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Impartialité personnelle du juge
Mots-clefs : Juge, Impartialité, Impartialité personnelle, Contrariété, Rédaction de la décision, Termes employés
Les termes d’une décision peuvent trahir le manque d’impartialité personnelle du magistrat, qui porte ainsi atteinte au droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial.
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial », affirme l’article 6, § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme figurant au visa de la décision rapportée, sanctionnant un magistrat dont la décision trahissait, par les termes employés pour sa rédaction, le non-respect de cette exigence.
En l’espèce, un salarié responsable de la sécurité d’un hôpital avait, durant de nombreuses années, exercé des activités syndicales, avant que son employeur lui notifiât, par simple lettre, sa décision de mettre fin à ses fonctions par mise à la retraite. Le salarié l’avait alors assigné en justice à l’effet d’obtenir la requalification de sa mise à la retraite en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour rejeter sa demande, la cour d’appel retint que « durant ces années, M. X avait su tirer profit de son statut de salarié protégé pour obtenir de son employeur des avantages “ sur mesure ” de toute nature qui s’apparentaient à de véritables “ privilèges ”; que dès lors, il est aisé de comprendre qu’il ne voulait pas les voir disparaître du jour au lendemain du fait de sa mise à la retraite ; qu’au vu de ces éléments, les prétentions exorbitantes de M. X, qui après avoir accepté l’ensemble de ces conditions et privilèges, vient contester sa mise à la retraite au double motif que d’une part, il doit rembourser le crédit immobilier de sa maison d’habitation et que d’autre part, la décision lui aurait été notifiée avant son 65ème anniversaire révolu à un ou deux jours près, apparaissent quelque peu indécentes ».
Et la Cour de cassation, au visa de l’article 6, § 1er précité de la Convention, de censurer sèchement cette décision au motif que la cour d’appel saisie avait statué « en des termes incompatibles avec l’exigence d’impartialité ». Le célèbre texte européen garantit, en effet, le droit reconnu à toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal « indépendant et impartial ».
Alors que l’indépendance requiert l’absence de subordination du pouvoir judiciaire aux pouvoirs exécutif et législatif, l’impartialité exige du magistrat une certaine objectivité au moment de rendre son jugement ; sans nier la réalité de sa subjectivité, propre à tous, l’exigence d’impartialité contraint le juge à devoir sinon abandonner, du moins remettre en cause, ses préjugés lors de l’examen, que le droit veut objectif, du dossier. La partialité devient condamnable lorsque le juge se refuse à l’infirmation de ses premières impressions, ce qui le conduira à rendre une décision reposant sur des considérations étrangères à la cause.
Désormais appréhendée sous un double aspect, personnel et fonctionnel, l’impartialité ne recouvrait, à l’origine, que le premier, celui qui se voit ici sanctionné. Sous cet angle, il est question d’apprécier le risque que les convictions personnelles du juge, ses orientations diverses puissent le conduire à ne pas faire preuve de toute l’impartialité souhaitable.
Ainsi, le comportement d’un magistrat, notamment dans la rédaction de sa décision, peut traduire, comme en l’espèce, un manque flagrant d’impartialité personnelle. La terminologie employée est, dans cette hypothèse, généralement significative.
C’est d’ailleurs ce sur quoi la Cour de cassation avait insisté dans la célèbre affaire des caravanes (Civ. 2e, 14 sept. 2006). Le juge avait notamment retenu « la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme X dotée d’un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu’elle acculait aussi ainsi sans état d’âme et avec l’expérience de l’impunité ses futurs locataires et qu’elle était sortie du domaine virtuel où elle prétendait sévir impunément du moins jusqu’à ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en œuvre d’investigations de nature à la neutraliser définitivement ». La Cour avait alors, sans surprise, déjà censuré au visa de l’article 6 § 1er de la Convention cette décision rendue « en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l’exigence d’impartialité ».
Comme le disait déjà W.Shakespeare, « Si par partialité d'affection ou d'esprit de corps, tu dis plus ou moins la vérité, tu n'es pas un soldat! » (Othello, 1604).
Soc. 8 avr. 2014, n°13-10.209
Références
■ Civ. 2e, 14 sept. 2006, n° 04-20.524 ; D. 2007. 896, chron. V. Vigneau ; AJDI 2006. 932, obs. F. Bérenger.
■ Article 6 §1er de la Convention européenne des droits de l’homme -Droit à un procès équitable
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »
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