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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Impartialité et indépendance : l’huissier de justice y est tenu
Mots-clefs : Procès équitable, Indépendance, Impartialité, Huissier de justice, Officier public
L’huissier est tenu, en sa qualité d’officier public, d’une obligation statutaire d’impartialité et d’indépendance.
La chambre des huissiers de justice de Paris avait, par plusieurs actes sous seing privé, mis à la disposition gratuite d’un locataire un local pour une durée déterminée successive. Avant terme, elle avait informé ce locataire de son intention de ne pas renouveler le contrat et l’avait invité à prendre ses dispositions pour le libérer dans les meilleurs délais. Étant resté dans les lieux malgré l’envoi de plusieurs lettres de relance, la chambre l’avait assigné en référé aux fins d’expulsion et de paiement d’une provision à valoir sur l’indemnité d’occupation. Le locataire lui avait alors opposé l’exception de nullité de son assignation et de la procédure subséquente, reprochant à l’huissier de justice instrumentaire d’être intéressé, en sa qualité de trésorier de la chambre, au succès de l’action intentée. La cour d’appel rejeta l’exception de nullité, relevant que la chambre avait intenté l’action pour la défense de ses intérêts collectifs lesquels, en vertu du principe d’autonomie de la personne morale, se distinguent de ceux propres à ses membres en sorte que rien n’empêchait l’huissier, malgré sa fonction de trésorier de cet organisme professionnel, de délivrer l’acte introductif d’instance litigieux.
La première chambre civile casse cette décision au visa des articles 1 bis A de l’ordonnance du 2 novembre 1945, relative au statut des huissiers de justice, et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, jugeant « qu’en vertu des dispositions combinées de ces textes, l’huissier de justice est tenu, lorsqu’il agit en tant qu’officier délégataire de l’État dans l’exercice de sa mission d’auxiliaire de justice, d’une obligation statutaire d’impartialité et d’indépendance », or en l’espèce, « sa qualité de trésorier, membre du bureau chargé de la gestion du patrimoine et des intérêts financiers de la chambre, était de nature à faire naître un doute raisonnable, objectivement justifié, sur son impartialité et son indépendance ».
Un huissier de justice est un officier ministériel. Nommé par le garde des Sceaux ; il a le monopole de signifier et d’exécuter les décisions rendues par les tribunaux, ainsi que les autres titres exécutoires. Par exemple, il est chargé d’authentifier les personnes auxquelles il signifie les actes et à qui il les remet, de procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances, de délivrer les convocations en justice. S’il détient le monopole de plusieurs activités, comme celle liée à la signification, à l'appel des causes et à la police des audiences, ou encore à l'exécution forcée, il en exerce d’autres, hors monopole, comme le recouvrement amiable des créances, les constats, la rédaction d'acte sous seing privé. Or lorsque l'huissier agit par exemple dans le cadre d'un recouvrement amiable, il exerce comme n'importe quel professionnel d’une société de recouvrement dans le respect, cependant, du décret n° 96-1112 du 18 décembre 1996 réglementant cette activité. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation souligne qu’un huissier de justice n’agit pas toujours en qualité d’officier public. En revanche, lorsque tel est le cas, il est soumis, comme l’est le juge, à une obligation d’indépendance et d’impartialité. Déjà, l’ordonnance relative au statut des huissiers de justice prévoit que « (l)es huissiers de justice ne peuvent, à peine de nullité, instrumenter à l’égard de leurs parents et alliés et de ceux de leur conjoint ni à l’égard de leurs parents et alliés collatéraux jusqu’au sixième degré ».
En outre, comme en témoigne la décision rapportée, cette disposition spéciale n’exclut pas l’application du principe général d’impartialité et d’indépendance posé par l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme au titre des garanties du procès équitable. Cette disposition générale et supranationale conduit à imposer à l’ensemble des autorités publiques comme aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, l’obligation d’offrir au justiciable un certain nombre de droits, processuels, jugés fondamentaux, comme le droit d’être entendu de manière indépendante et impartiale. Alors que l’indépendance s’entend généralement de l’absence d’immixtion de pouvoirs extérieurs et influents, l’impartialité vise distinctement l’absence de parti pris, quoiqu’elle ne puisse jamais être absolue, l’obligation de se prononcer en se référant uniquement aux éléments de fait et de droit obtenus à l’issue d’un débat contradictoire. Les causes de partialité sont établies, mais non épuisées, par l’article 341 du Code de procédure civile. Si certaines sont fonctionnelles (par ex. le fait de statuer plusieurs fois sur la même affaire), d’autres sont personnelles et subjectives (par ex. un lien de parenté avec l’une des parties).
En l’espèce, le lien d’ordre patrimonial entretenu par l’huissier de justice avec l’organisme dont il défendait les intérêts collectifs faisait naître un doute suffisant, en ce qu’il était objectivement vérifiable, sa fonction de trésorier figurant dans les statuts de la chambre, pour juger bien fondée l’exception de nullité soulevée par le locataire.
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