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[ 13 octobre 2010 ] Imprimer

Procédure pénale

Indemnisation du préjudice subi par l'enfant né d’un viol incestueux

Mots-clefs : Viol, Victime par ricochet, Préjudice réparable, Constitution de partie civile

L'action civile de l'enfant, victime par ricochet du viol commis sur sa mère est recevable, et le préjudice subi, qui résulte non seulement de sa naissance mais encore de sa connaissance future des faits, des difficultés de construction qu’il éprouvera et de l’impossibilité de faire établir son lien de filiation paternelle, est indemnisable.

L’enfant né d’un viol incestueux peut-il demander réparation à son géniteur ? C’est la difficile question, qui rappelle l'affaire « Perruche », et la loi du 4 mars 2002 qui en a découlé (v. égal. Cons. const. 11 juin 2010), qui est tranchée par la chambre criminelle dans un arrêt du 23 septembre 2010. En l’espèce, un homme avait été condamné à six ans d'emprisonnement pour agressions sexuelles aggravées en récidive sur la personne de sa fille, à la suite d'une correctionnalisation judiciaire. Cette dernière s’était constituée partie civile au nom de l’enfant né de ces relations incestueuses. L’action civile avait d’abord été déclarée irrecevable. Une décision néanmoins infirmée par la cour d’appel, qui avait admis l'existence d'un préjudice réparable subi par l'enfant, consistant « dans la connaissance que celui-ci aura des faits en grandissant », « les difficultés qu'il rencontrera à se construire », ainsi que l'impossibilité légale d'établir sa filiation paternelle en application des dispositions de l'article 310-2 du Code civil.

La chambre criminelle rejette ici le pourvoi formé par l’auteur des faits. L’admission de la constitution de partie civile formée par la mère au nom de son enfant est réaffirmée sur le fondement de l'article 3 du Code de procédure pénale : « l'action civile est recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découlent des faits, objet de la poursuite » (v. déjà, admettant l’action civile des victimes par ricochet : TGI Lille, 6 mai 1996 ; TGI Tulle, 10 avr. 1998 ; Crim. 4 fév. 1998).

Pour la première fois, la chambre criminelle statue sur la consistance du préjudice indemnisable subi par l'enfant né dans ces conditions. Elle approuve les juges du fond d'avoir condamné l'auteur à réparer le préjudice moral subi par l'enfant dès lors que « le préjudice indemnisé, en l'espèce, ne résulte pas de [sa] seule naissance ». Pour autant, les différents autres préjudices subis sont indissociables de la naissance, d’où une part d’artificialité de la solution, rendue avant tout en équité.

Crim. 23 sept. 2010, n° 09-84.108, P+B+I

Références

Partie civile

« Nom donné à la victime d’une infraction lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant les juridictions répressives (mise en mouvement de l’action publique, action civile en réparation). »

Préjudice

« Dommage matériel (perte d’un bien, d’une situation professionnelle…), corporel (blessure) ou moral (souffrance, atteinte à la considération, au respect de la vie privée) subi par une personne par le fait d’un tiers. Le terme est employé en particulier pour exprimer la mesure de ce qui doit être réparé : on parle de préjudice réparable. »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Cons. const. 11 juin 2010, décis. n° 2010-2-QPC, D. 2010. 1976.

TGI Lille, 6 mai 1996, D. 1997. 543, note Labbée.

■ TGI Tulle, 10 avr. 1998, D. 1998. IR. 146.

Crim. 4 févr. 1998, D. 1999. 445, note Bourgault-Coudevylle.

Article 310-2 du Code civil

« S'il existe entre les père et mère de l'enfant un des empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre par quelque moyen que ce soit. »

Article 3 du Code de procédure pénale

« L'action civile peut être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction.

Elle sera recevable pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux, qui découleront des faits objets de la poursuite. »

 

 


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