Une autre option aurait été de faire prévaloir l’objet du mandat. Les fonctions de réclamation d’un élu ne sont pas similaires aux fonctions de revendication d’un délégué syndical, marquées par la négociation d’accord collectif. Refuser une proposition de l’employeur pour mettre en place par accord collectif le travail le dimanche, le travail de nuit, ou un taux de majoration des heures supplémentaires plus faible que le montant légal expose d’avantage le salarié, en sa qualité de délégué syndical, qu’un avis défavorable à un projet de l’employeur, donné par ce même salarié en sa qualité d’élu du personnel… Par ailleurs, désormais, l’employeur peut assez facilement négocier des accords collectifs dans les entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de délégué syndical, en négociant justement avec les élus. Pas de crédit d’heure supplémentaire, pas de protection supplémentaire, pas réellement de compétences supplémentaires… L’arrêt renforce le peu d’intérêt pour un élu d’accepter d’être délégué syndical…
Références
■ Soc. 12 oct. 2004, n° 02-47.048 P : Dr. soc. 2005. 112, obs. C. Masquefa-Neau-Leduc et J.-M. Verdier
■ Soc. 8 juill. 2020 n° 19-14.605 P
■ Soc. 22 janv. 2020, n° 19-13.269 P : D. 2020. 221 ; ibid. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2020, n° 622, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2020. 472, obs. F. Petit
■ Soc. 20 juin 2012, n° 11-61.176 P : D. 2012. 1746 ; Dr. soc. 2012. 858, obs. F. Petit
■ Soc. 23 oct. 2019, n° 18-16.057 P : D. 2019. 2098
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