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Droit des successions et des libéralités
Incapacité de recevoir fondée sur l'article 909 du Code civil : illustration
Mots-clefs : Assurance-vie (bénéficiaire), Libéralité, Incapacité de recevoir à titre gratuit (médecin), Cause
La première chambre civile applique l'article 909 du Code civil à propos d’un contrat d'assurance-vie dont la titulaire avait modifié le bénéficiaire, pour désigner sa psychiatre et, à défaut, le concubin de cette dernière.
En l’espèce, le bénéficiaire initial d’un contrat d’assurance-vie, légataire universel, poursuivait sur le fondement de l'article 909 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006) l'annulation de l'avenant désignant comme nouveau gratifié la psychiatre, en soutenant qu'il constituait une libéralité consentie à un médecin ayant traité la défunte au cours de sa dernière maladie.
Par l’arrêt du 4 novembre 2010, la Cour de cassation accueille cette action ; la Haute cour approuve les juges du fond d'avoir estimé que « si, en sa qualité de psychiatre-psychanalyste, Mme C… n'avait pu traiter Mme W… pour le cancer dont elle était atteinte, elle avait apporté à sa patiente un soutien accessoire au traitement purement médical mais associé à celui-ci, lui prodiguant, parallèlement au traitement d'oncologie, des soins réguliers et durables afférents à la pathologie secondaire dont elle était affectée en raison même de la première maladie dont elle devait décéder et dont la seconde était la conséquence » et déduit de ces éléments que « Mme C… avait soigné Mme W…, pendant sa dernière maladie, au sens de l'article 909 du code civil, de sorte qu'elle était frappée d'une incapacité de recevoir à titre gratuit ».
Le pourvoi formé par la psychiatre et son concubin est :
– rejeté en ce qu'il prétendait que l'incapacité de recevoir à titre gratuit n'a lieu de s'appliquer qu'aux médecins ayant dispensé un traitement en vue de s'assurer la guérison du patient ;
– accueilli, en revanche, sur un autre moyen qui reprochait à la cour d'appel d'avoir énoncé que la nullité de l'avenant était globale et que le concubin ne pouvait se prévaloir des dispositions de cet acte.
Visant l'article 1131 du Code civil, la Haute cour estime qu'« en statuant ainsi, sans se prononcer sur la cause ayant déterminé Mme W… à souscrire l'avenant au bénéfice de M. A…, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision » (Comp. Civ. 1re, 13 mai 1958, retenant que la nullité ne s'étend pas aux autres dispositions, normalement valables, contenues dans le testament).
Le champ de l'incapacité de recevoir à titre gratuit prévue par l'article 909 — qui vise aujourd'hui plus largement les « membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt » — s'applique donc au « médecin de l'âme » ayant prodigué des soins réguliers et durables afférents à la pathologie « simplement » secondaire. On rappellera qu’il incombe aux juges du fond de rechercher si la désignation du médecin comme gratifié a été faite au cours de la dernière maladie dont le donateur est décédé (Civ. 1re, 1er juill. 2003 ; pour l'application à un magnétiseur, v. Civ. 1re, 10 oct. 1978), également d'apprécier si l'assistance apportée par le médecin au testateur, tant en raison des liens affectifs qui l'unissaient au malade, que sa compétence professionnelle, ne constituait pas un traitement médical au sens de l'article 909 (Civ. 1re, 4 déc. 1985).
Civ. 1re, 4 nov. 2010, n° 07-21.303, FS-P+B+I
Références
« Contrat d’assurance par lequel une personne (le souscripteur) obtient d’une autre (l’assureur), moyennant paiement d’une prime, le versement, à elle-même si elle survit à une date déterminée ou, en cas de décès, à un tiers (l’assuré) qu’elle désigne, un capital ou une rente. Il bénéficie d’un régime fiscal de faveur. »
« Libéralité contenue dans un testament et qui ne prend effet qu’à la mort de son auteur.
• Legs particulier : legs qui porte sur un ou plusieurs biens déterminés ou déterminables.
• Legs de residuo : legs fait à une personne à charge pour elle de remettre, à son décès, ce dont elle n’aura pas disposé à telle personne désignée par le testateur. À la différence de la substitution fidéicommissaire (devenue libéralité graduelle), le legs de residuo ne comporte pas l’obligation pour le gratifié de conserver le bien.
• Legs à titre universel : legs qui porte sur une quote-part des biens laissés par le testateur à son décès.
• Legs universel : legs qui donne au bénéficiaire vocation à recueillir l’ensemble de la succession. »
« Définie par le législateur (L. no 206-728 du 23 juin 2006) comme « l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne », la libéralité suppose que cet acte par lequel une personne procure à autrui, ou s’engage à lui procurer un avantage, le soit sans contrepartie. Elle suppose ainsi un déplacement de valeur du patrimoine du disposant vers le patrimoine du gratifié, à la différence du contrat de bienfaisance où il n’y a pas disposition de ses biens, mais fourniture d’une activité bénévole (mandat non salarié), concession d’une jouissance gratuite (prêt à usage), ou mise à la disposition d’un tiers de son crédit uniquement (caution).
Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament. »
■ Code civil
Article 909 (L. no 2007-308 du 5 mars 2007, art. 9 [entrée en vigueur le 1er janv. 2009])
« Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.
Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité.»
Sont exceptées:
1o Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus;
2o Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu'au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n'ait pas d'héritiers en ligne directe; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite, ne soit lui-même du nombre de ces héritiers.
Les mêmes règles seront observées à l'égard du ministre du culte. »
Ancien article 909, alinéa 1er
« Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie. »
« L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »
■ Civ. 1re, 13 mai 1958, Bull. civ. I, n° 242.
■ Civ. 1re, 1er juill. 2003, D. 2003. Jur. 2404, concl. J. Saint-Rose ; Défrenois 2004. 31, note Peterka ; RGDA 2004. 157, note Mayaux.
■ Civ. 1re, 10 oct. 1978, D. 1979. IR. 1975, obs. D. Martin ; JCP 1980. II. 19341, note Dagot.
■ Civ. 1re, 4 déc. 1985, Bull. civ. I, n° 337 ; R., p. 87.
■ I. Najjar, V° « Disposition à titre gratuit », Rép. civ. Dalloz, nos 207 s., spéc. 209.
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