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Droit administratif général
Importante précision relative aux critères de l’effet direct des traités
Mots-clefs : Effet direct des traités ; Applicabilité directe des traités ; Particuliers ; Décret ; Annulation ; Violation du principe d’égalité ; Travailleur migrant ; Droit au logement opposable
Une stipulation d’une convention internationale est d’effet direct si elle n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre les États et ne demande pas l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers.
Les stipulations d’un traité régulièrement ratifié et publié au Journal officiel sont d’effet direct et directement invocables devant le juge national par les particuliers si elles ne nécessitent pas l’édiction de mesures d’application de la part des autorités internes (CE 30 déc. 2002, Féd. Française de basket-ball). Cependant les critères de l’effet direct dégagés par la jurisprudence manquaient de clarté (CE 23 avr. 1997, GISTI). L’arrêt GISTI du Conseil d’État du 11 avril 2012 admet désormais clairement que « une stipulation doit être reconnue d'effet direct par le juge administratif lorsque, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elle n'a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers ; … l'absence de tels effets ne saurait être déduite de la seule circonstance que la stipulation désigne les États parties comme sujets de l'obligation qu'elle définit ».
En l’espèce, des requérants, dont le GISTI (groupement d’information et de soutien des immigrés) ont demandé au Conseil d’État d’annuler le décret n° 2008-908 du 8 septembre 2008 relatif aux conditions de permanence de la résidence des bénéficiaires du droit à un logement décent et indépendant, créant l’article R. 300-2 du CCH dont l’objectif est d’établir, pour les personnes autres que celles détenant une carte de résident ou un titre de séjour prévu par les traités ou accord internationaux, une liste de cinq catégories de titres de séjour et conférant des droits équivalents à la carte de résident permettant à ceux qui la détiennent de bénéficier du droit au logement opposable, si ils ont résidé préalablement deux années consécutives sur le territoire national et ont bénéficié d’au moins deux renouvellements du titre de séjour détenu.
Sont exclues de cette liste la carte de séjour temporaire comportant la mention « étudiant », « salarié en mission » et la carte de séjour « compétences et talents ». Selon les requérants, le décret précité méconnaît le 1 de l’article 6 de la Convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949 concernant les travailleurs migrants. Le Conseil d’État reconnaît l’illégalité du décret en considérant que les stipulations invoquées de la Convention internationale du travail précitée se suffisent à elle-même. Le décret attaqué n’est pas compatible avec ces stipulations. Par ailleurs la différence de traitement résultant de ce décret ne trouve ni de justification par un motif d’intérêt général ni par une différence de situation au regard de la condition de permanence de séjour entre les personnes détentrices d’une carte de séjour exclue de la liste de l’article R. 300-2 du CCH et celle dont les titres de séjour sont inclus dans le champ de l’article. Ainsi, le décret créant l’article R. 300-2 du CCH méconnaît le principe d’égalité en excluant du bénéfice du droit au logement opposable les détenteurs de trois catégories de titres de séjour (carte de séjour temporaire comportant la mention « étudiant », « salarié en mission » et carte de séjour « compétences et talents »). En conséquence le Conseil d’État annule l’article 1er du décret de 2008 en tant qu’il crée l’article R. 300-2 du CCH. Cette annulation entre en vigueur à compter du 1er octobre 2012. Les effets de cet article produits antérieurement à son annulation sont définitifs sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la décision du Conseil d’État contre les actes pris sur le fondement de cet article.
CE, Ass., 11 avril 2012, GISTI et FAPIL, n° 322326
Références
■ CE 30 déc. 2002, Féd. Française de basket-ball, req. n° 219646, Lebon 485 ; AJDA 2003. 388, note Lagarde.
■ CE 23 avr. 1997, GISTI, n°163043, Lebon ; AJDA 1997. 435, chron. Chauvaux et Girardot ; D. 1998. 15, concl. Abraham ; RFDA 1997. 585, concl. Abraham ; RDSS 1998. 194, obs. Badel, Daugareilh, Laborde et Lafore.
■ Article R. 300-2 du Code de la construction et de l’habitation
« Pour remplir les conditions de permanence de la résidence en France mentionnées au premier alinéa de l'article L. 300-1, les étrangers autres que ceux visés à l'article R. 300-1 doivent soit être titulaires d'une carte de résident ou de tout autre titre de séjour prévu par les traités ou accord internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident, soit justifier d'au moins deux années de résidence ininterrompue en France sous couvert de l'un ou l'autre des titres de séjour suivants, renouvelé au moins deux fois :
1° Une carte de séjour temporaire portant la mention " scientifique " délivrée en application de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2° Une carte de séjour temporaire portant la mention " profession artistique et culturelle " délivrée en application de l'article L. 313-9 du même code ;
3° Une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle délivrée en application de l'article L. 313-10 du même code, à l'exception des cartes portant les mentions " travailleur saisonnier ", " travailleur temporaire " ou " salarié en mission " ;
4° Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " délivrée en application de l'article L. 313-11, à l'exception du 3°, et des articles L. 313-13, L. 313-14 et L. 316-1 du même code ;
5° Un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents, notamment celui d'exercer de façon pérenne une activité professionnelle en France, à ceux des titres mentionnés aux 1° à 4° du présent article. »
■ Article 6 de la Convention internationale du travail n° 97 du 1er juillet 1949
« 1. Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à appliquer, sans discrimination de nationalité, de race, de religion ni de sexe, aux immigrants qui se trouvent légalement dans les limites de son territoire, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu'il applique à ses propres ressortissants en ce qui concerne les matières suivantes:
a) dans la mesure où ces questions sont réglementées par la législation ou dépendent des autorités administratives:
i) la rémunération, y compris les allocations familiales lorsque ces allocations font partie de la rémunération, la durée du travail, les heures supplémentaires, les congés payés, les restrictions au travail à domicile, l'âge d'admission à l'emploi, l'apprentissage et la formation professionnelle, le travail des femmes et des adolescents;
ii) l'affiliation aux organisations syndicales et la jouissance des avantages offerts par les conventions collectives;
iii) le logement;
b) la sécurité sociale (à savoir les dispositions légales relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, à la maternité, à la maladie, à la vieillesse et au décès, au chômage et aux charges de famille, ainsi qu'à tout autre risque qui, conformément à la législation nationale, est couvert par un système de sécurité sociale), sous réserve:
i) des arrangements appropriés visant le maintien des droits acquis et des droits en cours d'acquisition;
ii) des dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays d'immigration et visant les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics, ainsi que les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l'attribution d'une pension normale;
c) les impôts, taxes et contributions afférents au travail, perçus au titre du travailleur;
d) les actions en justice concernant les questions mentionnées dans la présente convention.
2. Dans le cas où il s'agit d'un État fédératif, les dispositions du présent article devront être appliquées dans la mesure où les questions auxquelles elles ont trait sont réglementées par la législation fédérale ou dépendent des autorités administratives fédérales. Il appartiendra à chaque Membre de déterminer dans quelle mesure et dans quelles conditions ces dispositions seront appliquées aux questions qui sont réglementées par la législation des États constituants, provinces ou cantons, ou qui dépendent de leurs autorités administratives. Le Membre indiquera, dans son rapport annuel sur l'application de la convention, dans quelle mesure les questions visées au présent article sont réglementées par la législation fédérale ou dépendent des autorités administratives fédérales. En ce qui concerne les questions qui sont réglementées par la législation des États constituants, provinces ou cantons ou qui dépendent de leurs autorités administratives, le Membre agira conformément aux dispositions prévues au paragraphe 7 b) de l'article 19 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail. »
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