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Droit des régimes matrimoniaux
Incidence de la date des effets de la dissolution de la communauté sur les redevances liées à un brevet
Mots-clefs : Divorce, Communauté légale, Date de la dissolution, Actif indivis post-communautaire, Brevet, Date de dépot, Bien propre
Le droit de propriété sur un brevet nait le jour de son dépôt à l'Institut national de la propriété industrielle. Aussi, les redevances à percevoir au titre de l’exploitation de ce brevet, dont la date de dépôt est postérieure à celle fixée pour les effets de la dissolution d’une communauté légale, n’entrent pas dans l’actif indivis post-communautaire.
Marié sans contrat de mariage (régime légal de la communauté réduite aux acquêts : art. 1400 à 1491 C. civ.), un couple divorce. La date des effets du divorce en ce qui concerne leurs biens est fixée à une date antérieure à son prononcé (art. 262-1 et 1442 C. civ.). L’époux détenait des parts dans une société qui déposa à l’Institut national de la propriété (INPI) deux brevets (art. L. 611-1 CPI) : l’un avant la date retenue pour les effets du divorce, l’autre après. Tous deux le désignaient inventeur. Lors de la liquidation des intérêts patrimoniaux, l’épouse revendique que les redevances afférentes au second brevet doivent figurer pour moitié à l’actif de l’indivision post-communautaire.
La cour d’appel fait droit à cette demande en reconnaissant l’existence d’un lien incontestable entre les deux brevets : le second, constituant un progrès apporté au premier, avait contribué de manière significative à l’essor de la société.
Pour répondre à la question de savoir si les redevances à percevoir au titre de ce second brevet entraient dans l’actif indivis post-communautaire, il est nécessaire de déterminer la nature du bien (commun ou propre).
Tout d’abord, en vertu de l’article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle, la délivrance d’un brevet impose que l’invention soit considérée comme nouvelle par rapport à l’état de la technique. La nouveauté étant entendue strictement, une faible différence suffit. Ainsi, en l’espèce, l’objet et la portée des deux brevets ne pouvaient totalement concerner la même invention car la publication du premier brevet aurait rendu impossible celle du second : ils sont donc indépendants. En outre, en vertu des articles L. 611-1 et L. 613-1 du même code, le droit de propriété sur un brevet naît le jour de son dépôt à l'INPI et il appartient à son inventeur (art. L. 611-6, al. 1er CPI).
Ensuite, en vertu des articles 262-1 et 1442 du Code civil, la date de dissolution de la communauté légale quant aux biens peut être reportée. Elle détermine la consistance de la communauté. Aussi, tous les biens acquis postérieurement (ainsi que leurs fruits) sont propres à l’acquéreur. De même, une indemnité versée à un époux, liée à la révocation de ses fonctions, postérieure à la dissolution de la communauté, constitue une créance personnelle (Civ. 1re, 5 mars 2008). En l’espèce, le brevet désignait l’époux comme inventeur (art. L. 611-6, al. 1er CPI). Il n’a pu jouir du droit de propriété sur ce second brevet qu’à partir du jour de son dépôt à l’INPI (art. L. 611-1 et L. 613-1 CPI, préc.). La date des effets du divorce en ce qui concerne les biens des époux ayant été arrêtée antérieurement à la date de dépôt du second brevet, ce brevet est, par conséquent, un bien personnel de l’époux dont les redevances ne pouvaient entrer dans l’actif indivis post-communautaire. Aussi, la Haute cour casse l’arrêt d’appel au visa des articles 262-1 et 1442 du Code civil et des articles L. 611-1 et L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle.
Com. 4 oct. 2011, n°10-21.225, F-P+B
Références
[Droit civil]
« Biens qui font partie de la communauté entre époux et qui sont partagés par moitié après la dissolution du régime matrimonial, sauf stipulation de parts inégales. »
[Droit civil]
« Dans un régime matrimonial de communauté, biens appartenant à l’un ou à l’autre des époux et qui ne tombent pas dans la masse des biens communs. À la dissolution de la communauté, chaque époux reprend ses biens propres. »
[Droit commercial]
« Titre délivré par les pouvoirs publics (INPI), conférant un monopole temporaire d’exploitation (en principe 20 ans) sur une invention à celui qui la révèle, en donne une description suffisante et complète, et revendique ce monopole. »
[Droit civil]
« Régime matrimonial en vertu duquel tout ou partie des biens dont disposent les époux forme une masse commune et partagée entre eux ou entre l’époux survivant et les héritiers de l’autre, à la dissolution du régime. »
[Droit civil]
« Statut qui gouverne les intérêts pécuniaires des époux, dans leurs rapports entre eux, et dans leurs rapports avec les tiers et dont l’objet est de régler le sort des biens actifs et passifs des époux pendant le mariage et à sa dissolution. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code civil
« Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
– lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;
– lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.
À la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge. »
« La communauté, qui s'établit à défaut de contrat ou par la simple déclaration qu'on se marie sous le régime de la communauté, est soumise aux règles expliquées dans les trois sections qui suivent. »
« Il ne peut y avoir lieu à la continuation de la communauté, malgré toutes conventions contraires.
Les époux peuvent, l'un ou l'autre, demander, s'il y a lieu, que, dans leurs rapports mutuels, l'effet de la dissolution soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. »
■ Code de la propriété intellectuelle
« Toute invention peut faire l'objet d'un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d'exploitation.
La délivrance du titre donne lieu à la diffusion légale prévue à l'article L. 612-21.
Sous réserve des dispositions des conventions internationales auxquelles la France est partie, les étrangers dont le domicile ou l'établissement est situé en dehors du territoire où le présent titre est applicable jouissent du bénéfice du présent titre, sous la condition que les Français bénéficient de la réciprocité de protection dans les pays dont lesdits étrangers sont ressortissants.
Sauf stipulation contraire d'un engagement international auquel la France est partie, les dispositions du présent article s'appliquent aux inventions réalisées ou utilisées dans l'espace extra-atmosphérique y compris sur les corps célestes ou dans ou sur des objets spatiaux placés sous juridiction nationale en application de l'article VIII du traité du 27 janvier 1967 sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. »
« Le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 appartient à l'inventeur ou à son ayant cause.
Si plusieurs personnes ont réalisé l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au titre de propriété industrielle appartient à celle qui justifie de la date de dépôt la plus ancienne.
Dans la procédure devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, le demandeur est réputé avoir droit au titre de propriété industrielle. »
« Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.
Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure. »
Les deuxième et troisième alinéas n'excluent pas la brevetabilité d'une substance ou composition comprise dans l'état de la technique pour la mise en œuvre des méthodes visées à l'article L. 611-16, à condition que son utilisation pour l'une quelconque de ces méthodes ne soit pas comprise dans l'état de la technique.
Les deuxième et troisième alinéas n'excluent pas non plus la brevetabilité d'une substance ou composition visée au quatrième alinéa pour toute utilisation spécifique dans toute méthode visée à l'article L. 611-16, à condition que cette utilisation ne soit pas comprise dans l'état de la technique.
« Le droit exclusif d'exploitation mentionné à l'article L. 611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande. »
■ Civ. 1re, 5 mars 2008, Bull. civ. I, n°65.
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